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Les Algériens attendent l'après 17 avril
L'abstention promet des records
Publié dans La Tribune le 30 - 03 - 2014

Tous les observateurs et comptes-rendus de la presse, sont unanimes : la campagne électorale ne mobilise pas les citoyens qui semblent plus préoccupés par l'après 17 avril que par un rendez-vous considéré fermé et joué à l'avance. Le président de la Commission nationale de supervision des élections (Cnse), précise avoir reçu, en une semaine, 11 saisines liées principalement à l'affichage anarchique. Celles-ci ont été «immédiatement traitées» et les
candidats mis en cause, Louisa Hanoune, Ali Benflis et Abdelaziz Bouteflika, «sommés de rectifier le tir». Les plaintes, dit-il, viennent surtout des grandes villes, mais aussi de la wilaya de Tindouf. Le reste des saisines sont liées au refus de la remise, aux candidats, de la liste des agents d'administration affectés dans les centres de vote.
Plusieurs irrégularités ont été constatées lors de cette campagne. Plusieurs recours ont déjà été déposés par les autres candidats. À Skikda, l'équipe de Ali Benflis a ainsi dénoncé le fait que les employés communaux ont été chargés pendant la nuit d'installer les banderoles d'Abdelaziz Bouteflika la veille d'un meeting dans la ville. A Souk Ahras, mardi dernier, Ali Fawzi Rebaïne a annulé son meeting. L'administration l'obligeait à afficher le portrait
d'Abdelaziz Bouteflika dans la salle publique où devait avoir lieu la réunion.
Lorsque le SG du FLN, Amar Saâdani, annonce que Bouteflika sera élu avec 60% des voix, les analystes s'interrogent sur les indicateurs de ce chiffre alors que le citoyen lambda y détecte une anticipation sur la manipulation des urnes et des PV.
Pourtant, le président de la Commission nationale de surveillance des élections a affirmé que le début de la campagne est timide.
En l'absence d'un sondage d'opinion crédible, aucune prévision sur le taux de participation et sur les résultats du vote n'est possible. L'annonce de Saâdani est pure spéculation et fait partie de la bataille psychologique et ne repose sur aucune donnée du terrain en raison du peu de mobilisation des citoyens
en faveur de tel ou tel candidat.
Les comptes-rendus des médias sont unanimes à constater la faiblesse de la mobilisation des citoyens y compris dans les meetings organisés par les représentants de Bouteflika. Ainsi, on a dû attendre plus d'une heure pour voir une partie de la salle qui devait abriter, lundi, son meeting à Blida, se remplir. Même constat pour les autres animateurs de la campagne pour Bouteflika qui se retrouvent souvent dans des salles vides. C'est le cas de Amar Saâdani à Sétif ou de Amara Benyounès et Amar Ghoul qui se sont rendus à Souk Ahras. Ces deux derniers responsables ont dû compter sur le concours des employés de la mairie et des enfants pour trouver un petit public, selon les journalistes sur place. Hanoune, Rebaïne et Touati connaissent les mêmes difficultés. Seul Benflis semble sortir du lot puisqu'il arrive tant bien que mal à avoir un auditoire.
Les raisons d'une défection
La présidentielle d'avril 2014 intervient dans un contexte politique particulier. L'absence du président-candidat a lourdement pesé sur sa
campagne. Même ses électeurs traditionnels n'arrivent pas à admettre que d'autres animateurs mènent campagne à sa place alors que les Algériens attendent de voir le postulant à la magistrature suprême en bonne santé, sillonnant le pays pour défendre son programme et convaincre la majorité des citoyens pour lui accorder leur confiance afin de gouverner dans de bonnes conditions et de représenter le pays de la meilleure façon possible. La maladie de
Bouteflika, ses difficultés à se déplacer et à parler, expliquent amplement la défection des électeurs dans les meetings animés par ses représentants qui débitent des discours creux, des promesses déjà formulées lors des campagnes des trois premiers mandats. A propos de l'absence de Bouteflika, le président de la Cnse invoque la loi. Lachemi Brahmi explique qu'il n'existe aucune disposition
légale qui oblige le candidat à mener personnellement sa campagne électorale. Si la loi n'a pas précisé que le candidat doit mener lui-même sa campagne
électorale, c'est parce que d'une part, la Constitution précise dans ses disposition que le candidat doit être en bonne santé et d'autre part, le cas de figure d'une campagne électorale par procuration n'a jamais été envisagée par le législateur. En tout état de cause, les électeurs ne cherchent pas à savoir si l'absence du candidat est légale ou pas, mais ne comprennent pas comment un candidat malade peut postuler à une charge aussi lourde qu'est la magistrature suprême. Le résultat est là, la campagne électorale en faveur de Bouteflika pour un 4e mandat, ne ressemble en rien à celles qu'il a menées lui-même lors des mandats précédents.
