Le président de la République qui n'a pu effectuer qu'une révision minime du code de la famille car sujet à polémique, a décidé d'instaurer des lois pour ouvrir certaines portes aux femmes, les protéger de la violence et préserver leur dignité même si cela n'offre toujours pas à la femme son droit d'être autonome, de décider et de mener sa vie en toute liberté. Car, son statut juridique fait d'elle, une mineure à vie. Aujourd'hui encore, la femme rencontre des obstacles à la participation politique, sans parler des mariages forcés, et des crimes d'honneur dans certaines régions. Faut-il encore parler, malheureusement, du calvaire au quotidien de nombreuses femmes qui subissent le harcèlement. Une femme ne peut pas circuler seule et tranquillement dans les rues après une certaine heure, sans se faire importuner, sans être mal vue, sans ressentir tous les regards malveillants peser sur elle. Elle doit obligatoirement être escortée par un «mâle». Cette réalité est confirmée par une enquête menée en juin dernier par la Fondation algérienne pour la promotion de la santé et de la recherche (Forem) et selon laquelle «une femme sur deux en Algérie est concernée par le harcèlement sexuel». L'étude a été menée pendant le premier trimestre 2014, dans quatre wilayas (Alger, Blida, Guelma, Tipasa) du pays, dans le secteur public (postes, finances, santé) et dans 15 wilayas (Alger, Blida, Tipasa, Boumerdès, Tizi Ouzou, Bouira, BBA, Guelma, Skikda, Biskra, Aïn Defla, Chlef, Tlemcen, Oran et Ghardaïa) pour le milieu universitaire. Au total, 3 227 étudiantes, dont 2 886 Algériennes et 341 étrangères, et 600 employées ont répondu au questionnaire de la Forem. Dans le domaine du travail, 65% des femmes ont répondu être victimes d'un harcèlement verbal et non-verbal, dont les auteurs sont généralement les directeurs dans 30% des cas, les chefs de bureau dans 20% des cas et les agents de sécurité dans 14% des cas. Le spectre du licenciement revient très souvent dans les réponses de l'étude. «Un directeur d'une société demande une relation sexuelle avec une travailleuse au sein de la même structure sous la menace d'expulsion de son travail avec son fiancé», ont rapporté les enquêteurs. Dans le milieu universitaire, 45,11% des étudiantes interrogées affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel contre 37% des étudiantes étrangères. Les auteurs sont les enseignants, les administrateurs et les agents de sécurité. Près de 60% d'entre elles affirment que les enseignants sont les premiers auteurs de ces actes de harcèlement. Selon l'enquête si certaines femmes brisent le silence et saisissent les instances judiciaires compétentes, d'autres, angoissées, se fondent dans la loi du silence. Face à cette situation, le président de la République a décidé de promulguer une loi pour protéger la femme et renforcer ses droits. Il a ainsi été décidé d'aggraver les sanctions contre l'époux coupable de violence contre sa conjointe, celui qui abandonne son épouse ou encore l'auteur d'agression sexuelle et celui coupable de violences attentatoires à la dignité de la femme dans des lieux publics. Selon la loi, des sanctions sont prévues maintenant contre «l'époux coupable de violence contre son conjoint ayant entraîné une incapacité temporaire, un handicap permanent ou une amputation». «L'abandon de l'épouse enceinte ou non» est également sanctionné par la loi. De même que «les pressions ou intimidations visant à priver l'épouse de ses biens». Dans toutes les situations évoquées ci-dessus, les poursuites sont abandonnées si la victime décide de pardonner à son conjoint. La loi énonce des sanctions à l'encontre de l'auteur d'agression sexuelle contre la femme. Ces sanctions sont aggravées si le prévenu est un parent de la victime ou si celle-ci est mineure, handicapée ou enceinte. Mieux encore, «les violences attentatoires à la dignité de la femme dans des lieux publics» seront dorénavant punies par la loi. Dans le même sillage de la protection de la femme et comme annoncé par le chef de l'Etat, le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée mondiale de la femme, il a été décidé de créer un fonds de pension alimentaire qui interviendra en cas de carence du père ou de l'ex-époux, constatée par voie judiciaire, à verser la pension alimentaire allouée aux enfants ou à la femme divorcée. Cette dernière a également droit au logement si elle a la garde d'au moins trois enfants. Le chef de l'Etat a également, en modifiant le code de la famille, reconnu à la femme le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants nés de mariages avec des étrangers. Il a, par ailleurs, restreint la polygamie en la limitant à des cas précis tels que le handicap de la première épouse ou son incapacité à procréer, et en la soumettant à l'autorisation d'un juge après consultation de la première épouse. La réforme du code de la famille a supprimé l'obligation aux femmes mariées d'avoir une autorisation de sortie du territoire signée par l'époux. Elle a instauré également la possibilité aux femmes divorcées de signer l'autorisation parentale de sortie du territoire pour leurs enfants pour qu'ils puissent voyager à l'étranger, alors que seul le père pouvait émettre cette autorisation auparavant. Les amendements du code de la famille et la nouvelle loi qui bannit la violence contre les femmes sont certes des avancées considérables pour la femme algérienne, mais le plus dur reste à faire : éduquer la société et changer les mentalités afin que la femme qui est la mère, la sœur, la fille ou l'épouse, soit respectée. Car aujourd'hui encore le «bourrage» des crânes se poursuit. Cela est le cas même dans les mosquées où un imam a hurlé et répété dernièrement dans un prêche du vendredi «la place de la femme est à la maison». Manière de dire que celle qui «ne respecte pas cette règle ne doit pas être respectée!» H. Y.