Des panélistes algériens et étrangers ont décortiqué l'évolution de la scène énergétique à l'échelle régionale et internationale. Dans une intervention introductive, Mourad Preure, président d'Emergy a indiqué qu'à long terme, il y aura retour au pétrole produit par les pays Opep, dont l'offre se situe actuellement autour de 29 millions de barils par jour, une position que l'organisation doit préserver dans un contexte changeant marqué par une volatilité des cours du pétrole et surtout par la multiplicité des acteurs en présence. Aujourd'hui, le paysage énergétique est en train d'épouser une nouvelle reconfiguration, où les Etats-Unis pourraient passer de position d'importateur de brut à exportateur, surclassant ainsi l'Arabie saoudite. C'est une hypothèse largement évoquée ces derniers mois. Y aura-t-il pour autant une explosion de l'offre pétrolière ? Mourad Preure dit ne pas croire à l'abondance de l'offre. Pour lui, il est difficile de dépasser cent millions de barils par jour. Preure a également parlé des prix du pétrole qui agissent sur l'investissement dans l'industrie pétrolière et gazière, et des aspects géopolitiques qui influent sur les cours de l'or noir. Ait Laoussine, ancien ministre de l'Energie et expert international, estime que le secteur pétrolier a fortement évolué ces douze dernières années. Ait Laousine s'est attardé sur certains pays comme la Chine ou le Brésil, qui comptent dans l'échiquier énergétique. C'est une nouvelle ère, un nouveau contexte dans lequel, la chinoise Cnpc, par exemple, a gravi les échelons dans le classement des grosses compagnies pétrolières et gazières. Dans ce changement, l'Opep devrait disposer de capacité lui permettant de continuer à approvisionner normalement les marchés jusqu'à 2020. Analysant l'attitude de l'organisation pétrolière et son influence sur les cours du pétrole, l'ancien ministre de l'Energie a relevé que l'Opep «a laissé faire le marché». L'organisation viennoise compte douze membres, dont l'Irak. Ces membres sont soumis à un régime de quotas, à l'exception de l'Irak, souligne Ait Laoussine qui indique que l'Opep a essayé de réintégrer l'Irak dans ses quotas, mais que ce pays a refusé, pour des raisons d'ordre politique. L'intervenant a, par ailleurs, ajouté que l'organisation pétrolière fait face aujourd'hui à la volatilité des prix de l'or noir et que la spéculation en est la cause. Ait Laoussine explique aussi que les spéculateurs font des profits, que les cours augmentent ou baissent. Toutefois, cette spéculation les pays consommateurs en parlent peu, exhortant souvent l'Opep à agir sur l'offre pour stabiliser les marchés pétroliers. La situation est similaire, ou presque, sur les marchés gaziers, où les prix posent problème actuellement. Sur beaucoup de marchés, la référence qui détermine les prix du GNL est le marché Spot, une formule contestée cependant par de nombreux pays. Deux écoles s'affrontent à ce sujet, explique Ait Laoussine : l'une défend l'indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole, l'autre une libéralisation des cours. Cette situation a fait que les prix du gaz ont sensiblement baissé ces dernières années. L'ancien ministre de l'Energie a révélé, à ce propos, qu'il y a certains pays comme le Qatar qui, lors de réunions formelles, se disent d'accord sur des prix de référence (indexés sur ceux du pétrole), mais qui changent d'attitude au sortir de réunions. Le Qatar intervient à hauteur de huit pour cent dans les livraisons gazières européennes. La Russie, tenant le haut de la rampe, fournit vingt-trois pour cent du gaz européen, la Norvège dix neuf pour cent, l'Algérie dix pour cent. Pour Ait Laoussine, il est nécessaire que l'Algérie défende sa position sur le marché gazier européen, tout en cherchant d'autres débouchés de marché pour son gaz. L'expert estime qu'il faut épouser une ligne intermédiaire pour préserver les prix du gaz, ajoutant que le GNl continue d'occuper une bonne place dans les échanges internationaux, malgré le fait qu'il y a aujourd'hui de nouvelles ressources, à l'exemple du schiste, qui sont en train de se développer, notamment aux Etats-Unis. Ait Laoussine estime que l'Algérie a les moyens de développer et de diversifier son économie, rappelant cette déclaration du défunt Houari Boumediène : «Semer le pétrole pour récolter le développement». Ait Laoussine avance que le secteur pétrolier a généré mille milliards de dollars, dont a tiré profit l'économie, et non pas huit cents milliards de dollars comme cela a été indiqué par le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, il y a quelques jours. L'expert a insisté sur la nécessité de mettre en place un modèle de consommation énergétique basé sur des paramètres clairs, mettant en relief la question des subventions. Le potentiel du patrimoine minier, la richesse du sous sol algérien, c'est Nazim Zouiouèche, ancien P-dg de Sonatrach, qui en parle, à la faveur du Forum d'Alger. Zouiouèche a évoqué le bassin de Berkine (dix milliards de barils de liquide en place), c'est un des plus importants gisements découverts au début des années quatre-vingt-dix. L'intervenant a souligné que les moyens technologiques ont beaucoup évolué et que cela doit être mis à profit pour augmenter les taux de récupération des hydrocarbures dans le pays. Il estime ainsi qu'il est possible aujourd'hui de ramener le taux de récupération dans le gisement de Hassi Messaoud à trente-cinq pour cent. Sur la question du gaz de schiste, il a déclaré que l'Algérie doit rester en veille, tout en développant d'autres énergies telles que les énergies solaires. Nazim Zouiouèche a, par ailleurs, relevé que ce ne sera pas intéressant de créer une ville nouvelle dans le Sud, à moins que l'on mette en place les conditions nécessaires, citant en exemple le Nigeria et la Tanzanie où les villes nouvelles ont été un échec. Y. S.