La reprise en main par l'Algérie du dossier malien semble déranger les pays de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) qui ont dépêché leur médiateur en chef à Bamako, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré pour «prendre langue avec les autorités maliennes pour la relance de la médiation» avec les groupes indépendantistes touareg, ont rapporté hier les médias maliens. Le calendrier de cette visite «d'amitié et de travail» du président burkinabé, selon le communiqué officiel de Ouagadougou, n'a rien d'innocent ni de hasardeux. Il coïncide en effet avec l'annonce de la tenue d'un deuxième round des négociations de paix à Alger, la mi-juillet, et de la mise en œuvre d'une plateforme politique qui permettra de rétablir la paix dans le Nord-Mali dans les meilleurs délais. La déclaration sous-couvert d'anonymat d'un haut responsable à la présidence burkinabaise en dit long sur une colère mal-contenue du Burkina Faso et de la Cedeao contre le choix du président malien qui a affiché lors du dernier sommet de l'Union africaine (27 et 28 juin) à Malabo (Guinée Equatoriale) toute sa confiance en la médiation algérienne pour le règlement de la crise politique et sécuritaire dans son pays. «Il est temps de négocier, il est temps pour IBK de se mettre concrètement au travail», a affirmé cette source à la présidence du Burkina Faso à Radio France International (RFI), alors que depuis la signature de l'accord de cessez-le-feu de Ouagadougou, en mai dernier, entre Bamako et les groupes rebelles, il y a eu la rencontre d'Alger le 10 juin qui a regroupé les autorités maliennes et les trois principaux groupes armés touareg du Nord-Mali. La rencontre d'Alger est venue après la violation du cessez-le-feu de Ouagadougou par l'armée malienne qui s'est attaquée à un camp militaire du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (Mnla), près de Kidal. La reprise en main du dossier malien, par le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra avait pour but d'éviter une nouvelle escalade de la violence armée dans le Nord-Mali, frontalier avec l'Algérie. Mais les Burkinabés rejettent indirectement les accords d'Alger du 10 juin et semblent déterminés à reprendre leur place dans la gestion de cette crise, alors Blaise Compaoré fait face dans son pays à une montée de la contestation populaire, en raison de son controversé projet de révision de la Constitution pour briguer un troisième mandat. «Nous ne connaissons pas précisément la feuille de route prévue par les Maliens», a fait savoir au correspondant de RFI un conseiller de Blaise Compaoré. «Les combats à Kidal ont changé la donne. Pour nous, il n'y a désormais qu'un texte à respecter, c'est l'accord signé à Ouagadougou», a-t-il tranché, à la limite de remettre en cause la crédibilité et la capacité de la médiation algérienne. Le président burkinabé qui a multiplié ses entretiens avec IBK, les partis politiques de l'opposition et les représentants des rebelles touareg, lors de sa visite de deux jours (lundi et hier), s'est toutefois gardé de critiquer l'Algérie. Officiellement, face aux médias, l'implication de l'Algérie n'a rien de dérangeant. Dans les coulisses, les échos sont autres. Blaise Compaoré est «sur le fil du rasoir», si l'on se fie aux écrits de la presse de son pays. Au pouvoir depuis 1987, après le coup d'Etat qu'il a mené contre le défunt militant anticolonialiste et président panafricaniste Thomas Isidore Noël Sankara, Blaise Compaoré cherche-t-il à user de son influence dans le dossier malien pour convaincre les Burkinabés à modifier l'article 37 de la Constitution qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats ? Ou c'est simplement la Cedeao qui lui a confié la responsabilité de cette médiation qui veut évincer l'Algérie du traitement de la crise au Mali, dont les conséquences négatives se répercutent directement sur notre pays ? L. M.