Iran et Occident sont parvenus, hier, très tôt dans la journée, à un accord qualifié d'historique par les médias. La diplomatie prouve, ainsi, pour la seconde fois après l'accord sur les armes chimiques syriennes, que les négociations désamorcent bien des crises complexes. La force ne doit être, en aucun cas, un premier recours, mais bien l'ultime, quand toute discussion aura échoué. Au terme de l'accord d'hier, l'Iran a réussi à arracher un allègement des sanctions qu'elle endure depuis des années et une reconnaissance de son droit à maîtriser une technologie nucléaire à des fins pacifiques. En contrepartie, Téhéran a accepté de surseoir à ses activités nucléaires. Elle s'est également engagé à stopper l'enrichissement de l'uranium au-delà des 5% et de promettre que ses stocks actuels enrichis à plus de 20%, seront traités pour perdre leur qualité militaire. L'allègement des sanctions estimé à près de 7 milliards d'euros, selon le New York Times, sera une vraie bouffée d'oxygène pour une économie asphyxiée par le poids des sanctions, notamment sur le rapatriement des devises. Cet accord intérimaire, valable six mois, semble satisfaire toutes les parties. Seul Israël l'a qualifié d'«erreur historique» que regretteraient les puissances qui l'ont avalisé. L'Etat sioniste, seule puissance nucléaire de la région, n'a pu réprimer l'expression de son amertume. Affirmant que l'accord trouvé ne la concernait point, Israël a de nouveau agité la menace d'une opération militaire contre l'Iran. «Ce qui a été conclu à Genève n'est pas un accord historique, mais une erreur historique», a déclaré M. Netanyahu à l'ouverture du Conseil des ministres hebdomadaire. «Le monde est devenu plus dangereux, car le régime le plus dangereux au monde a fait un pas significatif vers l'acquisition de l'arme la plus dangereuse au monde», a-t-il affirmé. Une déclaration qui contredit celle du secrétaire d'Etat américain qui avait déclaré plus tôt dans la matinée : «Le monde est devenu plus sûr». L'accord d'hier, trouvé au terme d'une négociation marathon de cinq jours est, selon l'Agence de presse américaine, surtout le fruit de longs mois de pourparlers secrets entre Washington et Téhéran. Ces derniers se seraient déroulés au Sultanat d'Oman. Des négociations, selon la même source, qui ont débuté au mois de mars, quatre mois avant l'élection de Hassan Rohani. La prise de langue entre Téhéran et Washington a été rendue publique en septembre à l'occasion de la présence du nouveau président iranien à l'ONU. L'appel téléphonique d'Obama marqua officiellement le dégel entre les dirigeants des deux pays. Dans une déclaration à la Maison-Blanche, le président américain Barack Obama s'est félicité d'avoir «pour la première fois depuis une décennie», obtenu un recul iranien. Il a reconnu, par la même occasion, à Téhéran le droit «d'accéder à l'énergie nucléaire pacifique, comme toute autre nation». Le président russe a estimé, pour sa part, que «cet accord est une percée, un premier pas vers l'accord final». Les Emirats arabes unis se sont félicités dimanche de l'accord intérimaire conclu à Genève sur le programme nucléaire iranien et émis l'espoir qu'il contribuera à terme à la stabilité de la région. Il s'agit de la première réaction d'une des six monarchies arabes du Golfe, qui redoutent que leur voisin iranien se dote un jour de l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire à usage civil. Les monarchies du Golfe n'ont jamais caché leur défiance à l'égard de leur voisin. «Dans le principe, les pays du Golfe veulent de bonnes relations avec l'Iran», explique l'analyste saoudien Jamal Khashoggi. «Mais l'accord a réduit le problème avec l'Iran au seul nucléaire, alors que ses ingérences dans la région constituent un souci essentiel pour ces pays.» L'analyste affirme que les pays du Golfe «craignent que l'Iran ne considère cet accord comme un encouragement à avoir les mains libres dans la région», où Téhéran est accusé de soutenir militairement le régime du président syrien Bachar al-Assad et d'alimenter l'instabilité à Bahreïn ou au Yémen, à travers les communautés chiites de ces pays. Le président américain Barack Obama a rapidement cherché à rassurer ses alliés dimanche, affirmant que l'engagement de son pays demeurerait «ferme à l'égard d'Israël et de (ses) partenaires du Golfe, qui ont de bonnes raisons d'être sceptiques vis-à-vis des intentions de l'Iran». «Nous sommes inquiets», dit l'analyste, soulignant que l'allègement des sanctions équivaut à quelque sept milliards de dollars. «Il faut savoir si ces fonds vont être utilisés par le régime iranien pour servir son peuple ou alimenter les crises dans la région», souligne l'analyste saoudien Anouar Eshki, chef de l'Institut du Moyen-Orient pour les études stratégiques, basé à Jeddah, l'accord en lui-même «n'est pas négatif, mais il est insuffisant», ajoute-t-il. M. Eshki énumère les griefs des pays du Golfe à l'égard de leur voisin chiite, «qui suscite des tensions confessionnelles entre sunnites et chiites, alimente les crises dans le monde arabe, en Syrie, au Liban ou au Yémen», et a un conflit territorial avec les Emirats arabes unis. Des griefs qui peuvent être aussi bien retournés aux pays du Golfe par Téhéran représenté par ces monarchies comme l'ennemi public numéro un des sunnites à travers le monde. A signaler qu'Israël n'est pas seul à dénoncer l'accord d'hier. Les Républicains américains ont, eux aussi, fustigé ce compromis. Passé avec un Etat qui «parraine le terrorisme», selon eux, le programme nucléaire iranien, affirment-ils encore, «n'a d'autre but que de préparer l'acquisition de l'arme atomique». G. H.