Les élections municipales de dimanche, en France, ont débouché sur des résultats attendus dans l'ensemble. Il y était devenu normal, c'est même une tradition, que les élections intermédiaires entre deux présidentielles sanctionnent la majorité au pouvoir. Cela s'était vérifié lors du précédent scrutin de 2008 qui vit le PS et les formations de gauche ravir la majorité des mairies à l'UMP qui venait de porter Nicolas Sarkozy à l'Elysée en 2007. Sauf que cette fois, les règles tacites d'une alternance aux règles quasiment convenues entre les deux principaux partis français ont été gravement chamboulées. Marine Le Pen n'avait en tête, depuis qu'elle a pris en main les rênes du parti (FN) de son père, que de briser le cercle tournant de la bipolarité droite-gauche incarnée par le PS et l'UMP et qu'elle désigne par dérision de «système UMPS». Attendus, les résultats de ces municipales l'étaient, mais pas avec cette ampleur du score plus que remarquable engrangé par les listes dites «Bleu marine» du Front national. Ce qui était de l'ordre de la projection, hier encore, est devenu réalité par la grâce de trois séries de facteurs déterminants. D'abord le mécontentement et la désaffection de l'électorat de gauche, peu satisfait du bilan du gouvernement de gauche, ensuite une persistance de la crise économique (née en 2008) qui va continuer à faire émerger les droites dites populaires/ nationalistes dans d'autres pays de l'Union européenne, enfin, réalité éludée par les grands partis français, une aggravation dans le quotidien des problèmes de l'immigration, la régulière comme la clandestine. Le Front national, sous la conduite habile et pernicieuse de celle qui reste la fille de son père, a subtilement surfé sur le triptyque de cette vague à l'écume grossissante. L'électeur français n'avoue pas, généralement, une intention de vote d'extrême droite, ce qui a minoré les prévisions des instituts de sondage. Dans la réalité, entre les électeurs plus exaspérés par la présence des étrangers que franchement racistes et les militants actifs et visibles de la «préférence nationale», auxquels s'ajoutent les franges des déçus de la gauche et de la droite réunies, le FN avait de quoi ratisser large. Depuis dimanche, il est parmi les vainqueurs de tête dans plusieurs villes de plus de dix-mille habitants et en position d'arbitre du deuxième tour, pour des triangulaires (PS-UMP-FN) dans plus de trois cents autres villes. Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen sur les débris mémoriels de la Guerre d'Algérie ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Porté par l'élan de son dernier succès, il compte récidiver et même faire mieux aux élections européennes de mai prochain où il est déjà crédité d'une place qui pourrait être la première. Certains leaders du FN ne le cachent pas, si le scrutin des Européennes les confortait dans leur nouvelle place, ils espèrent contraindre le président Hollande à des législatives anticipées. Pour boucler la boucle. La fulgurante montée en puissance, couronnée de premiers succès importants, de l'extrême-droite française a de quoi inquiéter sérieusement les communautés étrangères ou d'origine étrangère présentes dans l'Hexagone, arabes, musulmans, noirs et Maghrébins figurant parmi les plus exposés. Les millions d'Algériens utilisés comme carburant pour entretenir la machine raciste du FN à ses débuts, vont naturellement être les premières victimes expiatoires de la mise en œuvre de la politique de préférence nationale dans les municipalités qui seront dominées par les élus «Bleu marine». Ceux de la deuxième et troisième génération ont appris à être combattifs et, n'étant pas obligés de courber l'échine comme leurs pauvres parents, ils n'auront d'autre solution que de se tenir prêts à la lutte pour leurs droits. A. S.