Hugo Chavez, à la place de l'ectoplasme Amr Moussa. Ça aurait pu être une boutade, une galéjade même. Mais par les tragiques temps palestiniens qui courent, à l'heure, également, des sempiternelles divisions arabes, la blague de potache devient une supplique. Assurément, car le président vénézuélien, révolutionnaire bolivarien, a sauvé l'honneur des Arabes. D'ailleurs, la rue, en total décalage avec des régimes rancis et vermoulus, a vu en lui une mixture de Boumediene et de Nasser. Sa décision de rompre les relations avec l'Etat sioniste fut alors accueillie comme un acte cathartique. Preuve que les masses arabes sont plus souvent en phase avec le mouvement de l'histoire. C'est, en revanche, loin d'être le cas des régimes. Conjuguant esquive, contre-pied, couardise et félonie, ces derniers mènent actuellement une guerre de sommets. Il y en a même trois, d'un coup. Dans trois riches pétromonarchies dirigées par ce que la lucide rue arabe appelle les «Arabes de l'Amérique». Sommet politique mais consultatif à Doha. Réunion initialement économique mais politique en marge, à Koweït. Et avant ces deux raouts, un rassemblement conçu comme un contre-feu à celui de Doha, à Riyad. Une torpille en bonne et due forme. Comme on le constate, les Arabes, qui sont un phénomène oral, parlent au moins de deux voix. Et lorsque l'un d'eux retrouve les voies de la raison et de la sagesse, comme Qatar, on l'isole dans les règles de l'art. C'est que son émir est jugé par trop accommodant avec Hamas. Mouvement légitimé par l'urne et le fusil que certains «Arabes d'Amérique» veulent détruire. Les mêmes, c'est-à-dire l'Egypte et l'Arabie saoudite, se sont ainsi employés à vider le sommet de Doha de toute signification. En usant de la «chaise vide» comme moyen d'obstruction, telle une arme de dissuasion massive. Et comme la sémantique a toujours un sens, la réunion, qui devait être extraordinaire au vu de l'urgence, des défis et des enjeux, est devenue «consultative». De ce fait, à la place de décisions, on a eu droit à des recommandations. Les dirigeants présents à Doha ne pouvaient donc que «condamner», «demander», «considérer», «insister» et «appeler», verbes méritoires certes, mais nécessairement pieux. Verbes émollients contre «Plomb Durci». Inaction diplomatique contre action guerrière. A évoquer les sempiternelles divisions arabes, on a vite fait d'épuiser la liste des aphorismes propres à leur capacité à décider de ne rien décider. Encore une fois, renversante mésentente à s'entendre sur un minimum ! A Doha, comme demain à Koweït, la question n'est pas de trouver un plus petit multiple commun. Peut-être, même pas un plus petit dénominateur commun. On ne rêve plus ! Un chef d'Etat arabe aboulique, c'est presque un pléonasme ! On n'en rajoute plus. Bien avant Koweït, Riyad et Doha ont montré que la nouvelle ligne de partage et de fracture dans le monde arabe s'appelle désormais Hamas. On a vu alors que les pays arabes étaient divisés entre ceux qui soutiennent, d'une manière ou d'une autre, l'organisation islamiste palestinienne, et ceux qui souhaitent, au minimum, son affaiblissement. Il y avait aussi, mais ils sont rares, d'autres Etats, comme l'Algérie, davantage favorables à l'unité palestinienne. En fait, trois sommets pour trois lignes de force qui révèlent en filigrane combien la résistance héroïque du peuple palestinien à Ghaza est en train de remodeler les positionnements. En somme, la carte des rapports de force et du leadership dans le monde arabe. Enfin, quid de l'évanescente Ligue arabe ? L'absence à Doha de son secrétaire général, l'Egyptien Amr Moussa, a démontré jusqu'à l'absurde la vacuité et l'inutilité de ce «machin» arabe. Et quand on sait que l'inquiétante Condoleezza Rice, secrétaire d'Etat sortante américaine l'a éconduit avec mépris à l'ONU, on comprend mieux pourquoi le «machin» arabe est finalement l'arbre de la palabre arabe. N. K.