Samir Ould Ali Le tribunal criminel près de la cour d'Oran a condamné, hier après-midi, Abdelkader Belbouri à 20 ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire avec préméditation sur la personne d'Ahmed Kerroumi, universitaire et défenseur des droits de l'Homme, retrouvé mort assassiné le 23 avril 2011 dans les locaux du Mouvement démocratique et social (MDS). Le jeune homme a ainsi bénéficié de circonstances atténuantes puisque le représentant du ministère public, Bensouna Omar, avait requis la condamnation à perpétuité : «Tous les éléments contenus dans le dossier de l'accusation prouvent que l'inculpé est coupable d'homicide volontaire avec préméditation et vol de véhicule», avait affirmé le magistrat, à l'issue d'un bref réquisitoire au cours duquel il s'était contenté de rappeler que l'enquête menée depuis la découverte du corps sans vie du défunt avait conclu au crime passionnel et que les différents rapports d'expertise démontrent l'existence des empreintes digitales et de traces ADN de l'accusé sur les lieux du crime. Ce que le prévenu, lui-même, n'avait pas nié: «Oui, je me suis rendu sur les lieux avec le défunt ; oui, nous avons entretenu des rapports intimes mais je ne l'ai pas assassiné. Je vous jure que je ne l'ai pas tué !», a-t-il plusieurs fois répété à la barre. Se reportant à l'arrêt de renvoi, le président, Mohamed Souiyer, avait pourtant relu les aveux: «Ils m'on été extorqués sous les mauvais traitements, le manque de sommeil et la faim», a expliqué l'accusé, implorant. «Je répondais par l'affirmative à tout ce qu'on me demandait mais je vous dis aujourd'hui, je suis innocent des faits qui me sont reprochés.» Les traces de son propre sang mêlé au liquide séminal du défunt, retrouvées sur une serviette ? «Je reconnais la nature des rapports intimes mais pour ce qui est du sang, je ne comprends pas comment ils ont pu en trouver puisque je ne l'ai pas tué. J'ai d'ailleurs demandé une contre expertise», a répliqué l'accusé en mettant en doute l'enquête effectuée par la police. Assassinat politique ? Ce que, d'ailleurs, la partie civile, qui défend les intérêts de la veuve, représentée par trois avocats, ont clairement dénoncé par la suite : «Les supposées traces de sang ont été retrouvées 24 heures après que la scène du crime ait été scellée, le listing des appels téléphoniques donnés et reçus par le défunt a été expurgée par la police et nous ne connaissons, donc, pas l'identité de son dernier interlocuteur avant sa disparition, le 19 avril 2011 (à midi ce jour-là, Ahmed Kerroumi avait reçu un appel téléphonique alors qu'il se trouvait à l'université où il était enseignant, Ndlr) et le jour de l'enterrement, il a été transporté directement au cimetière, sans passer par la maison comme c'est de tradition. Tous ces éléments et d'autres encore plaident pour un travestissement des faits et une volonté délibérée d'empêcher la vérité d'éclater au grand jour», a soutenu avec vigueur Me Farid Khemisti. Vérité qui est, selon son confrère, Me Salah Hanoun, simple : «C'est un assassinat politique.» Pour l'orateur, il ne fait pas de doute qu'Ahmed Kerroumi a été liquidé à cause de son activisme politique au sein de MDS mais aussi -et surtout- au sein du Cncd : «Il faut replacer les faits dans leur contexte : au printemps 2011, l'Algérie, comme beaucoup de pays arabes, vivait une situation de fébrilité et des mouvements pour le changement dans le sillage de ce qui était appelé le Printemps arabe. C'est dans ce contexte, également marqué par les pressions et les intimidations qu'Ahmed Kerroumi a rencontré le rapporteur spécial des Nations unies, Frank La Rue.» Ce qui, entre autres éléments, accrédite, selon Me Hanoun, la thèse l'assassinat politique que certains milieux, appuyés par une presse acquise, ont voulu métamorphoser en crime passionnel : «Après la liquidation physique, on tente aujourd'hui d'assassiner la mémoire d'Ahmed Kerroumi», a-t-il encore affirmé. Les avocats de la défense qui se sont succédé à la barre ont également plaidé l'inconsistance du dossier d'accusation et «l'orientation sexuelle» que l'instruction a voulu donner à cet assassinat politique. Mettant en cause l'impartialité de l'accusation, démontant le rapport d'expertise du médecin légiste, réfutant les preuves apportées par la police, les avocats ont tout fait pour convaincre de l'innocence de leur mandant et obtenir son acquittement. Au final, ce sont les arguments de l'accusation qui ont porté et Belbouri Abdelkader a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle. S. O. A.