Les Sud-Africains seront invités ce mercredi à élire leurs députés. Ensuite le 21 mai le futur président de la République sera désigné par cette Assemblée nationale résultat du vote. L'ANC devrait réunir plus de 60% des voix et ce malgré un bilan peu reluisant voire désastreux selon l'opposition. Désenchantement de la population déçue par un chômage resté massif, une trop lente amélioration des conditions de vie dans de nombreuses zones désavantagées et aussi d'infinis scandales de corruption touchant des personnalités en vue de l'ANC. Au pouvoir en Afrique du Sud depuis 1994, le grand parti historique maintient malgré cette adversité des capacités insoupçonnées. Il a réussi à quelques jours de ces élections législatives à Soweto une véritable démonstration de force en rassemblant près de 100 000 partisans. Pour les dirigeants de l'ANC il ne fait aucun doute sur le résultat de mercredi, leur parti aura encore une fois la majorité. Malgré des scandales politiques à répétition et les difficultés du gouvernement actuel les derniers sondages accordent plus de 60% des intentions de vote au parti au pouvoir. Et conformément à la Constitution en vigueur en Afrique du Sud c'est l'Assemblée nationale qui élit le chef de l'Etat, quelques jours après les législatives. L'actuel président, le fantasque Jacob Zuma, investi par l'ANC, est assuré donc d'entamer un deuxième mandat. Le discours classique contre le système fait toujours office de programme électoral. Le prochain gouvernement annonce qu'il donnera la priorité au développement économique. Et qu'il appliquera plus strictement encore les mesures de discrimination positive qui visent à laisser plus de place aux non-Blancs dans l'économie nationale. «Cela ouvrira plus d'opportunités pour les Noirs, les Indiens, les Métis et aussi pour les femmes, les jeunes et les personnes souffrant d'un handicap, car nous sommes en train d'éliminer l'héritage de l'apartheid», clamera l'ANC pour qui la mission vers un pays égalitaire est toujours d'actualité. L'ANC s'est enorgueilli d'ailleurs pendant la campagne d'avoir fourni l'eau courante, l'électricité et des logements à des millions de pauvres en deux décennies. Une véritable «révolution» au regard de la situation prévalant durant l'apartheid. Lors du dernier meeting, un véritable «show» Jacob Zuma a dansé et chanté un chant d'hommage à Mandela. Cette attitude joviale et débridée ajoute à sa popularité notamment au sein de la population noire. De l'autre côté, l'opposition ne voit nullement le succès annoncé de l'ANC du même œil estimant que les progrès tant vantés ont été trop lents, et les énormes inégalités subsistent toujours entre riches et pauvres. «L'ANC est devenu arrogant», dira l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition parlementaire, crédité d'un peu plus de 20% des voix aux élections de mercredi. L'Alliance démocratique promet même un rude choc à l'ANC au pouvoir. Son leader Helen Zille, estime plutôt que son parti est le «seul espoir pour un changement positif» après ces vingt ans de pouvoir de l'ANC. Premier ministre du Cap occidental Helen Zille a mis en avant à l'occasion les réussites de sa province, où le taux de chômage est deux fois moins élevé que la moyenne nationale. Pour l'Alliance démocratique (à l'origine un parti blanc anti-apartheid) l'ANC n'est plus celui des populaires gouvernances de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki. Durant les cinq ans du mandat de Zuma les conditions de vie de la majorité pauvre du pays se sont détériorées. La déception de Desmond Tutu L'Afrique du Sud, qui vient de fêter solennellement les vingt ans des premières élections libres du 27 avril 1994, reste malencontreusement toujours loin de la nation rêvée par Nelson Mandela le symbole aujourd'hui disparu : un système économique qui résiste toujours à la réforme en profondeur, le chômage qui frappe près de 40% des adultes. Et surtout une société profondément inégalitaire. Un comble pour un peuple qui s'est pourtant débarrassé du détestable système de l'apartheid. Aujourd'hui à la place du système ségrégationniste c'est l'argent qui prend de l'importance accentuant les dissemblances. Il y a aujourd'hui des écoles pour les riches et d'autres pour les moins nantis. Le système de santé n'échappe pas aussi à la dichotomie. Les plus riches se soignent dans des hôpitaux et cliniques privés de haute qualité tandis que le plus grand nombre est confronté aux structures sanitaires publiques particulièrement en difficulté. La sécurité aussi est devenue un droit à double vitesse. Entre des quartiers huppés bénéficiant de la sécurité maximale et des townships livrées carrément à l'abandon. Dans les semaines précédant l'élection, des excès de violence ont eu lieu notamment dans les quartiers pauvres des grandes villes du pays. Le plus souvent pour protester contre l'absence des services de base. Un comble pour un pays comme l'Afrique du Sud dont les nouvelles «performances» laissent pantois. Des chiffres qui ne cadrent nullement avec le statut de première économie du Continent africain. Plus de 14% des foyers n'ont toujours pas d'électricité, 5% pas d'eau courante et 17% pas de toilettes privatives. Aujourd'hui la déception envers l'ANC gagne même des voix insoupçonnées. L'archevêque anglican Desmond Tutu, grand symbole de la nation arc-en-ciel a fait savoir qu'il ne voterait plus pour l'ANC, contrairement à 1994. Le prix Nobel de la paix qui «ne pensait pas que la déception arriverait si vite» se dit aujourd'hui «heureux que Nelson Mandela ne puisse pas voir ça». M. B.