Malik Boumati Assis et adossés au mûr de l'ancien siège du Groupement de la Gendarmerie nationale, au centre de la ville de Tizi Ouzou, les membres de cette famille malienne semblent avoir bien choisi l'endroit. À quelques mètres du portail d'accès de la Maison de la culture, ce couple de réfugiés et leur enfant, âgé d'environ 5 ans, veulent profiter de la fréquentation des lieux pour recevoir le plus d'aide possible. Ils ne demandent rien. Ils laissent les passants à leur guise. Ces derniers savent que ce sont des réfugiés du Nord-Mali qui ont fui leur territoire en guerre. Comme tous les enfants de son âge, leur petit bouge beaucoup. Il semble insouciant. Il ne sait peut-être pas que la situation de sa famille est dramatique. À sa droite, sa maman, un voile marron sur la tête, ne parle pas beaucoup. Sa main constamment tendue, elle échange quelques mots de temps en temps avec son époux. Rien de plus. L'homme, la main tendue lui aussi, ne parle pas beaucoup, mais c'est à lui qu'échoit la mission la plus «entreprenante», celle de suivre les passants du regard pour leur demander l'aumône. À côté de lui, une couverture toute neuve et sous emballage. Un habitant de la ville l'a offerte à cette famille pour affronter la rigueur de l'hiver. Depuis quelques mois, les citoyens de Tizi Ouzou les voient tous les jours dans certains endroits de la ville. Le plus fréquenté reste ce qu'on appelle «le carrefour du fleuriste», sis à la nouvelle ville. Un lieu stratégique fréquenté déjà par les réfugiés syriens à leur arrivée en 2012. C'est en fait le seul carrefour où les feux tricolores régulant la circulation automobile fonctionnent normalement. Et les réfugiés profitent de l'arrêt des automobilistes pour demander de l'aide. Avec le temps, les réfugiés syriens ont changé de tactique. Au lieu de demander l'aumône, ils proposent à la vente certains articles comme des paquets de mouchoir en papier. C'est plus digne. Les habitants apprécient le geste et ça les encouragent à renforcer leur solidarité avec les réfugiés. Surtout que devant eux, il n'y a pratiquement que des femmes et des enfants. C'est triste. Cela les attriste, mais, pour eux, c'est aussi une belle leçon qui les fera réfléchir par deux fois avant de se lancer dans cette aventure meurtrière qu'on appelle «printemps arabe». La solidarité avec les réfugiés syriens ou subsahariens, maliens et nigériens particulièrement, se voit à l'œil nu dans la ville des genêts. Mais il est vrai que la solidarité et la générosité ne se chantent pas sur tous les toits. Contrairement au racisme et à la haine de l'autre, portés par une minorité insignifiante, tellement invisible qu'elle se sent obligé de gesticuler pour se faire remarquer. Tellement incommodée par l'hospitalité et la générosité de la majorité écrasante de la population locale. Une générosité toujours discrète devant le brouhaha du petit apprenti raciste qui oublie qu'à des moments de l'histoire de notre pays et de notre peuple, les habitants de plusieurs pays se sont mis à nos côtés. Mais ce petit être n'aime pas trop son isolation dans la société, d'où sa propension à faire du bruit. Beaucoup de bruit pour rien. Les autorités de wilaya ont procédé récemment à l'ouverture, en catimini, d'un centre de transit pour accueillir les ressortissants nigériens en situation irrégulière et les «aider à regagner leur pays dans la dignité». Seuls nos confrères de l'APS ont eu vent de l'information. Mais si le cas des Nigériens semble résolu, les Syriens et les Maliens de l'Azawad sont encore incapables de regagner leurs pays respectifs en proie à une violence dévastatrice. En Algérie, ils peuvent toujours compter sur la solidarité de la population. À Tizi Ouzou, l'hospitalité et la générosité des habitants de toute la wilaya n'est plus à démontrer et les réfugiés de ces deux pays se débrouillent comme ils peuvent avec l'aide des habitants. En attendant que les autorités mettent à leur disposition un endroit qui les protégerait des affres de la saison hivernale. Le centre ouvert pour les Nigériens peut les accueillir jusqu'à la fin de l'hiver ou jusqu'à la fin de la guerre qui dévaste leurs pays. M. B.