De ses origines gréco-romaines, le terme «critique», tel qu'usité depuis au moins le dix-huitième siècle, dans le monde de la littérature et des arts, signifie, d'une manière générale, le fait de passer une création intellectuelle, une œuvre de l'esprit, au crible d'un jugement. Autrement dit, la critique est une activité d'analyse et de décryptage, basée essentiellement sur l'intérêt axé sur le domaine des œuvres artistiques. Les historiens de l'art ont retenu Denis Diderot, philosophe français, écrivain et encyclopédiste, comme étant le fondateur de la critique, pour avoir commenté pendant une vingtaine d'années (de 1759 à 1781) les Salons de l'Académie française de peinture et de sculpture. Et donc la critique, en tant que profession, va se développer durant les siècles à venir, au fur et à mesure de l'évolution dans les domaines artistiques et leur prise en charge par les universités et les journaux. À charge, forcément, que l'exercice de la critique se réalise dans l'impératif de l'écriture. Dont l'application à travers les mots met en évidence l'ambition d'aller aux objets particuliers de l'activité artistique. Et cette appétence ne doit en aucun cas sortir de l'exigence de se déterminer, dans l'acte de sa manifestation -l'acte d'écriture- en tant qu'objet particulier aussi. De pouvoir exprimer dans un certain nombre de mots l'essentiel artistique dans une œuvre. D'avoir les capacités intellectuelles, en même temps qu'une érudition spécifique, pour démêler dans un produit artistique la pertinence de sa valeur esthétique. On ne va pas aller chercher la connaissance de la pratique agraire lorsqu'on se penche, par exemple, sur Le Voyeur ou Djinn parce qu'Alain Robbe-Grillet est agronome de formation. Ce sont des œuvres littéraires, et le critique ne doit pas quitter un instant ce domaine de la création esthétique, même s'il lui faut faire des liens intertextuels avec les romans ou des poèmes écrits des siècles auparavant. Et voir par rapport à l'évolution de l'esthétique, de l'art moderne, du nouveau roman, de quelle manière «réaménager» et adapter la critique pour décrypter l'innovation. On parlera de L'Etranger dans la critique de Meursault contre-enquête, du Mythe de Sisyphe s'il le faut. On dira, dans la limite de l'éthique intellectuelle dans l'étude de l'Histoire, que Camus était compris dans la pensée universelle de l'idéologie colonialiste et que Kamel Daoud est de la génération postrévolutionnaire qui veut faire table rase du populisme intellectuel en Algérie. Mais l'on s'en tient aux œuvres, pour situer les niveaux de l'avancée de la pensée esthétique dans une période donnée de l'histoire de la littérature d'expression française qui parle de l'Algérie. On racontera sur El Wahrani, d'un jeune réalisateur algérien vivant en France, et le Crépuscule des Ombres de Mohamed Lakhdar-Hamina - une notoriété académique pour le cinéma algérien. On rigolera sur le prédicateur célèbre qui veut brûler vif le cinéaste novice et sur les approches journalistiques à propos du dernier-né de l'auteur de Chroniques des années de braises. Qui disent qu'il ne sait plus faire du cinéma, des critiques qui cherchent de l'affection de la part des citoyens qui achètent le journal -et qui attendent de l'intelligence. Alors qu'il s'agit d'estimer l'effet que produit un film sur l'ensemble du patrimoine culturel que renferme la conscience d'un être acquis au cinéma. Sinon, alors, quand on ne peut pas dire merci pour ces gratifications artistiques et qu'on a l'impression de rien pouvoir dire de professionnel, de se taire, tout simplement. N. B.