La justice américaine a été destinataire d'un rapport détaillé de l'enquête interne effectuée par Saipem, filiale du géant pétrolier italien Eni, sur ses activités en Algérie. La justice américaine s'intéresse de près aux affaires de corruption au centre desquelles se trouve Sonatrach. Elle a reçu un rapport détaillé de l'enquête interne effectuée par Saipem, filiale du géant pétrolier italien ENI, sur ses activités en Algérie. Il y a plus d'un mois, la justice canadienne a lancé un mandat d'arrêt international contre Farid Bedjaoui, qui fait l'objet de deux autres mandats délivrés par l'Algérie et l'Italie. Il y a trois mois, alors que le parquet d'Alger annonçait le lancement de mandats d'arrêt internationaux contre l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, son épouse et ses deux enfants, installés aux USA, pour leur implication présumée dans des affaires de corruption, la justice américaine recevait un rapport détaillé des activités de Saipem Algérie, une des filiales du géant pétrolier italien ENI, dont les dirigeants font l'objet de poursuites judiciaires pour avoir versé des commissions afin d'obtenir des marchés en Algérie.Aucune information n'a filtré sur le contenu de ce rapport, mais des sources sûres indiquent qu'«il ne fait état d'aucune anomalie pouvant susciter des soupçons de corruption». L'on se rappelle que les dirigeants de Saipem avaient, au cours d'une conférence de presse, l'été dernier, affirmé avoir passé au peigne fin la gestion de leurs activités en Algérie sans pour autant trouver une quelconque anomalie. Est-ce cette conclusion que les dirigeants de Saipem ont transmise à la justice américaine ? Nous n'en savons rien. Ce qui est certain c'est que, selon Reuters, les patrons d'ENI ont affirmé cette semaine que «depuis juillet dernier, aucune demande d'informations supplémentaires n'a été transmise par la justice américaine. La société a déclaré qu'elle avait franchi une étape constructive dans l'examen de ses comptes par le marché régulateur italien, Consob, qui a débuté au mois d'août dernier». L'agence rappelle que la Consob avait ouvert une procédure contre Saipem qui, selon elle, pourrait conduire à des ajustements pour des anomalies comptables dans les contrats. Des dommages de 350 millions d'euros En juin dernier, la société avait reconnu avoir perdu 300 à 350 millions d'euros en 2013, en partie en raison des difficultés rencontrées en Algérie à la suite du scandale Sonatrach. La justice algérienne avait inculpé Saipem Algérie en tant que personne morale pour des faits de corruption liés au dossier Sonatrach 1. Une décision qui a suscité l'ouverture d'une enquête par le tribunal de Milan. Les révélations sur des supposés pots-de-vin versés en contrepartie de l'obtention de contrats ont abouti à l'arrestation de nombreux cadres de Saipem et à la démission de son patron, Pietro Franco Tali. Les aveux de certains impliquent directement l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, mais également Farid Bedjaoui, présenté comme son conseiller financier et qui aurait, selon toujours les mis en cause, joué le rôle d'intermédiaire entre les Italiens et les responsables algériens. Détenteur d'un passeport canadien, Farid Bedjaoui aurait obtenu 198 millions d'euros de pots-de-vin de la part de Saipem pour l'obtention de contrats d'une valeur de 11 milliards de dollars auprès de Sonatrach. Selon l'enquête, Paolo Scaroni, patron de l'ENI, a rencontré cinq fois Bedjaoui dans un hôtel à Paris pour discuter des contrats, dont une fois ou deux en présence de Chakib Khelil. Sur la base de ces révélations, le juge italien a lancé un mandat d'arrêt international contre Farid Bedjaoui. Au mois d'août dernier, le procureur général d'Alger a annoncé le lancement d'un mandat d'arrêt contre neuf personnes impliquées dans ce scandale, dont l'ex-ministre, son épouse et ses deux enfants, mais également contre Farid Bedjaoui. Quelques semaines plus tard, au moment où le même parquet enquêtait sur les activités de SNC-Lavalin en Algérie, la justice canadienne lançait un mandat d'arrêt international contre Farid Bedjaoui, poursuivi pour corruption de responsables du groupe québécois SNC-Lavalin. L'enquête a été déclenchée après l'arrestation en Suisse de son vice-président chargé de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), le Tunisien Ryad Benaïssa, pour avoir participé à une fuite de capitaux pour certains membres de la famille El Gueddafi. Les monarchies du golfe en refuge Pour SNC-Lavalin, «Bedjaoui était impliqué dans certaines compagnies liées par contrat à des filiales de SNC-Lavalin», précisant : «Ces contrats ont été négociés par des ex-employés de la compagnie et, au meilleur de notre connaissance, étaient des arrangements faits dans le cours normal des affaires.» Là aussi, d'importantes sommes d'argent auraient été versées par les Canadiens pour l'obtention de nombreux marchés, dont au moins un – lié à une réalisation gazière à Rhourde Nouss, dans le sud du pays – fait l'objet d'une enquête de l'Office central de la répression de la corruption. Si tout le monde sait que tant que Chakib Khelil est aux USA, il ne répondra pas de ses actes en raison des «services» qu'il a rendus à l'Etat américain, il n'en demeure pas moins que l'étau se resserre autour de lui et de sa famille, dont les comptes bancaires ont été gelés partout dans le monde à la demande de la justice algérienne. Il y a quelques jours, Chakib Khelil a exprimé une seconde fois, à un avocat d'Alger, sa volonté de rentrer au pays pour «régler» sa situation. «C'est juste une question d'opportunité. La situation politique actuelle n'est pas en sa faveur. Il a certainement eu des garanties sur un éventuel arrangement qui lui permettra d'éviter la prison», affirment nos sources, sans pour autant être en mesure de révéler la contrepartie de ce deal. Pour ce qui est de Farid Bedjaoui, tant qu'il est protégé par les monarchies du Golfe où il aurait domicilié l'argent de la corruption, ni la justice italienne ni la justice canadienne et encore moins la justice algérienne ne pourront l'attraper…