Le maître de l'Egypte est-il un Machiavel «Taïwan» comme le suggère l'«adjectif» populaire algérien décrivant le toc et le contrefait ? La question, récoltée sur le comptoir d'un café maure algérois, en dit long sur le rôle joué par le pacha d'Egypte en marge de «Plomb Durci» israélien. Le caudillo au long cours a-t-il seulement joué à qui perd gagne diplomatiquement ou bien a-t-il été finalement floué par plus machiavélique que lui ? Question entraînant une autre : a-t-il été réellement berné ou bien, jobard et roublard à la fois, il aurait été empapaouté par les Israéliens, mais vraiment à l'insu de son plein gré ? Interrogations aussi logiques qu'est réelle la participation du raïs à une partie de poker menteur avec des Israéliens maîtres dans l'art du bluff et des cartes glissées des manches de chemise. Le président Hosni Moubarak aura donc beau jeu de changer de fusil d'épaule et de bander quelques muscles diplomatiques, ces sursauts d'orgueil sont suffisamment tardifs pour être désespérés. Comme l'est également son initiative d'organiser un mini-sommet à Charm El Cheikh, avant la réunion de la Ligue arabe à Koweït, espérant comme jamais reprendre un peu la main. Comme il compte, avec l'aide de l'Europe, remettre en selle un Mahmoud Abbas dont la crédibilité politique a aujourd'hui valeur de monnaie de singe. Egalement, de ramener à l'avant-scène diplomatique le camp des «Arabes d'Amérique» qui ont perdu honneur et crédibilité en s'alignant derrière Israël pour détruire le mouvement Hamas. Au final, dans le théâtre de dupes diplomatiques, le président égyptien aura vite fait d'apprendre que rien ne sert de courir, car il faut trahir ou concéder à point. Pour ne pas l'avoir su ou peut-être oublié, la diplomatie égyptienne avait dans la bouche de Moubarak et de son ministre des Affaires étrangères, l'ineffable Ahmad Abul Gheït, des accents pathétiques et ubuesques. Samedi, l'un avait beau jeu de découvrir «l'intransigeance» d'Israël «ivre de puissance et de violence». L'autre, de ne pas se sentir engagé par l'accord israélo-américain sur le futur contrôle des voies d'acheminement d'armes à Ghaza. Mais, dans les deux cas, l'initiative, comme toujours, est et reste israélienne et américaine. Le reste des propos du successeur de Sadate relève de la comédie de boulevard : en sommant Israël de cesser «immédiatement» et «sans conditions» les combats à Ghaza, alors qu'il savait imminent le cessez-le-feu unilatéral, Ubu-Moubarak «castrait» des oies femelles, selon la triviale mais géniale formule sétifienne. Finalement, en s'arrimant à Israël contre le Hamas, le président Moubarak ne pouvait ignorer qu'Israël avait préparé de longue date son «Plomb Durci». Qu'il avait conclu une trêve de six mois avec Hamas pour mieux «photographier» son potentiel de défense et apprécier sa capacité de nuisance militaire réelle. Et, surtout, que l'objectif de détruire le mouvement s'inscrivait dans le refus historique de tout Etat palestinien et dans l'édification du «Grand Israël». Le zaïm du Nil ne pouvait ignorer que tout processus de paix israélo-palestinien serait impossible avec la poursuite de la colonisation au-delà de la Ligne verte. Impossible de croire qu'il ne savait pas que le remodelage des frontières, avec l'incorporation de blocs de colonisation depuis 1967, crée des territoires en forme de peau de léopard, ce kaléidoscope de bantoustans qui rend impossible la création d'un Etat palestinien viable. Le raïs, qui sait que l'enfer palestinien est pavé de bonnes intentions, finira par savoir, à ses dépens évidemment, qu'Israël, qui ne veut ni d'un Etat palestinien indépendant ni d'un Etat binational, veut toujours favoriser la solution d'intégration des Palestiniens à la Jordanie et à l'Egypte. L'idée serait de revenir à l'ancienne administration de la Cisjordanie par la Jordanie et Ghaza par l'Egypte. Comme un pharaon égyptien averti en vaut deux, Hosni Moubarak ne devrait pas être étonné un jour d'apprendre qu'Israël a déchu de leur nationalité israélienne les Palestiniens d'Israël. Pour favoriser ses desseins stratégiques, Israël a toujours intégré la démographie. Cette science lui apprend qu'à l'horizon 2030-2040, les Arabes israéliens seraient majoritaires. Et n'auraient pas besoin de faire la guerre. N. K.