De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche N'ayant pas de temps libre, de moyens matériels ou d'espaces nécessaires afin d'intégrer des troupes ou des clubs qui forment des jeunes dans les domaines de la musique, de la peinture, du théâtre ou autres arts, les enfants scolarisés, à qui les responsables des secteurs de l'éducation et de la culture veulent inculquer une formation artistique afin qu'ils deviennent des artistes et portent le flambeau de la culture laissé par l'ancienne génération, se limitent aux seules activités artistiques contenues dans les programmes scolaires. Un embryon de formation En effet, de la première année primaire jusqu'au moyen, une discipline dite éducation artistique «tarbia tachkilia» est dispensée dans les différents établissements. Si, dans les écoles dotés de moyens matériels tels que les instruments de musique, de classes pour les arts plastiques et les arts corporels, les élèves bénéficient du savoir-faire et des connaissances de leurs enseignants, au niveau des autres écoles, mal dotées ou de celles situées en zone rurale, l'enseignement de la «tarbia tachkilia» est dispensé juste pour la forme. Cette formalité est due au fait qu'elle est assurée par le même professeur chargé d'enseigner les mathématiques, l'éducation religieuse, l'éducation civique, la littérature et d'autres matières inscrites dans le cursus. Face à un volume horaire conséquent, quelles que soient ses compétences dans le domaine artistique, l'enseignant ne trouve pas le temps nécessaire ni les moyens pour apprendre aux élèves les notes de musique, dessiner correctement ou s'intéresser à l'art de manière générale. D'ailleurs, un parent d'élève affirme ne pas comprendre «comment les instituteurs font pour évaluer les élèves dans cette matière». Tous les élèves sont notés sur 10 alors que, durant l'année, ils ne s'exercent pas assez pour faire un bon dessin, comme c'est le cas dans les autres matières où les élèves sont surchargés d'exercices de calcul, d'écriture et grammaire à faire à domicile. Par ailleurs, les parents ignorent sur quelles normes se basent les enseignants pour différencier par exemple les élèves qui réalisent un bon dessin et ceux qui se limitent à griffonner sur la feuille. A la question : «Est-ce que vous dessinez à la maison ?» un écolier de 10 ans a répondu par la négative, avouant qu'il consacre son temps libre à jouer ou regarder un dessin animé à la télé. Un autre a indiqué que, lorsque sa maîtresse lui demande de dessiner quelque chose ou de réaliser un travail artistique à domicile, c'est sa mère ou son frère qui se charge de réaliser le devoir, afin qu'il puisse avoir une bonne observation. D'autre part, un parent a avoué que cette situation se répète avec son enfant, précisant qu'il préfère le laisser se consacrer à la révision des autres leçons de la journée. Voilà pour le dessin qui constitue les premiers pas vers les arts plastiques en général. Des freins et des écueils Pour l'éducation aux arts dans d'autres disciplines, la situation est moins reluisante et l'école est encore loin de former ses musiciens ou ses acteurs de théâtre, d'où la nécessité de l'association des autres organismes, collectifs culturels et secteurs, qui puissent prendre en charge les enfants montrant des aptitudes aux arts dès leur jeune âge. Là encore, ces partenaires ont-ils les moyens et la liberté d'action pour les repérer et les encadrer de manière efficace ? Par ailleurs, si cette tâche devient facile, le développement de l'éducation aux arts est confronté déjà à plusieurs considérations sociales, professionnelles et se trouve freiné par les us et coutumes. Un membre d'une association culturelle a indiqué que l'accord des parents est parmi les conditions requises à un enfant pour intégrer un club ou une troupe qui fait partie de l'association. Mais le nombre d'enfants est encore minime, car ce n'est pas tous les pères qui autorisent leur enfant, notamment les filles, à faire partie d'une association culturelle pour apprendre les arts. «Les parents veulent, d'abord, que leurs enfants étudient et ils ne sont pas intéressés par l'éducation artistique de leur progéniture.» Outre ces contraintes, notre interlocuteur s'interroge : «Quel est le père qui va tolérer que sa fille soit dans une chorale, un groupe de musique ou une troupe de théâtre en train d'effectuer une tournée à travers la région ou le pays à l'occasion des manifestations culturelles ?» Selon ce dernier, l'éducation aux arts nécessite, d'abord, une révolution dans les esprits. Sur le plan des activités organisées par la direction de la culture, dans le cadre des arts, nous citerons le Salon des arts plastiques, qui s'est tenu, pour la première fois dans l'histoire culturelle de la wilaya, au début du mois en cours au niveau de la maison de la culture de Bouira. Cette manifestation a réuni à l'initiative de l'association «La touche artistique» de Bouira, les œuvres de plus de 25 artistes peintres, dont cinq femmes, venus de sept wilayas, notamment de Bouira, Tizi Ouzou, Boumerdès, M'sila, Alger, Tipasa et Bordj Bou Arréridj. A travers les galeries de la maison de la culture, les visiteurs se sont laissé emporter par les tableaux de peinture qui vont du portrait à l'abstrait, au cubisme en passant par le réalisme. Des tentatives limitées Par ailleurs, pour traduire la volonté des organisateurs de permettre aux jeunes talents de montrer leurs capacités dans le domaine des arts plastiques, des ateliers de peinture pour enfants ont été programmés pour répondre au besoin pressant d'inculquer à la future génération les notions de l'art. «Par ces ateliers, notre objectif est d'encourager la touche de l'enfant», a déclaré le responsable de ladite association qui est en même temps un éducateur des arts au niveau d'un établissement scolaire et spécialiste en la matière.