De notre correspondant à Constantine A. Lemili Rares sont les Constantinois qui lisent, excepté sans doute le journal, clairsemées sont les librairies, inconnus sont les éditeurs et enfin, quoiqu'il n'y a pas «un après-Malek Haddad», au sens de profusion en matière d'écriture, sinon d'écriture de qualité, les écrivains, pour ceux qui s'attribuent de fait quelques prédispositions, semblent avoir déjà la crampe… éponyme, sans qu'ils aient eu besoin de prouver grand-chose. Le théâtre n'a plus de textes et ses responsables sont obligés de recycler de vieilles pièces qui tiennent encore le coup et déplacent quelque peu, une fois l'an, des spectateurs stressés, mélancoliques et vivant de nostalgie. La télévision ne produit rien, parce qu'encore eût-il fallu qu'il s'y trouve des créateurs, à part ceux qui ont réalisé des documentaires cartes-postales parce qu'il faut bien justifier la manne récupérée dans le cadre d'«Alger capitale de la culture arabe» en filmant, qui un coucher de soleil au sud du pays, qui… abîme, oueds, ruines éparses d'hier et d'aujourd'hui, les vestiges romains étant rattrapés par ceux de la vieille ville. Heureux encore que l'Etat providence continue d'assurer les salaires pour ceux qui ne font rien à part scruter l'horizon et s'enquérir du… nouvel avoir. Il y a une semaine, dans ces mêmes colonnes nous sommes tombés, à bras raccourcis, sur un jeune qui s'était essayé au cinéma. Nous considérions alors anormal qu'il écrive le scénario, qu'il réalise et produise en même temps le film. Il est vrai qu'en fin de parcours le résultat n'était hélas pas trop flatteur et quiconque pouvait être dupe au point d'attendre quelque chose de consistant, voire de qualitatif face à une telle entreprise que nul ne s'est jamais aventuré à tenter depuis la naissance du cinéma compte tenu de la logique et par obligatoire opposition à une confusion des genres. Pourtant, la disette dans la ville de Constantine est telle, qu'à l'image de la littérature religieuse… le produit le plus demandé et le plus lu évidemment, le film en question a été fortement suivi et apprécié par un public qui, à bien analyser, n'a pas de repères, pas de références et est par voie de conséquence obligé de consommer ce qu'il a sous la main quitte pour cela à valider un label ou une forme de reconnaissance indirecte et tout autant nocive à un sous-produit, un ersatz de… rien du tout jusqu'à brouiller toutes les grilles de lecture. La nullité peut ainsi être consacrée et la responsabilité n'incombe pas à tout créateur qui, à son sens, dans un tel vide sidéral ne fait que créer, même si en vérité il ne fait que reproduire des clichés, elle (la responsabilité) incombe à ceux qui ne font rien pour élever le niveau. Peut-être parce qu'ils n'ont pas les aptitudes voulues ou peut-être également parce qu'ils le font délibérément. En tout état de cause, tout le monde semble trouver son compte dans ce no man's land constantinois, dans lequel il est question de réaliser un opéra de 4 000 places quand aucune salle de cinéma ne fonctionne, les centres, maison et palais de la Culture abritent les assemblées générales de clubs sportifs.