Photo : S. Zoheir De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani
«Quand on procède à un recensement de cette catégorie de la population, nous confie un fonctionnaire, on voit pousser quelques jours plus tard des centaines de nouvelles baraques sur le site. Les gens se disent que s'ils sont recensés, ils peuvent être sûrs qu'ils auront leurs logements avant les autres. Cette situation s'est généralisée et touche désormais tous les bidonvilles que ce soit à Boukhadra, El Fakharine, M'Haffer ou à Chaiba, El Hadjar, El Bouni et autres localités.»
La demande multipliée par 10 voire 20 Les plans quinquennaux venus régler cet épineux problème par la construction de milliers de logements dans la région de Annaba dont le programme avoisine les 50 000 unités toutes formules confondues, se heurtent à une demande qui s'est multipliée par 10 voire 15. On vient de partout, on installe sa baraque faite de tôle, de bois et divers matériaux, on se débrouille pour avoir de l'électricité gracieusement mise à disposition par l'école primaire voisine et qui servira à l'éclairage et au chauffage, pour, quelques temps plus tard, fomenter un mouvement de protestation et réclamer un logement décent. L'exode rural, les migrations internes des populations venues des wilayas voisines, l'accroissement démographique et le chômage qui frappe de plein fouet les jeunes habitant ces bidonvilles récupérés par des manipulateurs de tous bords, constituent les ingrédients d'une explosion qui se manifeste à chaque fois par des mouvements de protestation devant les sièges des communes, des daïras ou de la wilaya. Des manifestations qui tournent parfois à l'émeute, obligeant les forces de l'ordre à intervenir pour rétablir la situation.
Protestas et chantage «Ils viennent de partout, de la cité Seybouse, des ‘‘Allemands'' (cité Safsaf), de la Colonne, de la Place d'Armes, d'El Allelik, de la Caroube, d'El Bouni, d'El Fakharine, de Sarouel, Bidari, Oued Ennil….Ils réclament tous des logements et, chaque jour, on est soumis à une pression intenable, nous confie un policier en faction devant le siège de la wilaya ; presque chaque jour, il y a, ici, un rassemblement de citoyens qui viennent protester parce qu'ils ne figurent pas sur les listes rendues publiques. On a beau leur expliquer que ce n'est pas la meilleure façon de faire et qu'il faut introduire des recours auprès de la commission, ils ne veulent rien entendre !» A chaque fois, c'est une délégation de protestataires qui est reçue par le wali et qui ressort satisfaite et convaincue pour expliquer aux autres ce qu'il en est. «M. Le wali nous a assurés que les recours que nous allons introduire seront étudiés de près, qu'aucun passe-droit ne sera toléré et qu'il y veillera personnellement. Quant aux prochaines attributions, elles s'effectueront au fur et à mesure des livraisons qui se feront, il faudra patienter encore,» nous a déclaré un des membres d'une délégation reçue.Ce qui est sûr, c'est que les milliers de logements attribués au cours de l'année écoulée et au début de cette année et qui ont atteint le chiffre de 5 000 unités, ont en quelque sorte augmenté la pression. En effet, même ceux qui en ont déjà et qui ne sont pas vraiment dans le besoin, «stimulés»par le nombre de logements en réalisation, s'essayent à ce chantage par la protestation parce qu'ils pensent qu'ils ont le droit de profiter «comme tout le monde» de «l'aubaine». Il faut dire et de mémoire d'annabi, que jamais auparavant, il n' y a eu un tel nombre de logements réalisés et distribués en un temps aussi court. Le nombre de logements réalisés en deux décennies (de 1980 à 2000) n'égale pas celui livré ou en cours durant les 5 dernières années. Rien que pour l'année 2012, 29 700 logements sont programmés dont près de la moitié sont des logements sociaux locatifs ce qui donne bien des appétits aux manipulateurs de toutes sortes et encourage indirectement la création de bidonvilles.
La course entre habitat précaire et logement neuf La cadence des réalisations, et quelle que soit la vitesse qu'on lui imprime, ne peut rivaliser avec celle de la construction des baraques qui poussent et foisonnent un peu partout. Comme nous l'avions rapporté précédemment dans nos éditions, durant l'un des week-ends passés, rien que du côté de Boukhadra, 60 baraques ont été «bâties» en l'espace de 2 jours, c'est dire «la cadence des réalisations». Cela se fait en plein jour, au vu et au su de tous. La Police de l'urbanisme et de la protection de l'environnement (Pupe), une unité censée réprimer ce type de délit et empêcher sa «réalisation» est complètement absente du terrain, les services d'urbanisme de la commune concernée se voilent la face et font semblant d'ignorer le phénomène et c'est l'administration de l'Etat qui «trinquera» plus tard puisque devant gérer la situation.Les constructions illicites, bidonvilles et autres baraques occupant des terrains devant servir d'assiettes à des équipements publics sont éradiquées et leurs habitants relogés. Cela ne règle pas, pour autant, le problème puisque le site «libéré» est squatté les jours suivants par d'autres qui viennent s'y installer sachant que les pouvoirs publics les prendront à leur tour en charge et qu'ils bénéficieront donc, tôt ou tard, de logements. «On n'en sort vraiment pas à vrai dire. Même la baguette de Salomon n'y pourrait rien», nous confie un responsable local.La solution radicale à ce problème serait-elle la suppression pure et simple du logement social et son remplacement par une nouvelle formule qui serait une aide versée directement aux nécessiteux pour la construction de leurs habitations ?