Boko Haram. Un nom qui a fait irruption dans l'actualité par les atrocités, les crimes et la sauvagerie de cette organisation terroriste. Mais, comme pour la fièvre Ebola, on ne s'y intéressera que conjoncturellement, lorsque l'horreur atteint des pics ou que les actes des groupes terroristes menacent des intérêts et/ou des équilibres géostratégiques. Tant que les terroristes africains massacrent en vase clos et tuent d'autres africains, on se contentera de déplorer, condamner et, accessoirement, d'analyser, pour le cas où il faudrait s'y intéresser de plus près. Ainsi, avec l'enlèvement, le 14 avril 2014, d'un grand nombre de lycéennes la ville de Chibok par un groupe de terroristes, que Boko Haram fera parler de lui à travers le monde. On ne sait pas combien de filles ont été enlevées exactement ni leurs âges. Elles sont âgées de 12 à 17 ans et leur nombre exact n'est pas connu à ce jour. On parle de 129, 180, 237, 276 et 257 lycéennes. Qu'à cela ne tienne. C'est une bonne info qui donne du grain à moudre. On se mobilise, on manifeste, on dénonce. Mais on ne s'inquiète pas si les filles ont été violées, torturées ou battues. C'est cette vidéo du groupe terroriste les montrant portant le hidjab qui choque. Etats et ONG multiplieront les appels à la libération des lycéennes pendant quelques temps avant de passer à autre chose. Rien ne sera fait concrètement pour sortir ces filles des griffes de terroristes. D'ailleurs, l'enlèvement, six moi plus tard seulement (octobre 2014), de quelque 60 femmes, dans la même région et par le même groupe terroriste, passera quasi inaperçu. Pourtant, les crimes de Boko Haram ont fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés au Nigeria depuis 2009, selon des estimations. Les centres d'intérêts se sont déplacés. Il y a la menace sur l'Occident de l'EI, plus forte que celle de Boko Haram confiné dans une région africaine et le pétrole et la Grèce qui font parler d'eux. Boko Haram et ce qui se passe en Afrique, hormis les bonnes nouvelles économiques, ne font plus recettes et passent au second plan. La situation sécuritaire en Afrique ne reviendra dans l'actualité que lorsque l'organisation terroriste intensifiera ses attaques et lancera une offensive d'envergure, début janvier dernier, occupant des territoires entiers au Nigeria et menaçant les frontières du Niger, du Cameroun et du Tchad qui s'impliquent militairement dans la lutte contre le groupe terroriste, et enregistre des succès. Le Niger lui emboîte le pas et devra voter, lundi prochain, l'envoi de troupes au Nigeria. Cette annonce intervient au moment où l'armée tchadienne menait une offensive terrestre à partir du Cameroun, repoussant et neutralisant les combattants de Boko Haram. L'évolution de la situation dans cette région de l'Afrique ainsi qu'en Libye, la persistance de la menace de l'EI et la multiplication des risques d'attaques terroristes dans le monde sont maintenant liés et constituent le point de convergences de tous les efforts. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al Arabi, a ainsi appelé, jeudi dernier au Caire, à une lutte globale contre le terrorisme par les moyens militaires, intellectuels et religieux en vue d'éradiquer ce fléau qui menace la stabilité de la région arabe. M. Al Arabi s'exprimait dans une réunion de concertation du Conseil de la Ligue arabe. Le responsable plaidera pour une «Convention de défense arabe commune» qui permettra d'intensifier et de coordonner, dans le cadre d'une stratégie globale à mettre en place, les efforts de lutte contre le terrorisme. À ce propos, M. Al Arabi insistera sur l'importance et la nécessité d'une «mobilisation effective» pour tenter de trouver des solutions aux crises qui secouent certains pays arabes dont la Syrie, le Yémen et la Libye et qui pourraient avoir des répercussions désastreuses sur le monde arabe. De son côté, le délégué permanent de l'Egypte à l'organisation panarabe, Tarek Adel, a réitéré son appel à déployer davantage d'efforts pour accélérer la tenue d'une réunion commune des ministres arabes de l'Intérieur et de la Justice pour examiner les moyens de lutte contre le terrorisme et toutes les organisations obscurantistes qui portent atteinte à l'image de l'islam et des musulmans. Aussi, a-t-il exhorté les pays arabes à fixer une date pour la tenue de cette réunion. Quant au secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Ahmed Benhelli, il affirmera pour sa part que la lutte contre le terrorisme et les mesures de faire face à ce fléau seront au cœur du prochain sommet arabe en Egypte. Au-delà de la coordination des efforts entre les pays arabes, la Ligue étend son action en vue d'impliquer l'Union européenne (UE). M. Al-Arabi et le représentant spécial de l'UE pour la Corne de l'Afrique, Alexander Rondos, ont convenu au cours d'une rencontre au Caire, de la nécessité de renforcer la coopération institutionnelle entre l'UE et la Ligue arabe dans la lutte antiterroriste. De leur côté, les pays occidentaux se montrent de plus en plus disposés à coordonner tous les efforts pour neutraliser toutes les menaces terroristes où qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Munich accueille, du 6 au 8 février, une conférence internationale sur la sécurité dont l'ordre du jour se partage entre Daech et la situation en Ukraine qui est une épine dans le pied de l'Occident. Une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement ainsi qu'une soixantaine de ministres des Affaires étrangères et de la Défense, américains, russes, européens et moyen-orientaux examineront les moyens de lutte contre l'Etat islamique (Daech). De là à voir un début de soutien à la lutte contre Boko Haram, il n'y qu'un pas que la communauté internationale est désormais prête à franchir. Le fera-t-elle ? Les prochains jours nous le diront. H. G.