Doit-on crier contre toutes les occasions flagrantes manquées pour le développement national dans un domaine ou un autre ou, alors, hurler sur l'angoisse des questionnements philosophiques qui reviennent à la charge, parce que remettant en cause nos croyances profondes, que nous avons cru définitivement définies et classées dans les volets de la conscience les moins aptes à causer du tort au bien-fondé de la nation et à la bienséance de l'Etat ? Faut-il reprendre la rengaine de l'explication dans le discours de la peur sur tout ? Sur la vengeance, la résignation, le pardon et la fatalité des pertes et profits économiques ? Se remettre à parler de la manifestation de l'émotion dans tous les aspects de son acuité, selon qu'elle exprime les divers sentiments et sensations sur des actes commis par autrui ou par soi-même ? Contre les autres ou contre sa propre personne et ses proches, dans les mêmes environnements de la gratification de la vie ? Mais alors on regarde par la fenêtre et on voit, on observe, dans la rue, des semblables, la plupart très jeunes, qui jettent les pierres contre les policiers, tandis que d'autres les catapultent sur les vitrines. Et on apprend en même temps à travers les canaux audiovisuels et sur les réseaux sociaux de la Toile que d'autres manifestations du même genre se produisent dans des localités lointaines, en milieu citadin ou rural. Les citoyens lèvent des pancartes disant être ou suivre «Mohamed», c'est-à-dire appartenir à la ouma du Prophète et accomplir ses préceptes, tantôt pacifiquement, tantôt avec violence en scandant le refus de la culture de «Charlie» qui persiste à blasphémer le Messager de l'islam ou en proférant les anciens slogans des islamistes virulents nés dans la mouvance du Front islamique du salut. Dont l'intention était d'établir la charia en Algérie, mais dont l'insuccès dans la manœuvre a plongé le pays dans le chaos sanglant durant de longues et funestes années. La nouvelle reformulation de l'Etat à l'avènement de Abdelaziz Bouteflika en 1999 sur le chapitre du recouvrement de la paix, par la procédure de la Concorde nationale, adoptée par référendum, a dans l'ensemble réduit la contestation armée à sa portion congrue, ici et là, dans des foyers isolés de l'agglomération. Malgré le refus d'une partie de la population d'accepter de pardonner aux citoyens ayant participé à la révolte, et que les textes de la loi amnistient, le calme a réussi à s'instaurer sur l'ensemble du territoire. Et les discours ostentatoires sur la pratique de la charia se sont estompés ainsi que les prêches enflammés dans les mosquées. L'autorité de l'Etat donne alors l'impression, à la clôture du deuxième mandat de l'actuel chef de l'Etat, qu'elle contrôle la vie spirituelle de la nation. Et que l'expression de la mosquée ne peut plus échapper à la vigilance du premier commis de la République concerné, en l'occurrence, le ministre des Affaires religieuses – les islamistes sont admis dans l'échiquier politique, ils participent même au renforcement du ralliement au cercle de la Présidence, ils ont des ministres de la République, mais ils ne possèdent pas le pouvoir de sortir du cadre de l'acceptation des principes généraux du régime. La charge du programme présidentiel -en vérité depuis sa prime accession à la magistrature suprême- est cossue dans tous les domaines de l'activité nationale. L'embellie financière aide énormément à prendre des grandes décisions, dont le règlement de la dette nationale par anticipation, et le besoin d'en tirer profit aussi, dans l'élongation du mandat légitime par la nécessité d'un aménagement sur la loi fondamentale sur le chapitre de l'exercice présidentiel. Pour les Assises de l'Education Dans la pratique du troisième mandat, les caisses de l'Etat sont pleines à craquer, mais les investissements nationaux porteurs, qui relancent l'agriculture moderne, l'agroalimentaire et la pratique de l'industrie manufacturière, qui créent les richesses et l'emploi permanents, ne montrent pas le bout de leur nez. Et les partenaires étrangers