C'est demain que le président des Etats-Unis, Barack Obama, tentera de convaincre davantage de membres de l'ONU à participer à la coalition internationale qui vient d'être mise en place par l'Otan, associant au total une quarantaine de pays, pour lutter contre la nouvelle menace terroriste mondiale en Irak et en Syrie : Daech (Daoula al islamiya fil Irak oua al châm ou Etat islamique en Irak et en Syrie). Il s'agit d'une mission difficile pour le locataire de la Maison-Blanche qui doit, encore une fois, user d'un discours mielleux mais aussi alarmant pour donner plus de crédibilité à cette intervention militaire dans la région. Ceci dit, Barack Obama a accompli une rude tâche, en réussissant à avoir l'appui de l'Arabie saoudite, ce qui n'est pas une surprise en soi, et en obtenant l'accord de l'Iran qui demeure un acteur incontournable dans la résolution des conflits qui secouent toute la région du Proche-Orient. Il reste donc à convaincre la Turquie, qui se refuse pour le moment de mettre son nez ouvertement dans la crise syrienne et la lutte contre l'Etat islamique en Irak. Washington doit peut-être fournir assez de garanties pour Ankara, qui n'est pas prête à cautionner la naissance d'un Etat kurde dans le nord de l'Irak. La Turquie n'a pas intérêt à soutenir une coalition internationale qui a pour objectif avoué la lutte antiterroriste mais dont les intentions dépassent de loin ce cadre sécuritaire, doublé d'un élan humanitaire qui sert aussi de moyen efficace pour redistribuer les cartes dans la région. Même si elle s'est montrée présente et prédisposée à apporter son aide humanitaire aux déplacés kurdes du nord de la Syrie, la Turquie a manifesté son refus de participer à toute opération militaire contre Daech, alors qu'elle est membre à part entière de l'Otan, l'initiatrice de cette coalition internationale. De nombreuses questions se posent autour de ce refus d'Ankara à jouer sur le terrain militaire, sachant que ce ne sont pas les moyens humains, militaires et financiers qui peuvent lui poser problème. Aussi, la Turquie partage des frontières avec l'Irak et la Syrie mais demeure imperturbable face à la déferlante terroriste de l'Etat islamique qui avance en territoire syrien sans grande difficulté, semble-t-il. Ce qui fait croire que l'Occident trouve à la fois en Daech un ennemi qui menace ses intérêts en Irak mais qui peut constituer une solution de remplacement à une opposition syrienne divisée et incapable d'accomplir sa mission de chasser Bachar al-Assad du pouvoir. Toutefois, il ne faudrait surtout pas oublier un autre acteur clé dans ce jeu des équilibres, dont la survie et la sécurité d'Israël demeure une des principales préoccupations de son protecteur américain. Il s'agit de l'Iran qui a su s'imposer comme un interlocuteur indispensable dans la gestion de la crise syrienne et le chaos irakien, tout comme il est au centre du jeu au Yémen et au Bahreïn. Ceci sans oublier l'influence qu'il a au Liban avec son soutien au Hezbollah libanais (chiite) qui combat en Syrie aux côtés de l'armée loyale au régime de Damas. Loin de la diplomatie officielle et des feux des projecteurs des médias, Téhéran a son mot à dire concernant notamment l'intervention militaire internationale contre Daech en territoire syrien. En Irak, où la mise en place d'un nouveau gouvernement dit d'union nationale a balisé déjà le terrain pour cette coalition internationale, les Américains viennent de recevoir l'appui de la France, qui a entamé depuis vendredi les premières frappes aériennes contre les positions de l'Etat islamique. Désormais, c'est en Syrie que les choses s'annoncent compliquées. Bachar al-Assad est redevenu à l'occasion fréquentable pour pouvoir organiser la chasse aux terroristes de l'Etat islamique, bien qu'il ait conditionné d'éventuelles frappes contre les positions de ce mouvement en territoire syrien par sa consultation au préalable. Car, il n'y a rien qui garantit à Al-Assad que les Etats-Unis ne s'en prendraient pas à lui, sous-couvert de lutte contre Daech. Mais les informations qui ont fait état de frappes aériennes russes en Syrie, en signe de partage du «fardeau» de la lutte contre Daech dans la région, changent la donne et éloignent la perspective d'une tentative américaine de chasser le régime de Damas sans avoir besoin de passer par le Conseil de sécurité. D'autre part, les Occidentaux, qui soutiennent l'opposition armée syrienne, sont-ils sûrs que Moscou ne procèderait pas à des attaques ciblées contre les fiefs de l'opposition dite modérée au régime de Damas, tout en sauvant Al-Assad du danger islamiste de Daech ? Autant de paramètres que les analystes prennent en considération pour comprendre le rôle de tout un chacun et l'issue de cette nouvelle crise qui semble être partie pour durer encore quelques années. C'est parce que la menace terroriste de l'Etat islamique risque de déborder vers d'autres pays. La question du retour des ressortissants européens, africains, américains, canadiens, australiens et sud-asiatiques dans leurs pays, avec l'intention de commettre des attentats terroristes, inquiète les responsables politiques et militaires de ces pays. Il suffit d'opérer un petit tour d'horizon dans les médias pour comprendre l'ampleur d'une telle menace. Les attentats déjoués et les personnes arrêtées ces derniers jours dans plusieurs capitales européennes sont autant d'indices sur la difficile lutte contre Daech et ses relais. L. M.