Cellule numéro 27 du centre de détention de haute sécurité de Hadarim, entre Tel-Aviv et Haïfa. Là réside peut-être un espoir réel des Palestiniens et pour la paix avec Israël. Ici, vit Marwan Barghouti, le Mandela palestinien, arrêté en avril 2002 et condamné en juin 2004, à cinq peines de prison à vie. L'homme qui symbolise l'Intifadha palestinienne, le leader du Tanzim-Fatah, l'organisation militaire, est perçu de part et d'autre de la ligne de feu comme le seul homme qui pourrait, à la fois, réconcilier le Fatah et Hamas et constituer un partenaire crédible pour Israël. Ce solide quinquagénaire, qui a déjà goûté aux geôles israéliennes à l'âge de dix-huit ans pour participation à une révolte palestinienne, est sans doute le seul dirigeant du Fatah à bénéficier du respect des islamistes, notamment pour sa participation à la lutte armée, lors de l'Intifadha Al Aqsa 2000. A l'heure où le vermoulu Fatah de l'inaudible Mahmoud Abbas est amplement discrédité, cet égard vaut son pesant d'or politique. C'est que l'image de Marwan Barghouti, un des principaux chefs politiques de la première Intifadha, en 1987, n'est pas éclaboussée par la corruption massive de la vieille garde Fatah durant les années Arafat. Son emprisonnement l'a ainsi préservé du bruit et de la fureur de ces dernières années. L'homme garde alors toute son aura au moment où son propre mouvement a perdu de sa légitimité aux yeux des Palestiniens en se lançant dans le compromis d'Annapolis sans contrepartie aucune : l'édification de colonies juives n'a jamais été aussi active qu'en 2008. Marwan Barghouti, qui a participé activement à l'élaboration de «l'Appel des prisonniers», ce texte de 2006 appelant à un gouvernement d'union nationale palestinien, est aussi une carte stratégique pour Israël. Si jamais les électeurs israéliens ne choisissent pas, le 10 février, la droite dure de Benyamin Netanyahou, le secrétaire général du Fatah en Cisjordanie pourrait se révéler précieux. Loin d'être un extrémiste, le fondateur des Brigades d'Al Aqsa, qui connaît bien Israël et parle couramment l'hébreu, est avant tout un politique qui avait accepté les accords d'Oslo en 1993. Il pourrait devenir le partenaire pour la paix dont les Israéliens disent, propagande oblige, ne pas disposer. Sa popularité est telle aujourd'hui que de plus en plus de responsables israéliens, y compris des ministres et d'anciens chefs du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, estiment qu'il serait décidément plus «utile» à l'extérieur qu'en prison. Selon le quotidien israélien Maariv, de nombreux responsables israéliens seraient favorables à sa libération, déjà envisagée dans le cadre d'un marché avec Hamas pour la libération du soldat Guilad Shalit. Reste donc à savoir si Israël est réellement disposé à négocier avec ce leader qui a lancé récemment un appel à l'unité palestinienne et à la résistance de toutes les factions palestiniennes. En cas de nouvelles élections palestiniennes, seul Marwan Barghouti pourrait constituer un candidat crédible. D'autant plus crédible que «l'Appel des prisonniers» de 2006 dont il est le véritable promoteur reste toujours la seule base de discussions entre les différentes parties palestiniennes. Sa présence sur la scène palestinienne pourrait résoudre la question du leadership palestinien, la direction du Hamas, auréolée de l'avantage de la résistance, demeurant avant tout une structure collégiale. Icône autant que leader charismatique, chef militaire par excellence, Marwan Barghouti, diplômé d'histoire et de sciences politiques, est avant tout un politique de premier plan. Arrêté en 1987 par l'armée israélienne et expulsé vers la Jordanie, l'homme est également un dirigeant pragmatique. Il avait l'habitude de dire qu'il n'était pas un terroriste mais qu'il n'était pas non plus un pacifiste. Il se définissait surtout comme «un gars normal de la rue palestinienne défendant la cause que tout autre oppressé défend : le droit de m'aider en l'absence de toute aide venant d'ailleurs.» Pour cette raison, et à l'image du mouvement Hamas, il n'a jamais abdiqué le droit de son peuple à la résistance. N. K.