Mohamed Touileb La Tribune : Peu de gens en Algérie connaissent ce sport, et peu de personnes le pratiquent aussi. Vous êtes l'un des rares à être tombés sous le charme de cette discipline. Qui est Sid Ali Boudina et comment votre histoire avec l'aviron a débuté ? Boudina : je suis un jeune rameur de 23 ans qui rame au pôle France de Toulouse. Je fais de l'aviron depuis 2006 et figurez vous que je voulais faire de la voile au début, mais mon père m'a inscrit à l'aviron par erreur (rires). Drôle d'anecdote quand même. Et pourquoi vous n'avez pas changé une fois que vous vous êtes rendu compte de l'erreur ? À vrai dire, je ne savais pas que ce sport existait. Depuis tout jeune, j'aime l'eau, la plage. J'ai fait de la natation jusqu'à l'âge de 14 ans avant d'arrêter et du moment qu'il y avait de l'eau tout autour, ça m'allait. Ne pensez vous pas que c'était un coup du destin et imaginiez-vous pouvoir faire partie un jour de la sélection ? Si on m'avait dit que 5 ans après je deviendrai champion d'Afrique avec l'EN, je ne l'aurais pas cru, ça c'est certain. Vous savez, j'ai toujours aimé la compétition ça ne m'a jamais effrayé, mais quand je vois mon parcours, je me dis que j'ai vraiment de la chance et j'ai bien fait de croire en mes capacités. Vous avez pu intégrer l'équipe nationale d'aviron alors que vous étiez très jeune. Vous n'avez pas tardé à vous imposer en sélection comme le témoignent vos résultats. Quelles sont les performances qui vous ont marqué jusque-là ? J'ai commencé avec la sélection en 2008 à l'occasion du Championnat arabe Junior. J'ai gagné 3 médailles d'or et tout s'est enchainé après. Trois ans après, je me suis classé 8e lors du Championnat du Monde des U-23 à Amsterdam avant d'être sacré champion d'Afrique à deux reprises (2011 et 2013) ainsi que deux médailles d'or à la Régate internationale de Belgrade (Serbie), une en skiff et une autre par équipes. Et j'espère de tout cœur revivre ces moments parce qu'ils sont magiques. En parlant de Régate, en fin de semaine vous avez participé à la Régate Internationale de Piediluco (Italie) à laquelle 22 nations ont pris part et vous avez atteint la finale de l'épreuve du skiff. Que pensez-vous du niveau de la compétition et pouviez-vous réaliser un meilleur résultat que cette sixième place qui- on l'imagine- ne vous satisfait guère ? Le niveau était, comme d'habitude, très élevé parce que c'est l'une des étapes les plus importantes où tout le monde se rencontre avant les mondiaux de la discipline. Je devais donc être parmi les meilleurs pour me positionner en vu de l'échéance universelle. Quant à ma performance, je ne dirais pas que je suis satisfait, mais du moment que je me suis assuré une place à Amsterdam, ça me va. Vous avez réussi à passer le premier tour et la demi-finale. Vous aviez réalisé le troisième meilleur temps des demies en vous classant second dans l'avant-dernière course à 6 dixièmes du premier dans les temps de qualification, vous espériez sans doute accrocher le podium au minimum... Certainement oui. Au vu des résultats de la demi-finale, il y avait de la place pour être dans les 3 meilleurs. Au final, j'ai du me contenter de la sixième place. Le podium était à 4 secondes, l'or à 9. Qu'est-ce qui a fait la différence lors de cette course qui a dû se jouer sur de petits détails ? Est-ce le physique ou ce sont d'autres facteurs ? Vous savez, l'aviron est un sport très physique où l'endurance est très importante. Je crois qu'avec une meilleure préparation j'aurais pu réaliser un résultat meilleur... Donc la préparation vous a fait défaut... Oui, je pense que ça m'a porté préjudice. Avec le Pôle France de Toulouse je ne me suis pas entrainé régulièrement parce que notre instance n'a pas payé le montant de la prise en charge qui s'élève à 3 000 euros par an comme le stipule la convention signée entre la Fédération algérienne des sociétés d'aviron et Canoë et Kayak (FASACK) et la structure fédérale du Pôle France Toulouse. Parfois, on m'empêche de m'entraîner comme les autres athlètes pour mettre la pression sur l'instance afin qu'elle paye les arriérés, mais je n'y peux rien, hélas! Vous êtes les seuls, avec Amina Rouba, parmi les 6 Algériens en lice à Piediluco à avoir pu composter un billet pour le Championnat du Monde mais il y avait aussi les Egyptiens, les Tunisiens et les Sud-Africains, dont le rameur Matthiew Lawrence qui a remporté la course contre vous, où se situe vraiment le niveau de l'aviron algérien à l'échelle africaine ? Il est clair que l'Afrique du Sud sort du lot. C'est un tout autre niveau comme l'illustre la médaille d'or en 4 de couple lors des JO de Londres. Le niveau est tel que l'instance internationale ne les autorise plus à participer aux Championnats d'Afrique. Sinon, à l'heure actuelle, l'aviron algérien est le meilleur devant la Tunisie et l'Egypte . Ne pensez-vous pas que la fédération de l'Aviron et les responsables du sport algérien devraient accorder plus d'intérêt à cette discipline souvent présente dans les rendez-vous continentaux, régionaux et mondiaux ? Nous, les rameurs, on aimerait bien bénéficier de plus d'attention et de considération de la part des responsables, mais comme je vous l'ai déjà expliqué, même quand il s'agit de la prise en charge on se retrouve délaissé et confronté seul à notre sort. Ça ne nous empêche toutefois pas de donner le meilleur de nous mêmes lorsqu'on représente le pays. Un dernier mot ? Je veux juste qu'on me donne une chance de prouver que je peux être parmi les meilleurs en m'offrant, à moi et mes coéquipiers en sélection, un climat de travail sain. Je remercie au passage votre journal pour m'avoir donné l'occasion de m'exprimer. M.T.