La fête de S'biba, célébrée à chaque Achoura par la population de Djanet dans la wilaya d'Illizi sera classée, en novembre prochain, patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco, a annoncé, samedi dernier à Mascara, le directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah), Slimane Hachi. Il a expliqué à ce sujet que «le Cnrpah a été chargé par le ministère de la Culture du suivi du dossier du patrimoine culturel immatériel algérien remis l'année dernière à l'Unesco. Un dossier complet sur la S'biba qui a été étudié par cette agence spécialisée relevant de l'ONU. Il est attendu une réponse positive qui sera annoncée en novembre prochain». Par ailleurs, M. Hachi, qui conduit ces derniers jours une mission d'archéologues sur le site de l'homme primitif de Tighennif dit «Homme de Palikao», a indiqué que le Cnrpah élabore actuellement un dossier pour le classement du couscous, plat maghrébin, au patrimoine immatériel mondial. Concernant le rituel de la S'biba, il est à noter que, depuis des années, les associations locales qui œuvrent à la transmission de ce legs culturel de génération en génération, avaient déposé un dossier complet sur la S'biba auprès des autorités compétentes afin qu'elle soit classée au patrimoine mondial immatériel de l'Unesco. Dans l'attente de cette consécration, les associations locales œuvrent sans relâche à respecter le cachet authentique de ce rituel festif millénaire. La S'biba est une fête annuelle qui est un rite ancestral intimement lié à l'histoire des ksour Mihane et Azelouaz de Djanet, qui ont su préserver à travers les générations le patrimoine culturel ancestral, dont les poèmes Tissiway ainsi que les chants et les danses traditionnels targuis. Lors de cette fête séculaire, les femmes déclament Tissiway, un chant poétique millénaire, abordant à travers la beauté de ses vers et la richesse de ses métaphores les différents thèmes de la vie et les us et coutumes de la région. Il y a également des poèmes dédiés spécialement à l'éloge de grandes personnalités qui ont marqué l'histoire de la région, sans oublier les joutes verbales toutes en poésie entre les habitants des ksour Mihane et Azelouaz, très prisées lors de ce rituel. La danse est également une composante importante de la S'biba. Ainsi, tel qu'il est de tradition, lors de ce rituel il est organisé une série de danses guerrières sur les rythmes Ganga des tambours et des chants de femmes. Des groupes d'hommes, issus de deux vieux ksour, à savoir Mihane et Azelouaz, parés de leurs plus beaux costumes traditionnels aux étoffes nobles soulignant leur appartenance tribale, célèbrent un pacte de paix conclu entre leurs aïeux. Les femmes font «parler» leurs tambours pour accompagner les guerriers danseurs en entonnant le Tissiway, un chant poétique traditionnel. Selon la légende locale, la célébration de cette fête remonte à l'époque de l'Egypte antique, lorsque le pharaon Ramsès II séjournait dans les environs de la ville de Djanet. Il tyrannisait la population locale. Apprenant avec soulagement la mort par noyade de ce tyran, les habitants de Djanet se rendirent en masse vers Doghia, la place où se déroule la grande cérémonie de la S'biba, pour célébrer la mort de la tyrannie et de l'injustice. Sur le site officiel du ministère du Tourisme, il est précisé que lors de chaque fête religieuse de l'Achoura, les populations se retrouvent pour reconduire le pacte de la paix conclu il y a près de trois mille ans ainsi que pour sceller de nouvelles alliances. À cette époque, régnait une guerre fratricide entre des tribus targuies. Ce n'est qu'en apprenant la victoire de Moïse sur le pharaon qu'ils consentirent à mettre fin à leurs conflits et scellèrent un pacte de paix qui, depuis, les unit. Des exhibitions de combats reconstituant la dernière bataille à la suite de laquelle le pacte de paix a été signé, ont lieu à cette occasion au rythme de chants de femmes entrecoupés de youyous pour encourager les guerriers. Pour rappel, quatre manifestations et expressions culturelles immatérielles nationales ont été classées par l'Unesco. Il s'agit de l'Ahellil du Gourara en 2008, la Chedda tlemcénienne en 2012, du Rokb ou le pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Cheikh, à Labiod Sidi cheikh, El Bayadh, en 2013 et les pratiques et savoirs liés à l'Imzad, le célèbre instrument de musique des touareg également en 2013. S. B.