Abdelhamid Lemili C'était il y a environ cinq ans que la bande s'était formée, et durant cette tranche de vie il y a des «anciens» qui sont partis et des «nouveaux» arrivés. Un chassé-croisé, tout ce qu'il y a d'ordinaire, dans la mesure où ces jeunes ont, eux aussi, des préoccupations et des responsabilités d'adultes. Iskander nous parle de ses amis, mais tout d'abord de Smoke. Pourquoi Smoke ? «Parce que forcément il fallait un nom au groupe, ensuite l'idée de Smoke (fumée dans la langue anglaise) pour la plus simple des raisons que la fumée est visible au-delà de tout obstacle naturel ou artificiel, qu'elle a été également, à la venue de l'homme sur terre, l'un des moyens de communication. En somme le vecteur parfait. Le groupe est né en 2009, en fait il devait l'être plus tôt sauf que cette année là nous nous y sommes mis sérieusement Mohamed Kaki et moi-même. Petit à petit nous avons rallié à notre projet le reste de la bande.» Il faut une ou des influences pour mettre au jour une formation musicale moderne. Celles qui ont pesé chez les musiciens de Smoke ont été au départ la musique afro-américaine. «Le blues, la soul et, à un degré moindre, le jazz même si ce n'est pas un genre pour lequel nous n'avons pas en réalité une grande prédilection. Nous restons toutefois très rock... Beatles... Led Zeppelin.» Notre interlocuteur ajoutera : «Nous considérons que des groupes comme T34 ou Raïna Raï, qui demeurent le nec plus ultra d'un genre local adapté à tout ce qui est musique universelle, nous ont aidé à creuser des pistes sur ce plan, ce qui nous a permis d'ailleurs de composer nos propres morceaux en arabe. En fait, notre objectif a toujours été de créer un rythme spécifiquement algérien. À notre sens, le rythme chaoui est incontestablement une source d'inspiration en ce sens. Quoiqu'il en soit, l'essentiel et le plus important pour nous est de ne pas reproduire une pâle copie d'un ersatz de formation musicale qui ne durera que le temps que durent les roses. Notre ambition est de durer dans le temps et laisser une empreinte sur la scène nationale et autant que faire se peut hors des frontières, comme d'autres formations algériennes ou chanteurs y sont parvenus.» Nous avons cherché à avoir une réponse au fait que Smoke ne soit pas connu à Constantine, autrement dit la ville d'où sont natifs Walid Bouzid (son) Mohamed Aït Kaki (guitare), Bouhrour Iskander (guitare), Kikim Mechaer (batterie) et Tahar Boudjaadi (guitare basse) : «...Non détrompez-vous, nous jouissons d'une notoriété effective à Constantine. La preuve nous avons fait le Dimajazz 2011 ‘'off'', les manifestations de l'Institut de France à Constantine, Batna, Annaba, Jijel, mais nous avons plus d'opportunités à Alger grâce à la très précieuse aide d'un de vos confrères de la Radio. En général, les médias, qu'ils appartiennent à la presse écrite, sonore ou télévisuelle n'ont pas été hermétiques à ce que nous avons fait jusque-là. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis de faire des scènes à Alger et, par conséquent, de grignoter du terrain et gagner graduellement en notoriété. Incontestablement, la capitale demeure un passage obligé pour un minimum de reconnaissance, mais également et surtout pour faciliter l'accès à un tremplin, condition sine qua non pour se faire une place au soleil.» Il est vrai, et nous en parlons par expérience dans ce domaine, que Constantine détient le triste art de castrer les groupes de musique moderne et de type occidental et deux fois plus qu'une s'il s'agit de rock, un genre considéré jusque-là comme démoniaque par tous les directeurs de la culture qui se sont succédé au niveau de la direction du même nom depuis 1999. Néanmoins, Alger n'est pas non plus le sésame attendu dans la mesure où il y a des règles, voire un système auquel il faut adhérer pour pouvoir «passer» entre les mailles d'un réseau commercial qui est à la musique ce qu'est Arnold Schwarzenegger au patinage artistique. Mais il faut malheureusement pour tout artiste, groupe, chanteur intégrer le système pour pouvoir par la suite l'annihiler ou du moins le contraindre à s'adapter à ses propres ambitions. Tout un programme et une sorte de sélection darwinienne qui ne dit pas son nom. Smoke a-t-il une chance de faire partie des programmes de «Constantine, capitale de la culture arabe- 2015» ? C'est tout le mal que nous lui souhaitons, quoi que pour cela il faudrait faire énormément de concerts pour se rappeler au bon souvenir des organisateurs. Mais il faut le dire et le redire, une telle opportunité ne pourra qu'être bénef pour la wilaya, le pays et enfin tous les artistes qui auront l'infime possibilité de faire partie des plateaux prévus pour la circonstance. «Jusque-là, la musique ne nous a pas fait vivre et c'est à peine si nous arrivons à nous prendre en charge pour nos propres concerts. Néanmoins, Smoke aspire à faire d'abord de la bonne musique, ensuite un nom et enfin accéder à une plus grande notoriété.» A. L.