En portant des candidats d'origine maghrébine voire algérienne sur ses listes électorales – appât et alibi –, le Front national cherche à séduire l'électorat maghrébin. Le pari d'un Front national relooké est osé, tandis que son nouveau discours est habile mais son fond idéologique reste inchangé. Vu d'Algérie et de toutes les régions de France, il a été convenu jusqu'aux dernières législatives françaises de juin 2012 que les Français d'origine algérienne sont politiquement ancrés à gauche dans leur simple vote et parfois dans leur engament politique. Souvent, ces Franco-Algériens sont très actifs dans le mouvement associatif antiraciste, né notamment pour contrer la montée du Front national, parti d'extrême droite fondé par Jean-Marie Le Pen, un déçu de l'indépendance de l'Algérie. Mais voilà qu'en 2012, Marine Le Pen ouvre les listes de son parti à ces Français d'origine maghrébine et africaine. Soucieux d'en finir avec les idées xénophobes et racistes du père qui empêchent leur parti de percer dans les différentes élections, les nouveaux frontistes, à leur tête la fille Le Pen, ont fait appel à des communicants qui ont créé la nouvelle vitrine du FN, voulue rassembleuse, populaire et même «antiraciste». Dans ce cadre, en plus de quelques candidats «noirs», le Rassemblement Bleu Marine n'a pas économisé ses forces pour convaincre puis investir des candidats «bruns» pour les législatives de 2012 et les municipales de la semaine prochaine. Ce qui est plus frappant et en tout cas a suscité beaucoup de questions, ce sont les candidats frontistes d'origine algérienne, à cause des liens entre ce parti et l'OAS et tous les crimes racistes dont ont été victimes des membres de la communauté algérienne durant les années 1970 et 1980. Nous citons, à titre d'exemple, l'une de ces candidatures, dites contre nature, la plus médiatique, puisqu'on parle carrément d'une tête de liste. Il s'agit de Sofiane Ghoubali, un jeune de 29 ans d'origine algérienne. Cet aide-soignant sera, en effet, tête de liste FN dans la ville d'Annonay. C'est une commune de plus de 17 000 habitants, près de Lyon, où la Marche pour l'égalité et contre le racisme est née en 1983 ! Le jeune candidat lepéniste est considéré par ses partisans comme le porteur de «la seule liste de rassemblement et de salut public à défendre l'emploi à Annonay, ville où 3045 habitants sont au chômage !» Lui-même a déclaré au Parisien-Aujourd'hui en France, avec un ton plutôt affirmatif, que «le FN n'est pas raciste». En rajoutant qu'il est «Français, c'est tout ! Les premiers à cataloguer les personnes d'origine étrangère ce sont l'UMP et le PS en développant le communautarisme.» Cette conviction a été la même chez l'une de ses «camarades» dans la même formation politique, qui a fini par revenir à la réalité en se confrontant au vrai visage de la base militante du FN. Alors qu'elle a osé comparer Marine Le Pen à Mandela en 2012, elle a démissionné du FN en 2013. D'origine algérienne et mariée à un Français, Nadia Portheault a publié récemment un livre avec son époux, intitulé Revenus du Front. L'ancienne tête de liste frontiste pour les municipales 2014 dans la commune de Saint-Alban, près de Toulouse (6000 habitants), y dénonce le racisme du FN, dont elle a été victime, et les pratiques et propos néonazis des militants lepénistes. Elle considère désormais que «Marine Le Pen est plus dangereuse que son père». La mésaventure de cette mère de famille, victime du mirage du Rassemblent Bleu Marine, a été largement médiatisée afin de montrer comment les Maghrébins sont réellement considérés au FN quand on lève le voile de la dédiabolisation.