Clarifions les choses d'emblée. Il ne s'agit nullement de verser dans le «hanounisme». C'est-à-dire, de faire la énième démonstration d'une paranoïa, de plus en plus aiguë, qui consiste, à l'instar de Louisa Hanoune, à voir le complot et les conspirationnistes partout, tout le temps, à propos de n'importe quoi et de n'importe qui. Et, par conséquent, d'accuser au pif et à l'emporte-pièce, surtout de diffamer selon sa bonne humeur et conformément aux analyses fulgurantes du petit doigt de la main gauche trotskyste. Dans le cas d'espèce, d'imputer au Mouvement autonomiste en Kabylie, le MAK de Ferhat M'henni, la responsabilité de la décapitation du Français Hervé Gourdel.Contrairement à la dame du PT, il n'est donc question ici que de politique. De faire de la politique et d'y rester. Ce qui consiste à déconstruire le discours idéologique du MAK, notamment à la lumière de son communiqué au sujet de l'assassinat de l'otage français, sur lequel s'est justement basée l'inénarrable Louisa pour proférer ses graves accusations. Dans ce communiqué, Ferhat M'henni dit beaucoup de choses graves qui méritent l'attention. Il fait d'abord porter «l'entière responsabilité» de la mort du Français à l'Etat algérien, accusé par ailleurs «d'avoir livré la Kabylie à l'insécurité et à l'islamisme dans le but de la sanctionner contre sa volonté d'autodétermination». Il établit ensuite une corrélation entre le fait que la Kabylie ne soit pas indépendante et le rapt d'Hervé Gourdel : l'enlèvement a eu lieu parce que la Kabylie est encore algérienne. En tout cas, c'est ce que l'on saisit des propres termes du chef de l'Anavad, le «gouvernement provisoire» de la Kabylie ! Et, de fil autonomiste en aiguille indépendantiste, Ferhat M'henni en est venu à assimiler les Kabyles aux Kurdes et la Kabylie au Kurdistan ! Pour lui, c'est kif-kif et inversement. Une Kabylie indépendante, c'est, en Algérie, un nouveau Kurdistan qui serait le meilleur allié des Etats-Unis et de l'Otan contre la menace terroriste de Daech. Offre de service anticipéede la part de l'imam de l'indépendantisme kabyle, qui voudrait faire jouer à la Kabylie un rôle futur de harki, au nom de la lutte «internationale» contre le terrorisme salafiste. Propos outranciers, certes. L'on pourrait dire alors, sur la base de ces mêmes mots, «laissons pisser le mérinos» car tout ce qui est excessif est insignifiant. Bien sûr. Mais ne perdons pas de vue que le discours du MAK a évolué pour passer de la régionalisation à l'autonomie avant d'évoquer une séparation de la Kabylie du corps national algérien. On sait que le M'henni, militant culturaliste berbère, combattant des droits de l'Homme, chanteur engagé, talentueux et innovant, n'existe plus depuis longtemps. Il y a longtemps aussi que le politique investi dans la lutte pour la culture et la démocratie est «mort». Le Ferhat M'henni, indépendantiste irréductible n'a plus rien à voir avec le patriote unioniste de naguère. Un nationaliste qui a beaucoup œuvré pour les droits de l'Homme, la culture berbère et la démocratie, trois corpuscules nécessairement insécables en Algérie. On connait désormais le séparatiste devenu ami de l'Etat sioniste d'Israël, de même que le nostalgique assumé de la colonisation française de l'Algérie. Il n'y a pas si longtemps que ça, sous les ors du Palais Bourbon à Paris et devant des députés ultras de l'UMP, glorificateurs de la colonisation, le fils de chahid qu'il est avait alors estimé qu'elle était un simple «détail» de l'Histoire. Au point d'y voir un simple accident. Pis encore, comme un «malentendu». Il l'avait donc justifiée et banalisée, la colonisation. Et de regretter alors ce «malentendu» et de promettre d'agir pour le «dissiper». Il l'avait même daté à partir de la bataille d'Icherridène en Kabylie (24 juin 1857). Ce «malentendu» a pour point de départ Icherridène et pour point final l'indépendance de l'Algérie. Donc, aux yeux de M'henni, même l'indépendance du pays est un «malentendu». Etant donné qu'en 1962, «la Kabylie n'a jamais récupéré sa souveraineté», «transférée» alors par la France coloniale au pouvoir central de l'Algérie indépendante.Il avait trouvé aussi que la France coloniale fut plus clémente à l'égard de la Kabylie que ne l'aurait été le régime algérien depuis 1962. Il l'avait dit d'ailleurs sans ambages : «Ce qui oppose le pouvoir (algérien) à la Kabylie est bien plus lourd que ce qui a opposé la France à la Kabylie depuis 1857 jusqu'à 1962.» Ferhat avait probablement des raisons que la raison historique ignorait. En ramenant la colonisation à une confrontation avec la seule Kabylie, réduite par lui à un simple «malentendu», il avait déraisonné et c'est là un euphémisme politique. Il avait placé de fait la Kabylie en marge du mouvement national algérien. De plus, il avait absout, ipso facto, la colonisation française de tous ses crimes. Et, du coup, ses compatriotes, détenteurs du pouvoir depuis 1962,seraient plus blâmables que les anciens colonisateurs, leurs méfaits politiques étant, à ses yeux, bien plus graves que les crimes de la colonisation. Dans cette logique, la geste héroïque de Fathma N'Soumer et des Cheikhs El Mokrani et El Haddad relèvent d'un «malentendu» à «dissiper». La répression à grande échelle et les crimes des divisions commandées en Kabylie par le maréchal Randon et les généraux Mac Mahon, Renault et Maissiat, sont tout aussi bien un «malentendu». Le jour même, face à des députés qui s'abiment dans le racisme et la xénophobie, Ferhat M'henni avait dérivé encore au gré d'une sémantique excessive. C'est ainsi que depuis l'Indépendance, le régime algérien «agresse, occupe et traite en ennemi» la Kabylie. Où il serait question également d'«ethnocide» et de «génocide» de Kabyles devenus les «nouveaux juifs», à savoir les victimes présumées d'un Exodus à l'algérienne. Ferhat M'henni confirme, une nouvelle fois, qu'il s'abandonne au délirium politique tremens. Dans son esprit, nos compatriotes kabyles, dont il préempte la parole et confisque la représentation politique, les «nouveaux Juifs» sont désormais des Kurdes. Et, de nouveau, le chef de l'Anavad, apologiste de la colonisation française et admirateur de l'Etat sioniste, a «assassiné» Ferhat M'henni d'Imazighen Imoula, de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, du RCD originel, du MCB et de la grève du Cartable de 1994. «Yahya Brisidène», comme il aurait chanté lui. N. K.