Le litige entre la compagnie nationale Air Algérie et la société néerlandaise K'Air BV est loin de trouver son épilogue. Chaque jour, de nouvelles versions sont données sur le contrat qui a lié les deux entreprises et dont la résiliation a amené à la saisie d'un avion d'Air Algérie par la justice belge. En fait, les deux sociétés se renvoient les accusations, ce qui démontre qu'il y a un cafouillage monstre dans la gestion de ce dossier. Ainsi, après un premier communiqué de la compagnie nationale suivi par la décision de l'Etat de rappeler ses ambassadeurs à Bruxelles et La Haye pour consultations et la version des faits avancée par le P-dg de K'Air, Hamid Kerboua, voilà qu'Air Algérie décide de «recommuniquer» pour riposter aux accusations de M. Kerboua. Dans un communiqué rendu public quelques heures seulement après l'intervention de M. Kerboua sur un journal électronique, Air Algérie a affirmé que la somme de 2 millions de dollars, réclamée par la société néerlandaise K'Air ne constituait pas une caution. «Les sommes de 500 000 dollars et de 1 500 000 dollars représentent les deux échéances qui devaient être honorées par la société K'Air BV, au titre du contrat la liant à Air Algérie, respectivement 7 jours suivant l'acceptation de l'offre et 15 jours suivant la signature du contrat de vente», a souligné Air Algérie. «La somme de ces deux montants, soit 2 millions de dollars, ne constitue pas une caution et ne peut tenir lieu de caution. La caution n'étant pas prévue au contrat de vente», précise encore la compagnie ajoutant que K'Air BV avait essayé de justifier, dans son courrier du 10 février 2010 adressé au P-dg d'Air Algérie de l'époque, ses difficultés d'honorer ses engagements financiers par la crise financière mondiale qui avait touché le secteur de l'aviation, notamment les avions d'ancienne génération. Sur ce point, le P-dg de K'Air BV, cité par la presse électronique, avait indiqué que le contrat d'une valeur de 13 millions de dollars signé par sa société avec Air Algérie, le 6 juillet 2008, pour l'achat d'avions, de moteurs et de pièces détachées retirés de la flotte vieillissante de la compagnie nationale «prévoit le versement d'une caution d'un montant de 2 millions de dollars par la compagnie néerlandaise, au titre d'avance sur l'exécution du contrat». Il a expliqué que «c'est cette somme qui fait aujourd'hui l'objet du litige entre les deux compagnies». Revenant sur les raisons qui ont amené Air Algérie à résilier de manière unilatérale le contrat, le P-dg de K'Air a affirmé qu' «Air Algérie se devait de remettre toute la documentation technique ‘‘back to birth'' (depuis le début de vie) relative aux appareils de la compagnie. Or, la compagnie nationale a longtemps tergiversé et refusé de remettre les documents en question». Ce responsable qui a expliqué que «les banques ont refusé les demandes de crédit de K'AIR parce qu'elles exigeaient les documents techniques des avions pour accorder les financements», a affirmé qu'«Air Algérie est, en réalité, dans l'incapacité de fournir cette documentation». Confiant dans ses «accusations», le P-dg de K'Air a même avancé la preuve en citant «un procès-verbal de la commission de vente de la compagnie Air Algérie, datant du 16 juin 2008» et selon lequel Air Algérie aurait, dans sa réponse à une autre société, affirmé que «cette demande est difficile, voire impossible à réaliser étant donné l'ancienneté des avions et leur date de retrait de la flotte». Face à ces accusations, Air Algérie affirme qu'il ne s'agit-là que «d'allégations» et précise qu'«au sujet de la non transmission de la documentation technique par Air Algérie, cette allégation n'a aucun fondement contractuel étant donné que le contrat de vente ne prévoit pas une obligation de remise de document technique ‘‘back to birth'' (depuis la première mise en exploitation)» mais «bien au contraire, ledit contrat de vente en ses articles 1 et 10 stipule clairement que la vente des avions et de leurs équipements sont acceptés par l'acheteur en l'état (As is, where is)». Les difficultés rencontrées par la société K'Air BV pour obtenir les crédits auprès des banques en vue de remplir son engagement contractuel envers Air Algérie «ne peuvent être expliquées que par la non solvabilité», indique encore le communiqué d'Air Algérie, qui n'a pas manqué de souligner à la fin que «conformément aux procédures légales, Air Algérie a engagé un recours en annulation qui n'a pas encore été tranché». Il est à relever que dans les accusations, par presse interposée, que se jettent les deux parties en litige, il y a beaucoup de zones d'ombres. En effet, dans leurs réponses, Air Algérie et K'Air, à titre d'exemple, confirment que la somme de 2 millions de dollars -qu'elle soit considérée comme caution ou traite- a bien été versée par la société néerlandaise mais aucune des deux sociétés ne précise si le contrat prévoit le non remboursement en cas du non respect de l'engagement par l'une des deux parties. Il faut aussi dire que même si le contrat de vente stipule clairement que la vente des avions et de leurs équipements sont acceptés par l'acheteur en l'état (As is, where is), cela n'empêche nullement la présentation de la documentation technique «back to birth», surtout si cela est d'usage dans ce genre de vente. Ce qui pourrait laisser penser que, dans ce contrat de vente, en plus des closes inscrites noir sur blanc, des engagements verbaux ont été pris par les deux parties. Car, il est difficile de croire que la société K'Air s'est engagée à acheter un matériel auprès d'Air Algérie, qu'elle ait versé 2 millions de dollars avant de vérifier l'ensemble des documents liés à ce contrat. Rappelons qu'un avion d'Air Algérie, assurant la liaison Alger-Bruxelles, a été saisi le 12 décembre dernier à l'aéroport de Bruxelles sur décision de la justice belge. La saisie fait suite au litige qui oppose Air Algérie et la société néerlandaise K'Air. Ce litige concerne un contrat de vente d'appareils réformés signé le 6 juillet 2008 par les deux parties. K'Air BV «n'est pas parvenue à mettre en place le financement tel que prévu en dépit des facilités qui lui ont été accordées», selon Air Algérie qui après mise en demeure pour faute d'exécution, a procédé le 29 décembre 2009 à la résiliation de ce contrat de vente. Le 17 mars 2011, la société néerlandaise a engagé une procédure d'arbitrage auprès de la Cour internationale d'arbitrage qui a rendu, le 31 mars 2014, une sentence condamnant Air Algérie. La compagnie nationale a, alors, interjeté le 7 mai 2014 un recours en annulation contre cette sentence. Mais «en dépit de la procédure légale engagée par Air Algérie, la société K'Air BV a fait procéder par la justice belge à la retenue de l'appareil». Dimanche dernier, les ambassadeurs de Belgique et des Pays-Bas à Alger ont été convoqués au ministère des Affaires étrangères. La veille, les ambassadeurs d'Algérie auprès du Royaume de Belgique et du Royaume de Hollande ont été «rappelés à Alger pour consultations». H. Y.