Le grand perdant direct dans cet accord irano-occidental, c'est Israël, mais les perdants collatéraux sont les pays du Golfe qui redoutent un rééquilibrage des relations stratégiques dans la région du Moyen-Orient, au profit de l'Iran. Tant que le pétrole coule à flot dans les pays du Golfe, les Etats-Unis continueront à en faire des partenaires commerciaux et politiques de premier plan, cependant, si les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux aboutissent d'ici six mois, à un accord définitif avec Téhéran sur l'usage pacifique du nucléaire, l'Iran deviendrait alors l'allié stratégique des Etats-Unis en raison de son poids politique, militaire et économique dans la région. D'ailleurs c'est à juste titre, que les pays du Golfe estiment qu'ils ont été lâchés par les Etats-Unis et commencent à envoyer des signes de bonne volonté à l'Iran, pour ne pas tout perdre. Les Emirats arabes unis ont été le premier pays du Golfe à saluer l'accord intérimaire conclu à Genève entre les grandes puissances et l'Iran sur son programme nucléaire, exprimant l'espoir qu'il contribuera à terme «à la stabilité de la région». Si les pays du Golfe se méfient de l'Iran, ce n'est pas uniquement en raison de son poids militaire, mais surtout en raison de sa nature chiïte qui risque de nourrir les ambitions des chiïtes arabes et qui sont parfois majoritaires comme c'est le cas dans le Bahreïn. Un analyste saoudien ne cache pas d'ailleurs ses craintes : «dans le principe, les pays du Golfe veulent de bonnes relations avec l'Iran, mais l'accord a réduit le problème avec l'Iran au seul nucléaire, alors que ses ingérences dans la région constituent un souci essentiel pour ces pays». L'analyste affirme que les pays du Golfe «craignent que l'Iran ne considère cet accord comme un encouragement à avoir les mains libres dans la région», où Téhéran est accusé de soutenir militairement le régime du président syrien Bachar al-Assad et d'alimenter l'instabilité à Bahreïn ou au Yémen, à travers les communautés chiites de ces pays. Mais la réaction la plus viscérale vient d'Israël dont le premier ministre a qualifié l'accord d'«erreur historique» et affirmé que son pays avait «le droit de se défendre». Ce qui est étrange, c'est cette conjonction d'intérêts entre Israël et les pays du Golfe. Ces derniers ne considèrent plus Israël comme ennemi, ni comme une menace sur la paix et la stabilité dans le Moyen-Orient, alors que c'est le même Etat qui occupe un pays arabe, qui a agressé le Liban plusieurs fois, qui s'est attaqué à la Syrie et qui refuse de faire une paix juste. En revanche, l'Iran, pays musulman, qui n'a jamais agressé un pays voisin, qui a même été victime d'une agression irakienne soutenue par les pays du Golfe militairement, financièrement et politiquement, avant même qu'il se stabilise après la révolution islamique de 1979. Les analystes saoudiens qui constituent l'arbre qui cache la forêt, ne sont pas inquiets vis-à-vis d'Israël, mais de l'Iran : «nous sommes inquiets», dit Anouar Eshki, chef de l'Institut du Moyen-Orient pour les études stratégiques, basé à Jeddah, affirmant que l'allègement des sanctions équivaut à quelque sept milliards de dollars. «Il faut savoir si ces fonds vont être utilisés par le régime iranien pour servir son peuple ou alimenter les crises dans la région», s'interroge-t-il. L'accord de Genève fait tomber les masques des sous-traitants de l'Occident qui étrangement, évoquent les droits de l'Homme, la démocratie et la liberté pour les peuples d'ailleurs mais pas pour leurs propres peuples. La révolte des Bahreïnis a été étouffée dans le sang, parce que pour les dirigeants des pays du Golfe, le printemps n'est pas le bienvenu dans le désert. A. G.