«Le site web de la campagne du président Abdelaziz Bouteflika piraté», «Trois lycéens appréhendés pour cybercriminalité à Aïn Defla»...Tous les jours que Dieu fait la presse algérienne étale sur ses colonnes des affaires liées à la cybercriminalité. Un fléau planétaire qui n'épargne pas l'Algérie, et ce, malgré l'arsenal juridique mis en place et qui doit être renforcé de l'avis des experts, car présentant beaucoup de failles. Cette cybercriminalité, même si elle se limite pour le moment au piratage de sites électroniques, à la diffamation, à des chantages, à des atteintes à la vie privée, et à la pédopornographie, commence à prendre de l'ampleur. Depuis le premier cas enregistré en 2005, les chiffres rendus publics tout récemment par la Dgsn (Direction générale de la sûreté nationale) font état d'une hausse des affaires liées à ce phénomène, qui sont passés de 47 en 2012 à 107 en 2013. Plus que le double ! Parmi ces affaires, 28 sont à caractère diffamatoire, 21 sont liées à l'usurpation d'identité et 20 concernent le piratage de sites électroniques, 8 sont relatives à des atteintes aux institutions de l'Etat, 8 à des chantages et 12 à des atteintes à la vie privée. Par ailleurs, 5 sont liées à l'exploitation de photos d'enfants à des fins pornographiques. Si jusque-là, les Algériens, à leur tête les responsables en charge du secteur des technologies de l'information et de la communication, ont sous-estimé ce fléau, aujourd'hui la cybercriminalité est devenue bel et bien une réalité dans notre pays, qu'il est urgent de contrecarrer à travers le renforcement des lois, mais aussi, et avant tout, à travers la sensibilisation des internautes contre les dangers liés à l'utilisation de l'Internet, particulièrement les enfants, cette frange fragile de la société. Les enfants victimes vulnérables de la cybercriminalité Souvent ces derniers sont victimes de cette cybercriminalité qu'ils méconnaissent, d'autant qu'ils s'inscrivent à un âge de plus en plus en bas sur les réseaux sociaux et se rendent seuls dans des cybercafés pour faire des recherches dans le cadre de leur scolarité, sans être sensibilisés ni informés sur les risques qu'ils encourent en surfant sur le net. Les enseignants, aussi bien que les parents, n'attirent pas l'attention de ces enfants sur les dangers qui les guettent en utilisant Internet. Interrogé, un gérant de cybercafé au niveau d'Alger nous a fait part de son inquiétude de voir un grand nombre d'enfants venir seuls pour surfer sur la Toile. «Même si au début ils viennent juste prendre des informations dans le cadre de leurs études, au fil du temps ces petits internautes prennent goût et reviennent à chaque fois pour jouer et même consulter différents sites.» Il nous confie que certains d'entres eux vont même sur les sites pornographiques et qu'il en a déjà renvoyé une dizaine. Alors que nous étions en plein entretien avec le gérant de ce cybercafé, nous remarquons une maman arrivée avec son fils pour faire des recherches sur Internet. À la question de savoir pourquoi l'accompagner, notre interlocutrice répond sans hésitation aucune : «Il est impossible pour moi de laisser mon fils aller seul dans un cybercafé. Je l'accompagne souvent pour éviter toute mauvaise surprise surtout avec les dangers de la Toile.» Si cette jeune maman est consciente de ces dangers, beaucoup d'autres parents les méconnaissent, et d'autres encore font preuve de laxisme se croyant à l'abri de toute mésaventure. Certes, les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont révolutionné le monde, faciliter la vie et raccourci les distances, mais il n'en demeure pas moins qu'à côté des aspects positifs, le négatif vous guette à tout moment et peut faire basculer la vie d'un individu dans une spirale infernale. Le cas de cette collégienne d'El Attaf, dans la wilaya de Aïn Defla, âgée d'à peine 15 ans et qui a été la cible facile de trois lycéens de 17 ans qui l'ont incité à la débauche. Les trois mis en cause, qui ont été arrêté par la Bmpj d'El Attaf, ont menacé la collégienne, en cas de refus, de poster ses photos personnelles sur Youtube, puisque l'un des inculpés était en possession de la carte mémoire de son portable. Fort heureusement que le père de la victime a porté plainte contre les trois accusés au niveau de la sûreté de