Au-delà de ces considérations importantes pour les électeurs, il y a le bilan moral lié aux malversations, à la corruption et notamment à l'inaction de la justice... qui constitue pour la majorité des Algériens, une ligne rouge à ne pas dépasser. Dans la même logique, les représentants de Bouteflika, n'ont pas bonne presse auprès des populations dans différentes régions. Les citoyens ont exprimé ce sentiment dans différentes régions du pays où certains animateurs ont été malmenés, hués et vu leurs meetings perturbés.
Les cinq autres candidats peinent aussi à mobiliser les électeurs au-delà de leurs sympathisants. Ces défections en masse, ne passent plus inaperçues en raison de l'existence lors de cette campagne de chaînes de télévisions privées qui brise le monopole de l'Entv qui a toujours déformé la réalité sur le terrain. Les réseaux sociaux sont aussi actifs et renseignent sur l'état d'esprit de l'opinion nationale qui semble ne rien attendre de ces élections et a les yeux rivés sur l'après 17 avril et le consensus général autour d'une période de transition devant ouvrir la voie au changement qualitatif attendu.
La transition fait l'unanimité
L'élection présidentielle capte moins l'attention que l'après 17 avril prochain. La classe politique et la majorité des citoyens sont pour une fois unanimes sur la nécessité d'opérer un changement constitutionnel et institutionnel pour la fondation d'une deuxième République basée sur le droit, la citoyenneté et la bonne gouvernance. Hamrouche a été le premier à considérer le rendez-vous du 17 avril comme inutile et qu'il faut aller vers le renouveau du consensus national et du projet national. Pour l'ancien Premier ministre, cet objectif ne peut se réaliser sans le soutien de l'armée et avec toutes les composantes de la nation. Pour sa part, Zeroual, parle d'un mandat de transition, faisant allusion au prochain quinquennat. Bouteflika rejoint cette unanimité qui se dégage et aborde dans sa lettre adressée à la nation la veille de la campagne électorale, d'une période de transition qu'il dirigerait lui-même, pour inaugurer «une nouvelle étape» faite de «justice sociale» et de réponse à l'aspiration des jeunes Algériens. Dans sa lettre programme, le président candidat promet de faire ce qu'il n'a pas fait en quinze ans.
Benflis rejoint Bouteflika dans la démarche et promet aussi de diriger une période de transition pour le renouveau constitutionnel et institutionnel. Si pour ces deux candidats, il faut passer par les urnes qui donnent mandat au prochain candidat d'ouvrir une nouvelle période de transition démocratique, pour
les opposants au 4e mandat, et les boycotteurs de l'élection présidentielle, cette période de transition doit être l'expression d'un consensus national auquel prendront part tous les acteurs politiques, sociaux et militaires qui
agissent sur la scène nationale. Même les différents collectifs citoyens s'inscrivent dans cette démarche. L'aspiration des Algériens à un changement en
profondeur du régime est manifeste. La situation de statu-quo en vigueur est perçue comme un passage obligé en raison de la crise du système et du refus de tout dérapage de nature à menacer la stabilité et la sécurité du pays. C'est à ce titre, que cette perspective d'une période de transition est au cœur des préoccupations des citoyens. Ainsi, certains activistes politiques et
syndicaux ont organisé une rencontre pour débattre de la situation de blocage qui prévaut dans le pays, ainsi que les risques d'aggravation que peut engendrer l'échéance présidentielle, y compris après la tenue du scrutin. À l'issue des débats, ils constatent avec satisfaction que la revendication de la transition démocratique est portée par de plus en plus d'acteurs, y compris même par ceux qui, un instant, avaient cru à l'élection présidentielle. Cette revendication
tend aujourd'hui à devenir un point de ralliement des forces qui œuvrent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du système pour le changement démocratique.
Lors de cette rencontre, la nécessaire transition demeure l'ultime recours
pour l'avènement d'une république démocratique et sociale et l'unique option pour réconcilier le peuple avec ses institutions et consolider
structurellement la paix civile. En définitive, c'est consacrer la citoyenneté qui est une valeur consubstantielle à la République. Dans cette perspective les participants ont convenu que le plus important pour l'heure n'est pas de définir les mécanismes et le mode de gestion de cette transition, mais d'arrêter les principes devant la fonder afin qu'elle aboutisse, à terme, à un consensus sur la vision de l'avenir de l'Algérie. Les participants ont, par ailleurs, décidé de maintenir les contacts et d'œuvrer à l'élargissement de leur regroupement aux forces du changement démocratique et renouvellent leur disponibilité à s'associer en faveur de cet objectif décisif pour le destin du pays.
A. G.


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