Malik Boumati Il est définitivement établi que l'école algérienne a abandonné l'éducation culturelle et artistique des enfants. Ce qui était en vigueur dans les années soixante et soixante-dix, et même quatre-vingt, ne l'est plus aujourd'hui, et depuis plus de vingt années. Cela s'est accentué depuis le changement du week-end, pour faire plaisir aux islamistes, ce qui a réduit le nombre de jours à l'école à cinq au lieu de six en supprimant la demi-journée de scolarité et même de travail, qui devait passer de jeudi à vendredi. Cette décision a eu de lourdes conséquences sur la scolarité des enfants, contraints de suivre le programme de six jours dans une semaine à cinq petits jours. Certaines activités que l'on peut considérer comme culturelles (dessin, travaux manuels, saynètes, chants...) sont tout simplement proposées aux parents d'élèves parce que les enseignants n'ont pas le temps de le faire en classe, vu la surcharge du programme. Ce qui conduit à des évaluations approximatives, parfois même arbitraires, qui ne servent pas l'intérêt des écoliers. D'autant plus que ces mêmes activités sont prises en charge par les enseignants de langue arabe qui n'ont aucune qualification dans le domaine de la culture et des arts. Et devant l'abandon par l'école de cet aspect de l'éducation, les enfants et, surtout, leurs parents, sont en droit d'espérer des solutions de rechange, notamment à l'extérieur du système éducatif. Ils espéraient en fait trouver d'autres acteurs susceptibles de s'occuper un tant soit peu de l'éducation culturelle de leur progéniture, comme les associations, les éditeurs et autres artistes et hommes de théâtre. Cela en plus des institutions publiques dont l'action reste toujours centralisée dans tous les secteurs d'activités, tellement les pouvoirs publics sont omniprésents et refusent toute idée de libérer l'initiative au profit de la société. À ce titre, un effort est fourni par l'Etat en faveur de l'éducation culturelle des enfants, mais il reste insuffisant vu le nombre d'enfants concernés et aussi vu le retard accusé par cette question. À Tizi Ouzou, il y a encore les ateliers de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri où des cours de guitare, de piano, de danse et de dessin, entre autres, sont dispensés aux enfants inscrits, mais en plus du nombre réduit d'enfants bénéficiaires, des interrogations subsistent sur la qualité des formations dispensées notamment par des formateurs sans grande motivation, recrutés en majorité en tant que vacataires. Les dizaines de milliers d'autres enfants n'ont donc pas droit à ce genre de formations au sein de ces ateliers. D'un autre côté, les associations culturelles auraient pu constituer un outil extraordinaire dans l'éducation culturelle des enfants, mais leurs moyens dérisoires ne leur permettent même pas de monter une petite exposition à l'occasion de dates importantes. La Ligue des arts dramatiques et cinématographiques (Ladc) de la wilaya de Tizi Ouzou se donne un peu les moyens de s'occuper de la formation des enfants dans l'art pictural, le théâtre, le conte et même l'écriture théâtrale. Des formations dispensées à l'occasion du Festival des raconte-arts organisé en juillet de chaque année. Mais ces ateliers restent limités dans le temps et dans l'espace et ne peuvent bénéficier à un maximum d'enfants, même si la qualité est souvent au rendez-vous, la formation étant assurée par des professionnels notamment étrangers. Il y a également l'association Le Grain magique de Draâ Ben Khedda qui organise annuellement le Festival des arts du récit et du conte destiné exclusivement aux enfants, mais si les enfants sont bien servis en matière d'activités culturelles comme le théâtre, le conte, la magie et le clown, cette manifestation n'offre aucune formation aux enfants qui y participent. Les dizaines, voire les centaines d'autres associations existantes dans la wilaya ne s'occupent pas des enfants, alors que d'autres n'ont aucun moyen financier ni logistique pour s'en occuper malgré la grande volonté de leurs animateurs. Il reste les parents eux-mêmes qui constituent un obstacle sérieux à l'éducation culturelle et artistique de leurs enfants. Ils sont nombreux, très nombreux à considérer que l'éducation artistique engendrerait des dépenses supplémentaires, aussi minimes soient-elles. Particulièrement en cette période qui connait l'effritement du pouvoir d'achat des Algériens. Mais la question financière n'est pas l'unique souci des parents. Ils ne considèrent tout simplement pas l'art et la culture comme des activités d'avenir pour leurs enfants, surtout que nombreux sont les artistes, hommes et femmes de culture, à avoir fini leur vie dans le dénuement et l'ingratitude. Ce n'est certainement pas cela qui va encourager les parents à imaginer un avenir dans ce créneau à leurs enfants. Et qui va remplacer l'école dans cette œuvre qui pourrait aider l'enfant à s'épanouir ? Certainement pas les artistes qui sont trop occupés à produire n'importe quoi pour certains, ou qui n'ont pas les moyens de produire de belles choses pour d'autres. M. B.