Kamel Amghar Le ministère de l'Education nationale, dans le cadre de la réforme du système scolaire, promettait depuis belle lurette de replacer la lecture au cœur de l'acte pédagogique. Lors de la rentrée scolaire de 2011, on a annoncé, en grandes pompes, la réintroduction officielle du fameux devoir de lecture dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Ainsi, chaque élève était supposé lire au moins trois livres durant l'année scolaire (un pour chaque trimestre), en présentant un résumé de l'œuvre lue pour l'appréciation de son enseignant. Il s'agissait d'une charge obligatoire. En son temps, l'entreprise avait apparemment enthousiasmé tout le monde : le corps enseignant, les parents d'élèves, les libraires et les bibliothécaires. Mais quatre années plus tard, rien ne s'est concrétisé de tout cela. À qui la faute ? Pour transmettre ce hobby du livre aux enfants, on doit nécessairement être soi-même un passionné. Or, c'est de notoriété publique, nos instituteurs et nos professeurs des cycles moyen et secondaire, à quelque exception près, ne lisent pas. C'est à peine s'ils feuillettent le journal. Prétextant un emploi du temps surchargé et les aléas de la vie quotidienne, très rares sont les enseignants qui se documentent ou se rendent périodiquement à la bibliothèque de leur établissement. À la maison, on pourrait en dire autant des parents. La télévision et Internet prédominent quasiment dans tous les foyers, avec tous les effets néfastes imaginables. Sans référence en la matière, les enfants et les jeunes, de manière générale, ne trouvent pas facilement le chemin vers le bon livre. Ils ont besoin d'un guide, d'un sage conseiller, d'un connaisseur averti, non seulement pour faire de bons choix mais aussi pour en saisir la saveur et les attraits. En dehors des enceintes scolaire et universitaire, la lecture n'a pas plus la cote, malgré les efforts déployés dans ce sens et les déclarations d'intention des autorités concernées. On doit rappeler, à ce propos, un autre projet louable. Il y a quelques années déjà, l'Etat algérien, sur proposition du ministère de la Culture, avait décidé de doter toutes les communes du pays d'une bibliothèque municipale ouverte à tous les citoyens. C'est le fameux projet «Une bibliothèque pour chaque commune». L'initiative, là aussi, avait suscité un vif intérêt. On a, en effet, érigé des centaines de bibliothèques publiques à travers tout le territoire national. Dans une wilaya comme Béjaïa, on pourrait dire que 80% des communes disposent officiellement d'une bibliothèque. Mais ces espaces, dédiés à la culture, à l'instruction et aux échanges, demeurent curieusement sans vie. Placés sous la houlette des communes, l'animation et la gestion de ces lieux du savoir sont confiés à des fonctionnaires sans aucune compétence dans le domaine. On doit le rappeler, encore une fois, il s'agit essentiellement d'une passion, d'un amour et d'une ferveur à entretenir et à faire partager. On doit être réellement un «fan» pour initier des gens à la lecture et créer cet effet de contagion nécessaire à la socialisation véritable du livre. Ce qu'on produit de mieux en Algérie, en matière de littérature et d'autres œuvres de l'esprit, est plus connu à l'étranger qu'ici. La renommée de nos meilleures revues, l'aura de nos bons auteurs et le prestige de nos artistes -on doit en rougir- se sont faits à l'étranger, au Proche-Orient et en Europe francophone. Pour le dire d'une manière osée et provocatrice : on ne lit pas et ceux qui sont censés nous intéresser à la lecture ne lisent pas, non plus. Voilà le triste constat. K. A.