Depuis les attentats au siège parisien de Charlie Hebdo et dans une supérette casher, qui ont fait 17 morts, les Européens cherchent une réponse commune à la menace terroriste qui a été renforcée par l'alerte de la semaine dernière en Belgique. Les ministres européens des Affaires étrangères qui se sont rencontrés lundi dernier avaient déjà affiché leur détermination «à faire tout ce qui est nécessaire pour tenir l'Europe à l'abri de la menace terroriste». Et afin de mieux contrer le phénomène du terrorisme, les Européens ont décidé d'impliquer la Turquie et les pays arabes, dont l'Algérie, dans les actions qu'ils ont décidé de mener très prochainement. C'est ce qu'a annoncé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Cette dernière a déclaré : «Nous préparons des projets spécifiques à lancer dans les prochaines semaines avec des pays précis pour accroître le niveau de coopération en matière de contreterrorisme», ne manquant pas de citer entre autres la Turquie, l'Egypte, l'Algérie, le Yémen et les pays du Golfe. La responsable européenne, qui s'exprimait ainsi avant une réunion des 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE, à laquelle était invité le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, a tenu à préciser que l'UE a aussi décidé «d'une meilleure coordination en matière d'échanges d'informations et de renseignement, au sein de l'UE mais aussi avec d'autres pays : la Turquie, l'Egypte, les pays du Golfe, mais aussi l'Afrique du Nord, l'Afrique et l'Asie». Parmi les actions concrètes immédiates, Mme Mogherini a cité la présence «d'attachés de sécurité dans toutes les délégations de l'UE dans les pays pertinents», afin d'entretenir des «contacts réguliers entre professionnels de la sécurité et du contreterrorisme». Ainsi donc, l'Europe est en train de réfléchir à la constitution d'un réseau européen de responsables de sécurité établi sur pratiquement l'ensemble des continents. Une manière de tenter de contrôler les circuits terroristes dans chaque coin du monde. Mais la question qui s'impose est celle de savoir si les pays arabes vont accepter de voir des responsables de sécurité européens s'installer dans leur pays. Afin de mieux faire passer justement cette proposition, Mme Mogherini n'a pas manqué de parler de la nécessité de «renforcer la coopération avec les pays arabes» car «les attaques terroristes ciblent surtout les musulmans dans le monde, il nous faut donc une alliance, un dialogue pour faire face ensemble». Et d'insister sur le fait que «les premières victimes du terrorisme sont les musulmans et les pays arabes». Mme Mogherini a également plaidé pour le «dialogue et l'alliance pour éviter toute perception d'un choc» des civilisations. Abondant dans le même sens, M. Al-Arabi, le secrétaire de la Ligue arabe, a déclaré que «la lutte contre le terrorisme n'est pas seulement une question militaire ou sécuritaire. Cette lutte, il faut la livrer au niveau intellectuel, culturel, médiatique, religieux. C'est cela que nous tentons». Le challenge de lutter contre le terrorisme reste loin de portée car l'Europe qui se sent menacée vit au rythme des interpellations, des manifestations du mouvement anti-islam Pegida et de multiples actes islamophobes. A cela il faut aussi ajouter la réflexion menée actuellement au sein du groupe des 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE pour renforcer les contrôles aux frontières de l'espace Schengen, la création d'un registre commun des passagers aériens (PNR) et même retirer les passeports ou cartes d'identité des ressortissants européens soupçonnés de vouloir se rendre en Syrie et en Irak. Pour revenir au PNR (passenger name record), son établissement va obliger les compagnies aériennes à transmettre à tout service de police les données demandées sur les passagers qu'elles transportent, alors que le Parlement européen en a fait un étendard de son combat pour la défense des libertés individuelles. Ces questions seront discutées par les ministres compétents, ceux de l'Intérieur, le 29 janvier à Riga, et surtout par les chefs d'Etat et de gouvernement, le 12 février lors d'un sommet consacré à la lutte contre le terrorisme. Plusieurs chefs de la diplomatie de pays de l'UE participeront dès demain à Londres à une rencontre organisée en commun par le Royaume-Uni et les Etats-Unis entre pays membres de la coalition contre le groupe Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak. Avec autant de décisions, l'Europe qui se sent menacée et qui aspire à se défendre du terrorisme, risque à ne pas en douter de retomber dans le «délit de faciès», d'attenter aux libertés des personnes qui portent «le mauvais nom», ou «ont la mauvaise couleur de peau, de yeux ou de cheveux». Ce qui ne fera que renforcer la colère des arabes et des musulmans dont la tension n'est toujours pas tombée après la publication d'une nouvelle caricature du prophète (Qsssl) en Une de Charlie Hebdo. H. Y.