Merzak Meneceur Le peuple français qu'on disait revenu de tout, désabusé, ringardisé par son pessimisme et sa perte de repères, dépité, abattu par la crise économique et sociale qui dure, a fait du dimanche 11 janvier une journée historique sans précédent. Il s'est soulevé à Paris au cours d'une marche républicaine où la participation a été évaluée à 2 millions de personnes, selon la première estimation, alors que 500 000 autres ont défilé dans des grandes villes de province dans une insurrection républicaine pour rendre hommage aux 17 victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo et de la prise d'otages de la Porte de Vincennes, pour dire non au terrorisme, pour dire nous défendrons la liberté et la démocratie. Il y a des moments de l'histoire où un peuple se révèle à lui-même, redécouvre sa force de résistance, de révolte, d'indignation et de lutte pour la défense des valeurs républicaines. La grande marche républicaine de la Place de la République à la Place de la Nation à dimension mondiale a été ouverte par les familles des victimes, les proches et les survivants, suivis par la première tranche du cortège composée par des officiels, avec à leur tête le président François Hollande et les représentants d'une soixantaine de pays d'Europe, d'Afrique et du monde arabe. 44 chefs d'Etat et de gouvernement et plusieurs ministres des Affaires étrangères, dont celui de l'Algérie, Ramtane Lamamra, ont marché symboliquement quelques centaines de mètres en observant une minute de silence, venus manifester leur solidarité à la France dans l'épreuve qu'elle traverse. Citons l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume- Uni, l'Italie, la Tunisie, la Belgique qui ont délégué leurs chefs de gouvernement. Huit chefs d'Etats africains, le roi de Jordanie, le président de la Palestine, Mahmoud Abbas, des représentants des monarchies du Golfe, le chef de la diplomatie russe et celui de l'Egypte. Des commentateurs, comme des observateurs, n'ont pas manqué de relever la présence de Premiers ministres de pays qui ne respectent pas du tout la liberté d'expression, ou du chef de gouvernement israélien, Netanyahou, qui pratique le terrorisme d'Etat à l'égard du peuple palestinien. Hollande pouvait dire que «Paris est aujourd'hui la capitale du monde» et son ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, souligner que «lorsqu'un pays est confronté à une épreuve, l'amitié et la solidarité sont une force pour réagir». Qu'il est loin le temps des années 90 où l'Algérie affrontait seule les affres du terrorisme du FIS et du GIA qui tuait des centaines d'Algériens par jour pour arriver à des dizaines de milliers de martyrs dans l'indifférence internationale. Après le cortège officiel, place au peuple qui a commencé à marcher à 16 heures passée. Une véritable marée humaine se dégageait de la Place de la République et de ses rues adjacentes noires de monde pour prendre la direction de la Place de la Nation. Des Français de toutes les tendances politiques du pays, de toutes les confessions religieuses, catholiques, musulmans, juifs, ou non croyants, mais aussi des immigrés avec des Algériens en nombre, brandissant le drapeau national, ont marché dans une ferveur républicaine, dans l'émotion et avec un sentiment de solidarité. Silencieuse, la marche était ponctuée par des «Je suis Charlie», «Nous sommes Charlie», «liberté», et par des acclamations nourries en hommage aux victimes du terrorisme. C'est un message de paix et d'unité nationale dans un esprit de fraternité qui a régné tout au long de la manifestation qui a duré jusqu'aux premières heures de la nuit. C'était une mobilisation impressionnante comme la France a rarement, ou jamais, connu dans son histoire. Une mobilisation forte de la population qui a transmis un message que le politique doit prendre en compte. Un évènement historique, une prise de conscience, un sursaut national qui exige que demain sera différent d'hier, que le vivre ensemble devienne réalité, que le terrorisme soit éradiqué, que la lutte contre le racisme, le fanatisme, l'islamophobie et l'antisémitisme soit mieux prise en charge. Le plus grave qui arrivera à la France est que la journée historique du 11 janvier ne soit qu'une parenthèse vite refermée. Que son message d'espoir, de tolérance, de fraternité et de solidarité tombe dans l'éphémère. M. M.