daïra d'El Attaf. Ces derniers ont été arrêtés par les forces de l'ordre en possession de la carte mémoire en question à proximité du CEM où la victime est scolarisée. Si cette jeune fille et son père ont eu le courage de dénoncer cette pratique et de recourir à la justice, il n'en est pas de même pour beaucoup d'autres personnes qui, sous le poids des tabous, souffrent en silence et voient leur vie se transformer en cauchemar du jour au lendemain. Beaucoup d'entreprises algériennes en font les frais Il n'y a pas que les individus qui payent les frais de cette révolution technologique. Même les entreprises et institutions en font les frais. Les attaques prennent plusieurs formes, entre autres le piratage des sites web, et le vol de données... Les dernières attaques en date concernent le site officiel de campagne du président sortant Abdelaziz Bouteflika, qui a été piraté. Bouteflika2014.com a fait les frais de cette cybercriminalité avec des slogans hostiles au 4e mandat. La direction de la communication du président sortant a procédé à la fermeture momentanée du site officiel suite à cette attaque. Bien avant à la fin de l'année 2013, il a été fait état du piratage du site Internet de la Télévision publique algérienne (Entv). Toujours en 2013, le site du ministère des Affaires étrangères a été, à son tour, la cible des hackers qui ont réussi à obtenir des données. Les pirates du Net ne se sont pas contentés de s'introduire dans les bases de données des institutions étatiques, mais ils ont également piraté des sites d'importantes sociétés privées spécialisées dans les produits agroalimentaires et d'hydrocarbures, celles-ci n'étant pas dotées de matériels et logiciels susceptibles de les mettre à l'abri de telles attaques. Il est aujourd'hui plus qu'urgent pour les chefs d'entreprise et institutions de l'Etat, à l'ère de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication, d'anticiper ces attaques en réfléchissant davantage à la sécurité des processus et surtout des données confidentielles. Il faut investir dans la sécurité informatique, un autre aspect justement qui est très mal pris en charge en Algérie, malgré le fait que les menaces informatiques ont gagné en sophistication et en persistance, et sont de plus en plus difficiles à anticiper. Une étude conduite très récemment par une entreprise étrangère évoluant en Algérie, montre que le volume et la complexité des menaces informatiques, ont continué à progresser. Plus de 50% des responsables sondés estiment que les incidents de sécurité au sein de leur organisation ont été plus nombreux au cours de l'année 2012. Près de 30% ont reconnu avoir été victimes d'un incident lié à un accès interne non autorisé, alors que 20% ont été confrontés à une intrusion. Ces attaques cybernétiques reposent encore une fois sur le tapis, le problème de la vulnérabilité des sites Internet des entreprises et administrations algériennes et l'absence d'une politique de sécurisation. Les spécialistes, rapportés par la presse, affirment qu'il n'existe pas de programme spécifique à la sécurité informatique en Algérie. Mais avertissent-ils, il est plus qu'urgent aujourd'hui de renforcer le cadre juridique surtout avec l'avènement de la technologie mobile 3G qui va encourager les services électroniques. Si aujourd'hui le retard de l'Algérie dans l'introduction à très grande échelle des TIC est quelque part un rempart contre ce fléau mondial, car les services électroniques (e-commerce, e-santé et e-administration) sont encore quasiment inexistants, «cela ne doit pas nous empêcher de nous doter d'outils pour nous protéger contre la cybercriminalité, une fois ces technologies introduites, car il s'agit d'un phénomène inévitable», n'a cessé de répéter M. Younès Grar expert en sécurité informatique, à chaque fois que l'occasion se présente. Notre pays a certes fait beaucoup d'efforts pour tenter de juguler ce phénomène, mais le renforcement du cadre juridique est aujourd'hui plus que nécessaire voir urgent pour éviter les pièges que comporte l'Internet, un outil qui a pourtant transformer le monde en un petit village et faciliter la vie, une vie qui peut malheureusement virer au cauchemar si l'on utilise mal cette technologie ou si on protège mal nos enfants, nos entreprises et nos institutions. B. A.