Décédé la semaine dernière d'un arrêt cardiaque dans un établissement de santé parisien, sa mort passe mal auprès de l'opinion et continue de susciter des réactions, nombreuses, dubitatives et interrogatives. D'un point de vue légal et médical, l'ancien wali d'Annaba, Mohamed Mounib Sendid est mort de mort naturelle. On en serait resté là, à ce constat ordinaire, si le défunt commis de l'Etat n'avait pas eu la malchance d'être désigné à la tête de l'Exécutif d'une wilaya qui voit sa beauté et le charme de ses sites enchanteurs lui être disputés et ternis par des affaires sulfureuses en série. En particulier celles liées au foncier et à l'immobilier convoités sans relâche par une faune d'affairistes crédités d'une grande puissance et d'un pouvoir d'influence et de nuisance équivalents. Le phénomène n'est pas propre à la seule wilaya d'Annaba, mais c'est là qu'il a eu le plus à défrayer la chronique par la détermination réussie de vautours sans foi ni loi à soumettre les lois de la République à leurs desiderata. Que le défunt wali ait eu à subir leurs assauts de ces carnassiers et à n'avoir pas pu toujours les contenir, l'affaire paraît entendue. Qu'ils aient pu, à un degré ou un autre, aggraver l'état pathologique de M. Sendid, la détermination des causes de son décès ne peut pas être laissée au seul pouvoir d'appréciation de l'opinion. Mais le fait, avéré, incontestable et intolérable, est qu'une mafia du foncier et de l'immobilier sévit et nuit à Annaba où des fortunes colossales se bâtissent en un tournemain par la magie des passe-droits et des «recommandations influentes». Tout comme à Alger, du reste, ainsi dans d'autres chefs-lieux à fort potentiel d'urbanisation et construction...en violation et au mépris de toutes les règles d'urbanisme. Si enquête il devait y avoir, comme le demandent sensément des responsables politiques de l'opposition, elle doit être globale et aller au fond des choses. Par-delà les déboires qu'a dû subir le regretté Mohamed Mounib Sendid, du fait de réseaux mafieux au cœur des scandales fonciers à répétition, il s'agira de situer avec courage et précision les causes du délitement d'une machine administrative domestiquée et rendue incapable d'accomplir ses missions réglementaires. C'est là qu'il y a dire et le cas d'Annaba ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Il suffit d'observer à l'œil nu, in situ, le métier de mafieux s'exerce à ciel ouvert et s'expose, provocateur, au regard des citoyens. Alger n'a rien à envier en la matière aux frasques qui éclaboussent périodiquement la coquette. Dans le temps, dans la capitale politique du pays, les «dépassements» se faisaient dans la discrétion, on y mettait les formes. Désormais, les bulldozers à ramasser par pelletées géantes le fric écrasent les lois au nez et à la barbe de responsables qui détournent le regard et assument la forfaiture. A Bir Mourad raïs, au quartier Les Sources, plus bas à Birkhadem, sans considération pour les droits des riverains, des bâtiments surgissent en vertu d'autorisations administratives totalement illégales. Comment, dans ces conditions, attendre d'une localité comme Touggourt, perdue dans les sables des portes du désert, qu'elle échappe à l'accaparement outrancier et au sang de la protestation et de sa répression ? La mort du wali d'Annaba se décline dans l'intitulé comme un célèbre film des années 50 dans l'Espagne franquiste. La mort d'un cycliste, un classique du réalisme social dans le cinéma réalisé en 1955 par Juan Antonio Bardem, est une violente satire des mœurs sociales et politiques d'une bourgeoisie plus soucieuse de (fausse) respectabilité que d'un respect a minima de la vie humaine et des lois. L'aristocrate bourgeoise et adultère qui tue avec sa voiture un pauvre passant, refuse de se dénoncer malgré l'insistance de son amant pour une simple question de statut social. La crainte de la justice, elle s'en balance, elle sait que les lois ne s'appliquent pas à sa caste. A. S.