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Mauritanie, le maillon faible
Face aux djihadistes
Publié dans La Tribune le 02 - 12 - 2013

L'africanisation de la nébuleuse Al Qaïda associée à la montée en puissance de l'islam politique et l'influence croissante des imams wahhabites dans la sous-région du Sahel touche en premier lieu le pays des Mourabitounes.
Le résultat paradoxal de l'envoi au Mali des forces françaises, en janvier 2012, en réponse à la spectaculaire avancée des islamistes, le voici : toute la région a été précipitée dans l'insécurité la plus totale. Le déclenchement des
hostilités a provoqué, dans un premier temps, la déroute apparente des organisations terroristes. L'armée française a cru trop vite qu'elle avait «sauvé» le mali, en «enfumant», comme on dit en langage militaire, quelques centaines de terroristes. Plus sophistiqués qu'il ne semble à première vue, les cadres d'Aqmi et du Mujao avaient envoyé en première ligne des jeunes de douze à quatorze ans, qui furent explosés dans leurs pick up par les tirs des Français. Les dirigeants de cette nébuleuse ont pour la plupart essaimé dans les pays voisins, où ils ont trouvé refuge.
Mais les djihadistes se sont trouvés dans le besoin urgent d'embrigader de nouveaux jeunes a deptes, en mesure de renforcer leurs rangs et de constituer
demain de possibles combattants dociles. Les jeunes mauritaniens ont été une cible facile. Leur faible niveau scolaire et la dégradation de leur situation socioéconomique fragilisent davantage leurs capacités de résistance aux sirènes du djihad. En s'engageant, ces jeunes recrues deviennent vite aguerris et connaisseurs des lieux ce qui les rend indispensables dans l'organisation. Leur parfaite connaissance du terrain n'est pas aussi sans avantages pour les groupes terroristes qui ont investis pleinement dans le trafic de drogue et des armes pour renflouer leurs caisses.
Des narco terroristes à l'œuvre
Une véritable collaboration a été mise en place entre les réseaux des trafiquants de drogue et les différents groupes djihadistes, comme le Mujao ou Ançar Dine et les réseaux du trafic de drogue. Elle est rendue possible grâce au recrutement des jeunes connaissant le désert ce qui leur vaut d'être vus comme des «narcoterroristes».
A vrai dire, les djihadistes ne sont pas eux-mêmes des trafiquants. Leurs principales missions consistent à protéger les convois, sécuriser les pistes d'atterrissage, l'approvisionnement et récupérer la «dime» (taxe) pour le passage. Cette interdépendance entre les djihadistes et les narcotrafiquants, pour se consolider, nécessite la connaissance approfondie du terrain, chose qui ne fait aucunement défaut aux jeunes recrues mauritaniennes.
Des armes venues de Libye
Les cellules de la branche maghrébine d'Al Qaïda sont implantées surtout dans le nord de la Mauritanie à la frontière algérienne. Ces cellules sont en mouvement dans les régions désertiques qui s'étalent sur une frontière longue de 463 kilomètres. L'arrivée dans leur camp des armes automatiques en provenance de la Libye a complètement changé la donne. La suprématie est parfois avérée des groupes terroristes en termes d'équipements militaires. Ce qui les conforte
dans leur position de protecteurs des narcotrafiquants. «Cette activité permet aux groupes armées d'engranger beaucoup de bénéfices. C'est la protection et la sécurisation des convois de stupéfiants qui a permis à l'actuel émir de la katibate Al Mourabitoune, Mokhtar Belmokhtar, de s'enrichir à la faveur des dividendes qu'il en tire», explique un imam mauritanien sous couvert de l'anonymat.
Les salafistes en embuscade
La Mauritanie est connue comme le pays des mille poètes, on oublie souvent que ce pays de grande culture est enraciné dans une culture Islamique traditionnelle. Contrée séduisante, désertique, aux ressources naturelles ignorées trop longtemps, le pays est appauvri et certaines des dix mille Mahadras sont désormais sous l'influence des salafistes. «Très tôt, les mauritaniens ont émigré pour des raisons économiques, mais toujours pour prêcher l'Islam au Maghreb, en Espagne et depuis le temps des almoravides, puis dans toute l'Afrique Noire et l'Europe», déclare au site mondafrique, Ladji Traoré, le secrétaire général du mouvement l'Alliance Populaire Progressiste et spécialiste des affaires terroristes. Notre interlocuteur ajoute aussi que «les spécialistes d'Al Qaïda ignorent souvent que le premier entourage immédiat d'Oussama Ben Laden, notamment son Secrétaire particulier et son Imam étaient des mauritaniens». Et d'ajouter : «Parmi les premiers officiers de la katibat de Ben Laden en Afghanistan dès le début des années 2000, on comptait un
haut officier originaire du Trarza mauritanien». Et d'ajouter : «C'est ainsi qu'aujourd'hui parmi les idéologues d'Al Qaïda, de Ansar Dine du Mujao l'on compte de nombreux mauritaniens. Dans les mosquées de l'émigration
mauritanienne aussi bien en Afrique Noire qu'en Europe s'activent beaucoup de Salafistes et Jihadistes Wahabistes».
L'embrigadement des mauritaniens dans la nébuleuse d'Al Qaïda, connaisseurs des lieux, a accentué la pression aux frontières algériennes. Aussi le Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc), mis en place à Tamanrasset en 2010, pâtit de l'absence de consensus entre les riverains du Sahara.
Les politiques communes mises en œuvre ne semblent pas porter leurs fruits puisque les caisses des djihadistes se renflouent toujours davantage.
«Le Sahel est traditionnellement une zone affectée par le trafic et la contrebande de cannabis, principalement en provenance des pays limitrophes.
Les dernières années la région est devenue une véritable plaque tournante du trafic de drogues, terrorisme, insurrection et crime organisé. Les frontières
sont aussi devenues un carrefour du trafic de drogue au Sahel ce qui a conduit
les autorités du pays à redoubler d'efforts en vue d'endiguer ce phénomène
sur lequel les groupes terroristes s'arcboutent pour renflouer leurs caisses», nous fait remarquer Mohamed Al Mihdi, chercheur à l'institut mauritanien des études stratégiques. Le rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants, publié en mars 2013, présente lui aussi la Mauritanie comme l'un
des pays prisés par les bandes de narcotrafiquants.
K. R.
In mondafrique.com


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