Avec cet accord, ce principal suspect dans les nombreux scandales de corruption impliquant SNC-Lavalin pourrait être bientôt de retour au Canada pour répondre aux accusations criminelles portées contre lui. Cette entente à l'amiable ouvrirait donc la porte à des révélations sur les malversations de SNC-Lavalin un peu partout dans le monde, mais notamment en Algérie pour ce qui est connu comme l'affaire Sonatrach, qui est au cœur de ce scandale international de corruption. En effet, l'affaire Sonatrach est aujourd'hui loin d'avoir révélé tous ses secrets. À chaque fois que la boîte de Pandore s'ouvre, de nouvelles révélations sont faites. Il est attendu maintenant, après cet accord, que la lumière soit faite sur les malversations qui ont lié Sonatrach avec la firme canadienne SNC-Lavalin après celles faites avec des firmes italiennes et espagnoles. Pour rappel, l'ex-patron de SNC-Lavalin en Afrique du Nord, Riad Benaïssa, a démissionné de la firme montréalaise après 27 ans de service, de même que son collègue Stéphane Roy, vice-président aux finances de la division construction, dans la foulée de révélations troublantes concernant les liens que la firme entretenait avec la famille de l'ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Riadh Benaïssa a été arrêté et emprisonné en avril 2012 pour des soupçons de corruption de fonctionnaires étrangers, de gestion déloyale, d'escroquerie et de blanchiment d'argent en lien avec des pots-de-vin qui auraient été versés par SNC-Lavalin pour obtenir des milliards de dollars de contrats en Afrique du Nord, comme l'a affirmé une porte-parole du ministère public de la Confédération suisse, Jeannette Balmer. Au cours des enquêtes menées et selon des révélations faites par la presse étrangère, notamment espagnole et italienne, il s'est avéré que les responsables canadiens ont eu plusieurs intermédiaires en Algérie durant la dernière décennie pour sécuriser les contrats de SNC- Lavalin, dont Farid Bedjaoui, le neveu de l'ex-ministre de la Justice Mohamed Bedjaoui et bras droit de l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Les preuves contre Farid Bedjaoui et l'ex-ministre de l'Energie sont bien établies selon les médias italiens, qui citent des sources de l'enquête. Rappelons à ce propos que le journal italien Ilsole 24 ore avait révélé qu'à travers les comptes de Farid Bedjaoui en Suisse, des Canadiens ont financé un bien de Chakib Khelil. Le média italien a également affirmé que l'entreprise canadienne First calgary petroleum a signé des contrats avec l'entreprise Parc limited, appartenant à Farid Bedjaoui, entre 2002 et 2007. L'argent reçu dans les comptes de la société de Farid Bedjaoui, basée en Suisse, a été utilisé pour financer une propriété de Chakib Khelil et son ami Omar Habour, sise à Maryland, aux Etats-Unis. Le journal avait fait référence également à deux lettres trouvées que l'ex-ministre de l'Energie aurait adressées au président de First calgary petroleum. Le journal italien avait fait état aussi du versement de sommes d'argent par une filiale d'Orascom Construction dans les comptes en Suisse de Farid Bedjaoui. L'enquête de la justice italienne a trouvé des traces de paiements de pots-de-vin, qui s'élèvent à des millions d'euros, par Saipem, la canadienne SNC-Lavalin et d'autres entreprises. Elle a également découvert les biens (yachts, œuvres d'art, propriétés et entreprises) ainsi que des comptes ouverts par les accusés à Dubaï, au Liban, à Singapour, au Panama et en Suisse. Les sommes détournées n'ont pas encore été quantifiées avec précision, mais on parle d'une somme qui dépasserait le demi milliard d'euros. Les principaux bénéficiaires seraient, selon les enquêteurs italiens, Farid Bedjaoui et l'ancien ministre Chakib Khelil, soupçonné d'être le destinataire de la majorité des fonds. D'ailleurs, le comptable Varone, accusé dans cette affaire, a dit aux enquêteurs, cité par le média italien, que Bedjaoui a servi comme collecteur de pots-de-vin au nom du ministre algérien : «Il m'a dit qu'il donnait de l'argent au ministre de l'Energie Khelil.» En Algérie, Chakib Khelil, sa femme et ses deux enfants, sont sous le coup de mandats d'arrêt international, délivrés par la justice, qui a également délivré un mandat d'arrêt international contre Farid Béjaoui ainsi que quatre autres personnes, des opérateurs privés qui ont joué le rôle d'intermédiaires dans l'affaire connue sous le nom de Sonatrach 2. A préciser que la justice algérienne a ouvert deux dossiers distincts appelés affaire Sonatrach 1 et affaire Sonatrach 2. Cette dernière n'est, en fait, que l'extension de la première affaire après la clôture de l'instruction du premier dossier. Dans l'affaire Sonatrach 2, qui a été déclenchée le 14 octobre 2012, dix personnes ont été mises en cause, dont la société italienne d'ingénierie et exploration pétrolière Saipem, filiale du géant pétrolier ENI. Au cours de l'enquête, douze autres personnes ont été inculpées, portant le nombre total des personnes poursuivies à 22, dont deux personnes morales. Il s'agit, outre Saipem, de l'entreprise Orascom Industrie. Parmi les 22 inculpés dans l'affaire Sonatrach 2, deux sont sous mandat de dépôt, deux autres sous contrôle judiciaire et 9, en fuite, sous mandat d'arrêt international. Les mis en cause sont poursuivis notamment pour corruption, blanchiment d'argent, passation de contrats contraires à la réglementation, abus de pouvoir et appartenance à un groupe spécialisé dans le crime organisé international. L'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, est poursuivi pour la totalité de ces crimes. L'instruction a permis pour le moment de confirmer que les agissements criminels des mis en cause s'étendent sur une période de 8 ans (2003-2011) et que ce réseau, dont les tentacules s'étendent à tous les continents, suçait la sève de Sonatrach grâce à des mécanismes financiers très complexes. Selon l'enquête algérienne, les membres de ce groupe criminel recevaient des sommes faramineuses d'argent contre la facilitation d'obtention des contrats avec Sonatrach. Ces sommes dépasseraient les 20 millions de dollars et les 175 millions d'euros. Notons enfin que la justice algérienne soupçonne plusieurs entreprises internationales d'avoir versé des pots-de-vin à l'entreprise nationale de pétrole Sonatrach. Les Espagnols de Repsol, les Norvégiens de Statoil, les Canadiens de SNC-Lavalin et les Irlandais de Petroceltic, sont tous soupçonnés par la justice algérienne d'être impliqués dans des scandales de corruption. H. Y.