A. samil Au volant d'une voiture, il vous est loisible de conduire sans rétroviseur ou avec un rétroviseur défectueux, mais il est mieux, beaucoup mieux d'en avoir un, et plutôt en bon état. Car, si on peut parer au danger qui vient de l'avant, celui qui vous prend en traitre par l'arrière est plus difficile à contourner. Ce n'est donc pas une raison pour, gouvernant en prévoyant, selon la formule éculée, jeter aux oubliettes les leçons du passé, au prétexte qu'on est pris de la fièvre de l'avenir. Tout en rose et radieux, comme de bien entendu. Ce n'est pas un secret d'Etat, l'année 2014 ne s'est pas terminée sous d'heureux auspices pour l'Algérie, pas plus que 2015 ne s'ouvre sous de meilleurs. Pendant de longs mois, depuis les premières alertes de juin 2014, tout ce que l'Algérie compte d'experts et d'analystes en la matière n'a pas arrêté de mettre en garde contre l'infernale spirale de la chute du prix du baril de pétrole, dont l'Algérie, comme chacun sait, tire 97/98 pour cent de ses revenus en devises. Si bien que certains, surtout ceux qui n'ont pas leur langue dans leur poche, étaient tentés, face à la placidité du gouvernement, de mettre une sourdine à leurs mises en garde pour ne pas passer pour des prophètes de malheur. Voire pour des «patriotes tièdes». Pour obscurcis que puissent être les horizons, il faut cependant souhaiter Bonne Année à l'Algérie. Vous savez, les pays sont comme les êtres humains. Ils ont un destin, sont chanceux ou malchanceux, se jalousent entre eux, connaissent des hauts et des bas... et pourquoi donc 2015 ne serait pas une Bonne Année pour l'Algérie ? Elle a en tout cas plus de raisons de l'être que de ne pas l'être. Même si le pétrole poursuit sa dégringolade et le baril se met (probabilité très forte) à flirter avec les 50 dollars, elle aura la moitié de ses recettes en devises assurée. Ça ira chercher dans les 30 milliards de dollars. Le chiffre peut sembler squelettique quand on est habitué à des matelas de plus de 60 milliards, mais pour des pays qui ont diversifié leur économie, la manne est plus qu'appréciable. Nous voilà justement dans notre Talon d'Achille. C'est connu, quand l'Algérie fut enfantée, sa génitrice, pour la rendre invulnérable, la trempa dans le Mazafran, exceptée la partie du talon par où elle le tint. À cette époque lointaine, dans le Mazafran coulait un pétrole léger et à très faible teneur en soufre. Depuis, tous les oracles, toutes les pythonisses savaient que le Talon d'Achille de l'Algérie, c'était son pétrole. Dire que pendant tout ce temps, avec l'argent du pétrole précisément, l'Algérie aurait pu solliciter les meilleurs orthopédistes du monde, les plus prestigieux bottiers de la planète pour «trouver chaussure» protectrice à son pied atteint d'une faiblesse congénitale et létale. Pour cela, il fallait choisir : vivre dans l'opulence un jour ou se nourrir par soi-même tous les jours. Malheureusement, ou c'était l'un ou l'autre, pas les deux à la fois. Il eût été préférable, finalement, de naître sans talon et de compenser cet amortisseur du pied par son équivalant en talent bâtisseur. On vous le disait, le destin en a décidé autrement et la chance n'était pas au bout du chemin. Cette fois est-elle la bonne ? Paternalistes comme à leur habitude, nos gouvernants nous rassurent sur les projets entamés et le maintien des subventions étatiques aux produits de large consommation et aux carburants. Tout a été dit, sauf l'essentiel : une solution alternative, à court et moyen terme, pour compenser au moins partiellement une perte de revenus pétroliers d'au moins 30 milliards de dollars. A. S.