La culture a une nouvelle ministre : Nadia Labidi. Réaction automatique et attendue, le nouveau suscite toujours espoirs et appréhensions. Mme Labidi ne fera pas exception. Certains applaudiront sa nomination, d'autres ne lui ont même pas laissé le temps de s'installer pour se fendre en critiques, aussi subjectives qu'injustifiées, car tenant plus du procès d'intention que de l'analyse froide. Dans les deux lots, il y a une grande partie qui n'est mue que par les intérêts, avantages et/ou positions, les premiers caressant dans le sens du poil pour en bénéficier, les seconds s'hérissant par peur de perdre ceux qu'ils ont. La ministre le sait et est consciente qu'elle doit faire avec. Elle l'a dit, de manière sibylline, lors de sa prise de fonction. Après avoir exprimé la joie de se voir offrir la chance de servir la culture et de «donner du sens à tout ce qui se fait et se fera», la ministre signifiera son intention de s'inscrire dans la continuité de l'œuvre accomplie par celle qui l'a précédée au poste, Khalida Toumi. Aussi, affirmera-t-elle son intention de ne changer que ce qui doit l'être et de ne bousculer que ce qui est à l'arrêt, soutenant qu'il était nécessaire de «travailler, dans un esprit d'équipe, avec les cadres déjà en place». Car, «chacune des œuvres réalisées dans le domaine culturel puise sa source et sa force des hommes et des femmes composant l'équipe qui y a travaillé», argue Mme Labidi. Ainsi, la ministre a maintenu «l'équipe» en place en lui gardant ses prérogatives. Toutefois, elle signifiera qu'elle reste la première responsable et qu'elle ne s'en laissera pas conter car elle sait où elle met les pieds. Elle connaît le secteur pour y avoir fait ses premiers pas il y a de cela près de 30 ans, avec un doctorat en Arts du spectacle (option études cinématographiques) à la Sorbonne, deux films documentaires et une chaire à la faculté à la clé. Il n'y a rien à dire sur un tel parcours. Mais la culture ne se limite pas au cinéma. Et Mme Labidi doit assurément le savoir, d'où sa décision frappée au coin du bon sens de «travailler dans un esprit d'équipe». Il reste tant à faire et de chantiers à lancer que toute compétence est bonne à prendre. Nous ne lui ferons pas l'offense d'énumérer les défis qui se posent au 7e art que la ministre connaît parfaitement. Mais il reste cependant la question de savoir s'il est opportun de consentir les très gros investissements nécessaires pour développer une industrie cinématographique, avec toutes ses filières et ses segments, verticaux et horizontaux. La problématique se pose autrement pour le patrimoine. Admirablement pris en charge par l'équipe du ministère, il attend toutefois d'être exploité, scientifiquement et économiquement, exploitation qui lui permettra d'autofinancer son entretien. Or, seul un travail intersectoriel pourra assurer la rentabilisation de ces richesses. L'action multisectorielle est un passage obligé pas seulement pour le patrimoine mais également la promotion de la lecture publique, donc du livre, du théâtre, des arts plastiques... pour tout simplement la socialisation de la culture qui produira la demande et contribuera à la création d'un marché des arts. C'est tout un programme, qui nécessite des compétences, non des flatteurs intéressés qu'on gratifierait ou des détracteurs tout aussi intéressés, même plus, qu'on rétribuerait pour les retourner, tout en ignorant royalement la critique objective. C'est là une pratique courante en Algérie, mais on veut croire que l'artiste et pédagogue à qui on a confié la culture, a autant de respect pour l'art que pour l'homme, purs. H. G.