Les prophètes, ni les philosophes, n'ont pas inventé les vertus. Elles existent depuis la nuit des temps. Depuis que l'homme s'accommode à vivre avec autrui. Dans sa caverne lorsqu'il allume le feu pour réchauffer sa famille et cuire le poisson qu'il a pêché ou la petite bête qu'il a chassé. Mais s'il l'a bien fait en réussissant une bonne quantité de poisson ou une proie beaucoup plus conséquente, il n'hésite pas à faire offrande d'une partie à la caverne qui n'a pas eu la même chance. Mais qui possède suffisamment de bois pour en offrir à une autre caverne, dépourvue. Puis, les hommes sortent de la caverne parce qu'avec leurs semblables, dans la somme des connaissances accumulées dans le groupe, ils ont appris à fabriquer leur maison. Et, les uns et les autres, se partagent, alors, les tâches pour s'approvisionner des moyens et matériaux nécessaires à la bâtisse. Ensuite, ils vont s'occuper à mettre au point les objets utiles pour remplir leurs maisons et quand ils fixent des endroits pour travailler ils confectionnent les outils appropriés pour les tâches en rapport. Cette pratique, ils la font régulièrement, chaque jour de l'année, pour se renouveler et reproduire les moyens de leur renouvellement. C'est ce que dans les termes de la modernité on appelle la fonction sociale. Qui se réalise selon la méthode admise depuis des siècles que l'individu repose sur le groupe et que la valeur de ce dernier s'appuie sur l'apport de chacun, de par ce qu'il réalise dans le rôle qui lui est attribué. Et tout le monde, nommément, en tant que responsable d'une action sociale, est comptable devant la communauté, de son échec ou de sa réussite dans la tâche. Ainsi, les hommes évoluent en agissant sur le monde, du plus proche, leurs territoires «domestiques», intimes, les patries, au plus lointain, quand ils sont tenus d'agir avec les autres sociétés, dans des environnements différents. Mais les individus, quels que soient les types d'organisation et les degrés d'avancement dans les patrimoines de savoirs et de connaissances, n'évoluent pas, respectivement, de la même façon. Les uns sont dans les principes constants de l'échange contractuel, ils répondent plus au moins convenablement aux exigences du procès social, dont beaucoup tirent des profits matériels et statutaires. Tandis que d'autres, pour une raison ou une autre, sont empêchés d'atteindre les stades de la réalisation en mesure de satisfaire la demande sociale. En conséquence de quoi ils ne reçoivent pas la contrepartie contractuelle, rémunératrice, la ressource pour prendre en charge les besoins de leur existence et de leurs familles. C'est-à-dire qu'ils vont occuper les marges les plus dévalorisées dans l'échelle de la société – quand bien même cette frange ne sorte pas des termes des convenances de la loi et du comportement moral. Dans le schéma de la société moderne, qui est structuré d'après les préceptes de la science et de la morale, cette catégorie n'est pas laissée dans sa déperdition, ses enfants abandonnés au sort de la déliquescence du présent et de la désespérance pour le devenir. Beaucoup d'Etats prévoient dans leurs systèmes de gouvernance des dispositions particulières au profit de leurs populations en danger. Ils créent, à partir de leur activité économique, des structures «spéciales» pour aider les plus faibles. De ne pas les laisser mourir de faim, de les soigner, d'envoyer à l'école ou à l'apprentissage leurs progénitures. Mais aucune institution étatique dans le monde, hélas, n'est capable de prendre en charge en permanence et sans faillir les groupes en détresse continuelle. Les peuples possèdent leurs riches et leurs pauvres – dans un même pays des hommes saisissent le jet personnel pour aller voir un match de tennis à cinq mille lieues de leur résidence et d'autres ne possèdent pas le sou pour prendre l'autobus qui emmène vers le centre sanitaire le plus proche. Dans le paradigme de la solidarité Et c'est de ce niveau de comparaison qu'il est judicieux de concevoir la valeur intelligible et pratique du concept de la vertu. Une notion qui existe quelque part dans l'esprit de tout individu qui n'ignore pas que tous les êtres autour de lui représentent les foyers potentiels de n'importe quelle adversité. Qui peut frapper à tout moment, sans crier gare. La richesse comme la pauvreté ne sont pas innées, fatales. Elles ressortent d'un concours de diverses circonstances enchevêtrées – où le mérite a beaucoup à faire évidemment – qui sérient le devenir des individus. Et alors il nait ou il ne nait pas la vertu du don, de la bienfaisance et de la charité. La vertu qui conforte et qui appelle à l'espérance. Toutes les religions, toutes les sagesses, les dogmes, les philosophies, exhortent les hommes au partage, et la plupart traite d'immoral l'individu sain qui s'en écarte. Tous les cultes, toues les pensées civilisatrices incitent à l'amour du prochain. Longtemps avant l'apparition des prophètes cités dans les textes, l'Histoire raconte que des princes sortaient des palais mirifiques de leurs ancêtres pour aller dans les sentiers à la rencontre d'autres hommes afin de s'imprégner de la vérité de l'existence réelle, de l'amour des hommes hors de la valeur de l'opulence. Et au retour dans la vie fastueuse, la conscience du prince agit désormais d'une autre manière sur son comportement vis-à-vis du peuple, occulté de son palais. L'évolution dans le palais n'a alors plus la même consistance. Le luxe n'a plus le même sens du moment qu'ailleurs les hommes sont dans le malheur. Et que le bonheur dans le palais n'est pas bâti sur la sauvegarde des groupes d'individus vivants loin du palais. De par le monde, aujourd'hui, des mentalités s'inscrivent sur cette appréciation de la vie, basée sur le principe que le bonheur de l'être n'est méritoire que dans la mesure où ses actions dans sa communauté participent à ne pas rendre malheureux le prochain. Mieux, autant qu'il puisse être possible, agir pour tracter autrui dans son bonheur. C'est en général ce qui est annoncé par toutes les religions et qui a de tout temps été dans les possibles de toutes les communautés du monde. Emancipée ou non, à la condition que les discours se transmettent dans les échelles de la société pour que les magistères de la vertu puissent se réaliser. Autrement dit, d'année en année, nous parlons de coût du pétrole, pour jauger des limites de notre bonheur, nous parlons argent, sonnant et trébuchant, depuis les responsables du gouvernement jusqu'au travailleur le moins rémunéré. Pendant que nous ne savons pas encore comment gagner de l'argent avec d'autres moyens, essayons au moins, pour garder les plus grands espoirs sur des lendemains moins douloureux pour nos enfants, à organiser notre vie sociale (ou sociétale comme on dit actuellement) sur une philosophie pratique de la solidarité. N. B.