Le deuxième et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila prendra fin en 2016. Mais l'incertitude demeure sur l'avenir politique de la République démocratique du Congo (RDC) plutôt que sur celui de ce jeune chef d'Etat de 41 ans, au pouvoir depuis 2001, suite à l'assassinat de l'ancien président Laurent-Désiré Kabila, son défunt père. Kabila, le fils, croit fermement être l'homme providentiel pour sauver Kinshasa d'une nouvelle tragédie. Tourner définitivement la page de la deuxième guerre du Congo (1998-2003). Et il ne lésine pas sur les moyens pour convaincre les Congolais de fermer les yeux sur son projet de révision constitutionnelle qui lui ouvrira la voie vers un troisième quinquennat. Accusé de favoriser le développement de Kinshasa et des localités alentours, au détriment du reste des provinces du pays, Kabila tente depuis deux ans de s'appuyer sur une partie de l'opposition pour faire entendre un autre discours. Pourtant, la réalité est là pour le rattraper à chaque fois. Les acteurs de la société civile, qui ne demandent rien d'autre qu'un partage équitable des richesses et une meilleure prise en charge des populations isolées, sont constamment sur le pied de guerre pour riposter aux discours rassurants d'un Président à la recherche d'une caution extérieure pour rester au pouvoir. Cette caution extérieure est tout ce qui lui manque pour forcer le destin. Mais il ne l'a pas. Les Etats-Unis, sur lesquels Joseph Kabila comptait, ont ouvertement affiché leur opposition à tout projet de modification de la première loi de la RDC. Surpris par une telle position, M. Kabila a fait mine de fermeté, rejetant toute ingérence étrangère, qu'elle soit onusienne ou américaine, dans les affaires internes de son pays. Joseph Kabila sait qu'il est assis sur un siège éjectable, que son pays est incapable de faire face à une nouvelle guerre civile. La preuve lui a été donnée en 2012-2013 avec le déclenchement d'une nouvelle rébellion dans l'est du pays, sous la conduite du Mouvement du 23 mars (M23). Le M23 allait gagner davantage de terrain n'était ce l'intervention de la force armée de la Mission de maintien de la paix onusienne (Monusco), qui a sauvé le pays d'un nouveau génocide dans le Nord-Kivu. La défaite du M23 en novembre 2013, grâce à l'aide de l'ONU, a offert une chance à Joseph Kabila pour jouer la carte de la réconciliation, sous la médiation de l'organisation régionale des Grands-Lacs (Cirgl). Assuré du soutien de l'ONU, qui rejette l'amnistie des rebelles soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, le chef d'Etat congolais a toutefois été contraint d'accepter certaines conditions du M23, comme l'intégration de certains leaders de ce mouvement dans le jeu politique à Kinshasa et des places au reste de ses éléments au sein de l'armée congolaise. Mais Joseph Kabila doit, par ailleurs, convaincre ses gouvernés qui ne sont pas prêts à oublier les violences dont ils sont régulièrement victimes. Pis, de nombreux acteurs de la société civile et des partis politiques influents dans le Nord-Kivu estimant que ce processus de paix et de retour des rebelles à une vie normale est une supercherie. Une solution aux effets limités. Le développement socioéconomique de leur province constitue pour eux le seul remède à ceux qui sont tentés d'intégrer ces groupes qui infestent l'est congolais. Sur le plan externe, la RDC a plus d'ennemis dans le voisinage que d'amis. L'instabilité dans le Nord-Kivu a été rendue possible avec l'implication directe et indirecte du Rwanda voisin, dont le chef de l'Etat, Paul Kagamé, continue de nager en eaux troubles, en proposant la semaine dernière l'asile politique à près 560 rebelles du M23, alors qu'en Ouganda se tenait une nouvelle rencontre du Cirgl pour discuter de la situation en RDC et des avancées du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion des éléments de ce mouvement. Le sommet de la Conférence internationale des Grands Lacs (Cirgl), tenu à Kampala le 6 décembre dernier, avait aussi pour objectif de poursuivre les discussions sur la question du rapatriement de ces 560 rebelles, actuellement présents en territoire rwandais. La sortie de Kigali n'a rien d'innocent et ce n'est sûrement pas par élan de générosité que Paul Kagamé propose l'asile politique à ces rebelles, sous prétexte que Kinshasa trainait des pas pour les rapatrier au pays. Certes, l'ONU n'a pas mâché ses mots en accusant ouvertement Kigali de déstabiliser Kinshasa et, avec, le jeune régime de Joseph Kabila, mais la communauté internationale n'a pas été jusqu'à l'adoption des sanctions qui auraient probablement fait renoncer au Rwanda la poursuite de son jeu malsain en RDC. L'Ouganda n'est pas exempt de reproches, car il abrite des groupes armés qui s'infiltrent régulièrement en territoire congolais pour commettre les pires tueries contre les civils isolés dans les régions frontalières. Le dernier massacre en date a été perpétré à Béni, dans l'est du Congo, où près d'une quarantaine de villageois a été massacrée par les Forces démocratiques alliées ougandaises, portant ainsi le nombre de victimes à 250 en l'espace de deux mois. Confronté au refus d'une partie des Congolais et des capitales occidentales de briguer un troisième mandat, mais aussi pressé par les tentatives répétées de déstabilisation sécuritaire de la part de ses voisins, Joseph Kabila a donc tenté un autre coup de poker ce dimanche, en installant un nouveau gouvernement de cohésion nationale. Cela lui suffira-t-il pour regagner la confiance de son peuple pour faire passer son projet de révision constitutionnelle ? Il a encore quelques mois devant lui pour abattre ses dernières cartes. L. M.