Dans son édition du 19 janvier 2012, le quotidien El Watan a publié un article intitulé «Ferhat Mehenni et l'insulte aux martyrs». Aussi, si le droit de réponse est encore en vigueur, je souhaiterais que ma réponse soit publiée. Expurgé des insultes et des noms d'oiseaux dont il m'affuble, le papier se résume à une vanité nationaliste (…) à confronter à la masse des Algériens qui cherchent à fuir leur pays, au fait que même des ministres cherchent à obtenir la nationalité française. L'article a commencé par affirmer que «le chef du MAK a tenu des propos insultants vis-à-vis de la Kabylie et de la guerre de Libération nationale … ». Il a du mal à nommer le président du gouvernement provisoire kabyle, auteur de ce discours lui offrant l'opportunité de crier avec les loups. Il préfère le censurer en le qualifiant de chef du MAK. Or, depuis mai 2010, la présidence du MAK a échu à d'autres personnes et c'est M. Bouaziz Aït Chebib qui en est l'actuel dépositaire. Mon intervention est résumée par ce raccourci : «Ainsi, pour Ferhat Mehenni, la colonisation française et le combat pour l'indépendance nationale, qui a coûté la vie à plus d'un million d'Algériens, n'ont été qu'un malentendu.» Je tiens à rassurer tout un chacun, je ne suis pas un négationniste. Je parle des relations entre la Kabylie et la France et non entre celle-ci et l'Algérie. L'incompréhension entre la France et la Kabylie était si criante qu'elle a été à la base de la guerre d'indépendance de l'Algérie menée pour l'essentiel par la Kabylie et les Kabyles de France. L'histoire finira par leur rendre justice. En continuant de me citer avec cette phrase, «La Kabylie n'ayant pas récupéré sa souveraineté à l'indépendance de l'Algérie, en1962, par formalisme bureaucratique et protocolaire, son dossier a été transféré à l'Etat algérien qui en use et abuse pour éviter de refermer les plaies du passé qui compromettent la construction d'un avenir de solidarité entre nos deux peuples», l'article commente : « a-t-il encore dit sur le ton de la provocation». Où est la « provocation » ? Ce n'est là qu'un fait d'histoire. Libre à d'autres de ne pas l'admettre. Le lourd contentieux franco-kabyle, faute d'émergence d'une Kabylie politique à la fin de la guerre, a bel et bien été transféré à l'Etat algérien qui s'en sert à ce jour comme d'un fonds de commerce qui, au bout de 50 ans, il faut le reconnaître, a fait faillite. Il sera terne le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie et le bilan n'a pas de quoi inciter à parader. Les Kabyles qu'on nie dans leur existence, bafoue dans leurs droits en tant que peuple, réprime, torture et assassine depuis 50 ans, individuellement ou collectivement (1963, 2001) ne se reconnaissent plus dans un pays où pour être acceptés comme des nationaux ils doivent au préalable se renier. Il est ajouté : «Cet aventurier de la politique ira jusqu'à dire que «la Kabylie n'a jamais combattu un peuple ou un pays». Oui ! Les criminels au pouvoir ne sont pas pour vous des aventuriers, car ils ne cherchent pas la liberté des peuples d'Algérie mais leur asservissement. Les artisans du 1er Novembre 1954 étaient, eux aussi, en leur temps, traités d'aventuriers. Ne le saviez-vous pas ? Oui ! La Kabylie n'a combattu que des injustices, des ordres et des systèmes liberticides et iniques. La Kabylie n'a pas livré la guerre contre le peuple français mais à l'ordre colonial. Cependant, la phrase qu'on semble manipuler pour lui faire dire ce qu'elle ne dit pas est la suivante : «Ce qui oppose aujourd'hui le pouvoir algérien à la Kabylie est bien plus lourd que le malentendu qui a pu exister hier entre la Kabylie et la France jusqu'en1962.» L'acteur politique défendant les intérêts de la Kabylie et du peuple kabyle, le président de l'Anavad est dans son rôle en avançant cette formulation. Résumons-nous mieux : Qualifier la parenthèse coloniale de «malentendu» est le propre des responsables résolument tournés vers la construction de l'avenir et non de ceux qui aiment se vautrer dans la douleur du passé. L'histoire ne s'efface pas, elle se dépasse. Ceux qui ont été les héros d'un combat restent pour ce dernier sa fierté éternelle. Mais chaque époque et chaque combat ont leurs héros. Et pour nous, ceux du Printemps noir de Kabylie sont ceux qui méritent aujourd'hui toute notre reconnaissance. De ceux qui sont tombés au champ d'honneur de 1830 à 1962 pour la liberté de notre peuple, nous puisons nos racines les plus puissantes. Les anciens moudjahidine ont toujours notre respect et c'est au régime algérien que s'adressent leurs récriminations de leur inconfort moral et matériel dans une Algérie où des voyous ont confisqué le fruit du combat libérateur. La formule «malentendu» qui exprime cette incompréhension dont a toujours été victime la Kabylie de la part de la France, est un terme diplomatique pour inviter à l'écriture d'une nouvelle page d'amitié et de solidarité dans l'intérêt bien compris de nos deux peuples kabyle et français. Le lieu s'y prêtait à merveille : l'enceinte de l'Assemblée nationale française. Cela fait 50 ans que la guerre d'Algérie est terminée par la victoire des Algériens. Il n'y a plus de raison valable d'entretenir la haine entre nos peuples. La haine est la sous-culture des dictatures et l'ennemie des démocraties. Dès lors que l'Etat indépendant qui s'est substitué à la colonisation a toujours, à l'encontre de la Kabylie, la culture, la morgue et les réflexes du colonisateur d'hier, quoi de plus naturel pour le président du gouvernement provisoire kabyle que de rechercher des alliances pouvant bâtir un avenir de liberté et de respect mutuel ? N'a-t-on pas souvent vu les ennemis d'un jour devenir des amis du lendemain ? Un demi-siècle après la guerre d'Algérie, l'ennemi n'est plus la France mais ceux qui assassinent aujourd'hui nos enfants : le pouvoir algérien et le terrorisme islamiste. - Paris le 20 janvier 2012. M. Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle