De mémoire d'Annabi, jamais auparavant il n'y a eu réalisation d'autant de logements que depuis quelques années. Un véritable boum qui a vu pousser comme des champignons des dizaines de nouvelles cités à la périphérie de la ville ou dans les 12 communes que compte la wilaya. En effet, sur les 26 000 logements du programme quinquennal, près de 20 000 ont été réalisés toutes formules confondues, logement social locatif, participatif, promotionnel, Aadl, habitat rural ou encore tout récemment le LPA. 50 000 autres unités sont prévues à la nouvelle ville de Draâ Errich, un nouveau pôle urbain qui verra dans un premier temps la réalisation de 24 000 logements, dont plus des 2/3 sont dédiés au logement social pour absorber une demande sans cesse croissante. La réalisation de cette nouvelle ville sera le point de départ d'un développement tous azimuts qui donnera un coup d'accélérateur à une économie locale frappée de léthargie et où le chômage endémique fait rage. En effet, le projet qui prévoit la réalisation de ces 50 000 logements tous types confondus pour 200 000 habitants, accompagnés d'équipements publics pour répondre aux besoins des populations, générera des milliers d'emplois directs et indirects et boostera la production locale en matière de matériaux de construction, de rond à béton, de produits de plomberie sanitaire, de boiserie et autres, ce qui représentera des plans de charges appréciables pour les entreprises intervenant dans le projet mais aussi pour celles concernées par la fourniture et la pose des équipements et des commodités. L'Etat, premier investisseur dans le projet avec plusieurs milliards de dinars (une première tranche de 23 milliards de dinars sur les 160 milliards prévus a été débloquée) qui seront injectés, s'implique complètement dans cette réalisation avec tous ses services, Dlep, DUC, DHW, DSP, DMI et autres, de sorte que les différentes structures qui seront réalisées seront suivies et contrôlées avec pour objectif le respect de la qualité du bâti, des normes techniques ainsi que les délais de réalisation. Il s'agit de réaliser, en dehors des milliers de logements, d'autres infrastructures : commerces, banques, santé, services postaux, un campus universitaire avec 20 000 places pédagogiques et 10 000 lits, un hôpital de 150 lits, 2 lycées, 3 CEM et 6 écoles primaires, des centres de culture et de loisirs, des terrains de sport comme point de départ pour ensuite s'adapter aux besoins qui seront exprimés selon l'accroissement de la population. Mais cette fois tout est prévu et l'expansion anarchique constatée dans les anciennes villes n'aura pas lieu. Malgré cela, la demande a explosé, non pas du fait de l'accroissement rapide de la population mais surtout du fait des migrations internes qui ont drainé des milliers de personnes venues de wilayas limitrophes et même de régions plus éloignées. Des familles entières se sont installées dans la périphérie de la ville ou dans les communes proches du chef-lieu de wilaya, créant des bidonvilles dont le nombre de baraques se multiplie chaque jour. On arrive, on construit sa baraque et on s'installe avec sa famille dans des conditions des plus déplorables pour ensuite réclamer voire exiger un logement décent quitte à manifester violemment et à bloquer toutes les voies de communication. Une situation qui se répète presque chaque mois à Annaba, où l'on assiste à des scènes de ce genre avec parfois des interventions des forces de sécurité pour rétablir l'ordre. «Quel que soit le nombre de logements qu'on construira et quel que soit le rythme des réalisations, on ne viendra jamais à bout de la demande qui augmente de manière exponentielle car juste après la clôture des recensements de l'habitat précaire dans tel ou tel quartier ou bidonville, le temps de réaliser les logements en question pour résorber ce type d'habitat, il apparait que le nombre s'est multiplié par 2, parfois par 3 ou 4. Cela devient intenable et les programmes lancés ne suffisent plus», confie un responsable à la direction du logement et des équipements publics. La police de l'urbanisme et de la protection de l'environnement (Pupe), un corps censé contrôler toute construction et veiller au respect de la réglementation en matière d'urbanisme, ne joue pas son rôle. «Les constructions précaires dans les bidonvilles poussent chaque jour au vu et au su de tous sans que personne ne réagisse, et maintenant on est passé à la vitesse supérieure puisqu'on construit en dur n'importe où et n'importe comment au grand jour. Pour les commodités, on ne s'embarrasse guère, on pique les conduites d'AEP et on s'alimente gratuitement en eau potable, l'électricité est fournie par les écoles primaires tout aussi gratuitement et tout le monde ferme les yeux. Puis on fait valoir son ‘'droit'' au logement alors que les habitants de la ville attendent depuis des années. Si cela continue, on viendra un de ces jours construire sa baraque sur le Cours de la Révolution», lance un Annabi, outré par le laxisme des autorités. Pour contrer ce phénomène, les autorités avaient exigé des bénéficiaires un PV de démolition de l'ancienne habitation (baraque) signé conjointement par le président de l'APC et la Dlep avant la remise des clés du logement attribué. Cela avait bien marché au départ, mais quelques temps après les baraques détruites sont reconstruites et de nouveaux occupants s'y sont installés parce que les autorités n'avaient pas contrôlé le site et l'avaient abandonné. Ce qui est sûr, c'est qu'à Annaba si l'on reconnait les efforts consentis par l'Etat et les sommes colossales investies dans le domaine de la construction de logements, il n'en demeure pas moins que le problème persistera tant que des mesures adéquates et des contrôles constants et sévères avec application stricte de la loi ne sont pas concrétisés sur le terrain. Autrement, ce sera, comme on dit : faire œuvre de Sisyphe. M. R.