La question des identités dans les pays du tiers-monde a été le thème d'une rencontre, jeudi dernier, au Centre culturel français d'Alger, animée par trois chercheurs français, Louis Weber, anthropologue, Laurent Bazin et Romain Bertrand, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques. Après quelques brèves présentations, Louis Weber entrera dans le vif du sujet pour parler des identités qu'il estime être une question d'actualité. «Ces derniers temps, on a remarqué le retour d'une question que l'on pensait réglée», dira-il. Le retour de la problématique des identités à la surface est dû, selon lui, à plusieurs facteurs, notamment la mondialisation, qui remet en cause le passé des peuples et l'authenticité de leurs identités, et qui, en réaction, a amené la réactivation du nationalisme, avec l'apparition de nouvelles nations issues de l'immigration dans le monde. Il soulignera aussi que certains pays occidentaux se retrouvent au bord de l'explosion sociale à cause de la cohabitation de cultures en citant l'exemple de la France avec les émeutes de 2006. Le deuxième intervenant, Romain Bertrand, se penchera sur la question des identités sous un autre angle. «Aujourd'hui, les discours d'identités sont face à de véritables discours d'identification, qu'elle soit culturelle, linguistique ou religieuse. Ce que les gens de la politique font de nos jours, c'est ethniciser les identités. Ils ne savent pas qu'avant tout l'identité est universelle. Rien n'est acquis d'origine, les frontières sont arbitraires car ces régions ont pu être colonisées ainsi que les œuvres littéraires anciennes et les objets que l'on trouve dans les musées. Cette question revient à chaque décennie. Au lieu d'en faire un sujet de polémique, il est préférable d'en faire une histoire, l'histoire des identités dans divers champs d'activité, politique, social, universitaire», soutient-il. Dans la même perspective, il s'étalera sur la loi française du 23 février 2005 et son fameux article 4 abrogé par la suite. «Cet article a engendré une énorme polémique parce que la guerre d'Algérie n'est pas seulement une guerre coloniale mais elle a aussi été une guerre civile métropolitaine provoquant en France une guerre politique et une crise républicaine qui révèlent la trahison de l'armée face à la république», dit-il. «Cette crise a longuement alimenté les discours de l'extrême droite, ce qui démontre que la république est un pouvoir faible», conclut M. Romain pour qui le fait que cette loi ait pu être votée révèle une véritable mutation idéologique du gouvernement ayant pour argument l'article 13 qui permet aux personnes ayant cessé l'activité durant la guerre de faire valoir une demande de pension mensuelle, une mesure qui, selon lui, «complète le dispositif d'amnistie qui concerne l'OAS». Revenant à la questions des identités, le conférencier soulignera l'apparition de nouveaux termes qui ne veulent rien dire et sont absolument arbitraires tels que «jeunes issus de l'immigration», un terme qui alimente divers débats politiques en France. «On a vu la naissance de ce terme sans agir, il ne veut rien dire, car du moment que les gens ont la nationalité française, ils doivent être considérés comme des Français», affirme-t-il. W. S.