Pour rendre hommage à l'un des «faiseurs de l'histoire» de l'Algérie, le défunt Ammar Bentoumi, un séminaire a été organisé hier à l'hôtel Hilton. Malgré l'absence très remarquée des officiels, à savoir le ministre de la Justice, Tayeb Louh, et le ministre des Moudjahidine, Chérif Abbas, la rencontre internationale portant sur le thème «les mutations du droit international», a drainé beaucoup de monde. Aux côtés des avocats du bâtonnat d'Alger et de ceux de l'Association internationale des juristes démocrates (Aijd), étaient présents également l'ex-président de l'APN, M. Karim Younès et l'ex-chef du gouvernement Ali Benflis, venu en qualité de bâtonnier. L'arrivée de ce dernier, très attendue par les représentants des médias, a quelque peu perturbé le déroulement du séminaire. Dès son arrivée, Ali Benflis a tenu à préciser que sa présence au séminaire vise uniquement à rendre hommage à un grand homme et à apporter un témoignage sur son œuvre. Face à l'insistance des journalistes M. Benflis a dit «je suis un acteur politique et il est dans l'ordre des choses que je m'exprime dans un proche avenir». Une fois la parenthèse sur son avenir politique fermée, Ali Benflis a été invité à présenter son témoignage et à rendre hommage à Ammar Bentoumi. Dans une longue intervention, l'avocat Benflis est revenu sur sa rencontre avec «son ami» Ammar Bentoumi et sur ses nombreuses réalisations. Le qualifiant de «vigie des libertés», Ali Benflis a évoqué le parcours de moudjahid de Ammar Bentoumi et a rappelé le «don de soi» de l'homme pour son pays. «Parmi tes réalisations les plus nobles, je ne peux omettre la création de la Cour suprême (...) l'algérianisation du corps de la magistrature (...) la création du sceau de la souveraineté nationale (...) le décret sur l'état civil (...)» a relaté, longuement l'avocat Benflis qui n'a pas manqué d'évoquer le franc parler d'Ammar Bentoumi en apportant son témoignage sur une rencontre entre le défunt et feu Houari Boumediène lors d'une cérémonie à la Cour d'Annaba à l'occasion de l'ouverture de l'année judiciaire 1973. Le président Boumediène qui avait tenu à saluer Ammar Bentoumi avant de quitter la salle, lui avait lancé «alors si Ammar, vous n'avez rien à dire après ce que vous avez entendu». «Donnez moi la parole, Monsieur le Président, et vous entendrez ce que j'ai à dire» avait répliqué Bentoumi. Pour Ali Benflis, ce jour-là, comme toujours, Ammar Bentoumi fut fidèle à lui-même «intransigeant sur les principes, intraitable sur les convictions, respectueux des institutions dans la forme tout en s'interdisant toute concession ou complaisance sur le fond». Avant l'intervention de Ali Benflis, de nombreux témoignages ont été donnés. Le bâtonnier Sellini a ouvert le bal des interventions en présentant un historique sur la vie d'Ammar Bentoumi. Il sera suivi par Me Omar Zine, le secrétaire général de l'Union des avocats arabes, et Mme Jeanne Mirer, la présidente de l'Association internationale des juristes démocrates. Un émouvant hommage a ensuite été rendu au défunt par le vice-président de la même organisation, Me Roland Weyl, avocat défenseur des militants du Front de libération nationale (FLN). Mes Bernard Cahen et Benmelha El Ghouti sont également intervenus à cette occasion. A signaler enfin que les travaux de ce séminaire vont se poursuivre aujourd'hui où plusieurs conférences portant sur la vue d'ensemble sur la crise du droit international, ou encore l'utilisation de la loi antiterroriste pour criminaliser le droit des peuples et la lutte contre l'impunité dans le cadre du droit des Palestiniens et le droit du peuple du Sahara occidental seront données. Le processus de construction et les prémices de reconstruction du droit international seront décortiqués par deux spécialistes. La violation des droits économiques et culturels ainsi que l'impact de la dette sur la perpétuation de la crise du droit international seront au cœur des deux conférences qui clôtureront aujourd'hui ce séminaire. H. Y. Mohamed Bentoumi révèle : «Mon père a laissé tomber la médecine pour défendre la cause nationale» Satisfait mais aussi ému aux larmes pour l'hommage rendu à son père, Me Mohamed Bentoumi a lui aussi tenu à souligner l'importance de cette rencontre et les raisons de son organisation. Il a ainsi souligné «nous avons organisé cet hommage à la demande de l'Association internationale des juristes démocrates (Aijd) qui a