Mohamed Rahmani La question de l'informel à Annaba, un phénomène qui a la peau dure, n'a pas encore trouvé de solution définitive en l'absence de décisions fermes et de réactions énergiques des autorités. En effet, même si ces derniers temps il y a eu baisse de cette activité parasite due essentiellement aux conditions météorologiques qui empêchent les vendeurs d'exposer leurs marchandises dans la rue, le phénomène est toujours là et se manifeste par de petits étals abrités sous les devantures des magasins. La rue Khemisti, juste derrière le théâtre, en plein centre-ville, est investie par ces marchands qui occupent les trottoirs et une partie de la chaussée créant des encombrements où les automobilistes peinent à passer. On y trouve des vêtements pour bébés, des sous-vêtements pour femmes, de la lingerie, des articles de toilette, des chaussures et des foulards de toutes sortes. Les riverains qui se sont plaints à maintes reprises n'ont visiblement pas été entendus puisque la situation n'a pas changé et a même empiré. Les vendeurs chassés de la rue Ibn Khaldoun (ex-Gambetta) se sont retrouvés entassés dans cette rue à sens unique qu'on leur a concédée. Une concession que n'ont pas agréé les habitants soumis chaque jour au diktat de ces vendeurs qui en dehors des nuisances sonores , laissent traîner derrière eux en rentrant à la tombée de la nuit, des dizaines de cartons, du papier cellophane, des bouteilles en plastique, des sachets et des restes de sandwichs que se disputent chiens et chats. Ces déchets emportés par le vent ou charriés par la pluie atterrissent sur les avaloirs qu'ils obstruent créant ainsi des accumulations d'eau qui débordent jusque sur les trottoirs et s'infiltrent dans les habitations. Les éboueurs qui passent durant les horaires fixés ne s'intéressent qu'aux poubelles qu'ils vident dans les bennes à ordures et les balayeurs n'en peuvent plus. A la rue Larbi Tebessi (ex-Bouskara), c'est le même topo. Des vendeurs y sont installés avec leurs étals où ils proposent divers articles, coupons, ustensiles de cuisine, parfums contrefaits, cosmétiques et autres. Petits étals qu'ils plient et déménagent rapidement avec la complicité des propriétaires de magasins, qui les aident à cacher leurs marchandises à l'arrivée des policiers de la voie publique ou encore pour abriter ces étals de la pluie. Ces mêmes propriétaires qui ne laissent pas passer une occasion pour se plaindre des commerçants de l'informel qui, selon leurs dires, ont fait baisser leurs chiffres d'affaires. A n'y rien comprendre ! Ce jeu au chat et à la souris se poursuit à longueur de semaine sans pour autant éradiquer le phénomène, d'une part les policiers font semblant de poursuivre ces vendeurs et ces derniers font semblant de fuir mais dès que les agents de l'ordre public tournent les talons, on revient et on s'installe comme si de rien n'était. Du côté de la rue Gambetta, une rue commerçante par excellence, on n'occupe plus tout le trottoir, on installe de petits étals «démontables et portatifs» pour vendre la lingerie féminine, de la bonneterie, des coupons, des parapluies made in China. Mais ce sont surtout les cambistes clandestins qui ont pignon sur rue, leurs sacs en bandoulière, de grosses liasses de billets de 1 000 DA à la main, ils proposent aux passants le change, et ce, au vu et au su de tout le monde. A la question de savoir pourquoi la police n'intervient pas pour arrêter ces cambistes dont l'activité est réprimée par la loi, question que nous avions posée il y a quelques temps au cours d'une conférence de presse à la sûreté de wilaya, on nous avait répondu que rien n'interdit de posséder des billets de banque de 1 000 DA et de les montrer dans la rue. Quant aux devises, ces cambistes ne les transportent pas sur eux et donc il n'y a pas délit. Le comble c'est que maintenant ceux-ci se sont multipliés et qu'à chaque coin de rue on en trouve. Les commerçants établis dans cette rue se sont eux aussi convertis et en ont fait à leur tour une activité accessoire et qui rapporte gros puisque nette de tout impôt. Au marché central ou à celui d'El Hattab, il y a tout un essaim de vendeurs à la sauvette qui gravitent tout autour, ce sont surtout les chaussettes, les sous-vêtements et les parapluies qui sont proposés aux passants à des prix très compétitifs. Mais ces produits sont la plupart du temps de mauvaises qualité et tiennent tout au plus une semaine ou deux. Une arnaque comme une autre dont est victime le consommateur en l'absence de contrôle des services concernés. Les mesures prises par les pouvoirs publics à Annaba se résument à la construction de marchés de fruits et légumes, marchés qui s'avèrent insuffisants puisque les vendeurs ambulants ou sur charrettes à bras sont légion et occupent carrément les rues comme c'est le cas du côté de la rue Ibn Badis à l'entrée de la cité La Colonne. A la cité Safsaf, en dehors du marché inauguré par le Premier ministre en février passé, rien n'a été construit depuis et un autre marché sauvage fait de tôle, de panneaux en bois et de sacs en plastique défigure la cité et lui donne une image hideuse où les détritus de toutes sortes s'amoncellent. Les chapiteaux dont on avait parlé pour remplacer ces taudis ne sont pas près d'être installés et la situation perdure causant bien des désagréments aux riverains. Cafés, pizzerias, épiceries, boulangeries, quincailleries, cybercafés, cabinets de médecins sont masqués par ce marché sauvage qui n'a pas encore été éradiqué malgré les promesses faites par les uns et les autres. On avait parlé lors de réunions de l'APC et de la direction du commerce de dégager des espaces pour fixer les commerçants de l'informel pour maîtriser ce phénomène et caser les quelque 6 000 à 8 000 personnes y activant, mais à ce jour rien n'a encore été fait. On continue à pourchasser ces vendeurs qui, invariablement, reviennent et occupent les mêmes espaces sachant que ces campagnes ne dureront pas et qu'à la longue on les laisserait faire. Il faut dire aussi que le tout répressif ne règle pas le problème puisque ces vendeurs sont chômeurs et n'ont que ce moyen pour gagner leur vie. Il faudrait agir en amont par la création d'emplois qui absorberaient une bonne partie. Pour le reste, il faudrait que ces espaces dont on a tant parlé voient le jour et soient affectés à cette activité avec un contrôle rigoureux. D'ici là, c'est l'anarchie qui prend le dessus, une anarchie qui menace sérieusement l'économie nationale du fait que toutes les marchandises vendues sur les trottoirs sont entrées frauduleusement sur le territoire national. M. R.