donnent l'impression de ne lorgner que sur des participations rentables pour leur compte – les Accords de participation avec certains pays de l'Union européenne ont démontré les limites de l'implication des pays industrialisés, qui défendent beaucoup plus les intérêts de leurs transnationales que les soucis de notre essor national, dans l'ambition légitime, avec argent sonnant et trébuchant –plus de 15 milliards de dollars de dividendes perdus en moins de quatre années d'action commune– de parvenir au label algérien et toutes les technologies et le savoir-faire qui vont avec. Les citoyens ne s'en émeuvent pas outre mesure, habitués à la pratique de l'à-peu-près dans les processus gouvernementaux de gérer les projets d'importance stratégique. L'inconscient collectif considère la tare quasiment de la même façon que la dérive contractuelle pour un tronçon de l'Autoroute Est-Ouest ou un escamotage de budget pour un équipement électrique d'utilité communautaire. L'argent de la rente est devenu banal, les divers procédés illicites pour y parvenir sont devenus idoines, les scandales financiers dans le denier public ne font plus sensation et les organes de presse n'en tirent plus les recettes. Quand la raffinerie d'In Amenas a été attaquée, l'émotion nationale était gigantesque dans toutes les cités et les villages du pays, non pas parce qu'une installation de la rente ait été en péril, mais parce qu'elle avait été pratiquée par des éléments qui se réclament de la mouvance islamiste, et tout le profil du retour aux années de malheur qui frappe l'esprit. Dans le même ressentiment, lorsque le touriste français ait été kidnappé et exécuté ou, bien avant, au cours du rapt des diplomates enlevés au Mali. À la période où l'hebdomadaire satirique français, Charlie Hebdo -alors quasiment inconnu des lecteurs algériens d'expression française- faisait les caricatures sur le Prophète de l'islam, les Algériens, n'ont pas spécialement fait cas dans l'ensemble qui en a eu l'écho. C'est dans la semaine qui a suivi le tragique attentat, le rassemblement à Paris et dans les villes françaises, les divers commentaires des journalistes, intellectuels, politiques et personnalités de culture et de spectacle, en sus du retour aux croquis par le même journal et dans le même ton de la parodie, que l'émotion ait pris de la «couleur» en Algérie. La manière dont les manifestants ont agi vendredi passé a été vécu et «apprécié» de différents points de vue -on passe le commentaire psychanalytique sur le «je suis Mohamed», de la déclinaison du verbe en «être» ou «suivre», ou les deux à la fois, selon que Mohamed, par exemple, veuille mettre en avant l'Algérien, le Maghrébin, anciennement colonisé, le fils de Fatma. De but en blanc la majorité s'angoisse des slogans contestataires de la mouvance islamiste radicale du parti de Abassi Madani. Et qui disent que ces «mots d'ordre» dans les rassemblements d'antan conduisaient vers les prémices de la guerre civile des années quatre-vingt-dix. Ensuite il y a une catégorie de citoyens, tout en condamnant les actions de violence contre les édifices, qui soutiennent, du principe de la solidarité coreligionnaire et morale, l'idée de répondre à des provocations inutiles non réprimées par les responsables concernés, à savoir le gouvernement français. Sur la base d'atteinte à des valeurs sacrées, autant que puisse être tout manquement envers des significations communes partagées par des millions de personnes, dans les diverses croyances. Mais beaucoup sont restés «neutres» sur le plan de l'émotion, grave, idéologique. Selon eux les mêmes individus qui ont manifesté, en parlant des jeunes qui on fait du grabuge, auront fait la même chose, placés dans le contexte du stade de foot, ou dans une bagarre pour le leadership de quelque parking de quartier. Pendant que certains ne veulent rien savoir, ils condamnent la classe et la famille. Le rôle des parents et des maîtres d'école. Mais ils parlent de la véritable refonte de l'enseignement, depuis les grandes assises nationales sur l'Education. N. B.