tenu à rendre hommage à son président honorifique en collaboration avec le bâtonnat d'Alger. On a choisi la date d'aujourd'hui en raison des disponibilités. Mais il se trouve et c'est un pur hasard, que mon défunt père a été installé comme ministre de la Justice un 29 septembre 1962». Pour Bentoumi le fils, «le plus important est de faire passer le message. Donner l'image d'un homme qui a consacré toute sa vie à la défense des droits des personnes et des peuples». Il précisera alors que la décision de son père d'être avocat «était déjà un acte de militantisme. Il devait faire médecine et il avait constaté avant de s'inscrire en médecine qu'il n'y avait pas d'avocats algériens militants nationalistes ou alors très peu. C'est comme ça qu'il a choisi le métier et a obtenu sa licence en droit. Il s'est consacré ensuite à la défense des militants de la cause nationale». En parallèle, Ammar Bentoumi «n'a pas manqué d'adhérer à l'Aijd, créée en 1947, et il est devenu secrétaire général, ensuite président avant d'être désigné président honorifique. Il n'y en a que deux dans le monde, mon défunt père et Nelson Mandela». Poursuivant son témoignage, Mohamed Bentoumi dit «bien entendu, il a eu le privilège d'être le premier ministre de la Justice de l'Algérie indépendante et le premier à démissionner de son propre chef. Il a été emprisonné pour ses positions à l'époque et à sa libération, il est revenu vers son métier d'avocat et est devenu bâtonnier. Pendant des années, il a continué à militer pour le droit des peuples». C'est la raison pour laquelle le thème choisi pour le séminaire porte sur l'évolution du droit international et la défense des peuples sahraouis et palestiniens. H. Y Benflis : «Je m'exprimerai dans un délai pas lointain» Invité en tant que bâtonnier et ancien ministre de la Justice, Ali Benflis, ex-chef du gouvernement, a ravi la vedette, hier, aux travaux de la cérémonie commémorative organisée en hommage à feu Ammar Bentoumi. Signant son arrivée sur les lieux de l'événement pendant que les travaux se déroulaient, Ali Benflis ne voulait pas s'exprimer à cette occasion sur son avenir politique, notamment en ce qui concerne sa probable candidature à la candidature pour les élections présidentielles d'avril 2014. Il expliqua son attitude par le «respect qu'il voue au défunt», déclarant « ne pas vouloir s'accaparer l'événement pour des objectifs politiques». Mais devant l'insistance des médias, l'ancien candidat aux élections présidentielles d'avril 2004, indiquera qu'il va s'exprimer sur la question relative à la joute présidentielle au moment opportun. Quand est-ce que allez-vous vous prononcer M. Benflis ? «Dans un délai pas lointain», a-t-il répondu sans livrer de détails. A. Y. Me Sellini : «De nombreux avocats d'Alger rejettent la loi organisant la profession» Abdelmadjid Sellini, le bâtonnier d'Alger a reconnu hier, en marge des travaux du séminaire organisé en hommage au bâtonnier Ammar Bentoumi, que de nombreux avocats du bâtonnat d'Alger rejettent la loi organisant la profession, adopté en juillet dernier. Faut-il rappeler que les avocats avaient rejeté, dans leur majorité, le projet de loi avant son adoption par l'APN et avaient menacé de mener un important mouvement de protestation. Après l'adoption du projet par l'APN, une rencontre entre les présidents des barreaux d'Algérie et le ministre de la Justice avait dégelé la situation de blocage entre les deux parties puisque au sortir de cette réunion, et cité par l'APS, le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini avait estimé que le projet était «acceptable dans sa mouture actuelle». Il s'agissait d'un revirement pour le moins inattendu. Car, Me Sellini avait à plusieurs reprises affirmé, rappelons-le, que la mouture du projet de loi adopté par l'APN ne reflétait nullement les concertations entre la tutelle et les représentants des avocats. Il avait crié à la trahison, exprimé sa «profonde déception» vis-à-vis de la «régression criarde» du contenu de la mouture. Hier et en avouant que de nombreux avocats restent mécontents de la loi adoptée, il a expliqué que les textes d'application de la loi seront élaborés au terme d'un dialogue avec les représentants de la corporation. Cela laisse supposer que les représentants de la corporation d'avocats ont accepté un compromis avec la tutelle et que les textes d'applications pourront «nuancer» certains articles de loi. H. Y.