La passion, le poids des traditions, la fatalité étaient au cœur de la tragédie en trois actes, Noces de sang (Bodas de sangre) de Federico García Lorca adaptée et mise en scène par Ziani-Cherif Ayad, présentée aux amateurs du 4e Art mercredi et jeudi passés au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi. Noces de sang a été inspirée à Federico García Lorca par un fait divers survenu durant l'été 1928 dans la région d'Almeria. Avec Yerma (1935) et La Maison de Bernarda (1936), Noces de sang (1933) est le premier volet d'une trilogie tragique qui reste l'une des œuvres majeures du célèbre poète et dramaturge espagnol fusillé par les franquistes en 1936. Dès le premier tableau, le public du TNA est plongé au cœur d'un village andalou et suit au fil des tableaux, les mécanismes d'un inéluctable et sanglant drame passionnel. En effet, c'est au cœur des années trente dans une Espagne ravagée par la guerre civile entre franquistes et républicains, que dans un village andalou ancré dans la tradition ancestrale lié à la terre et à l'honneur, un mariage est en plein préparatif. Les présents sont happés par cette histoire où le talentueux travail du metteur en scène fait monter crescendo l'état de fébrilité et de nervosité qui hante les préparatifs de la noce. Durant plus d'une heure le drame de deux femmes au cœur de cette tragédie, la mère et la fiancée. La mère, (la madre, mère du fiancé) incarnée par Ismahène Farfar, prépare les noces de son fils interprété par Mohamed Hadri (el Novio, le fiancé) après des années de deuil suite à l'assassinat de son mari et de son fils. Mais elle découvre que la fiancée talentueuse, jouée par Lydia Larini, s'est enfuie avec Léonard, son ex-fiancé, interprété par Djamel Denden, membre de la famille des assassins qui est déjà marié et père d'un petit garçon. Lors de la poursuite des fugitifs chacune de ces deux femmes clefs de la pièce verseront des larmes de sang à l'occasion de la perte de ce qu'elles avaient de plus cher au monde. Autour de ces personnages centraux, près d'une vingtaine de comédiens ont animé les planches, ne laissant aucun temps mort durant la représentation accaparant l'attention des présents complètements hypnotisés par ce drame humain. Tel un orfèvre, Ziani-Cherif Ayad a su adapter la pièce au public algérien, à travers le choix pertinent de la traduction de Noureddine Saoudi, et la scénographie et costumes signés par l'artiste Arezki Larbi. Le choix de la musique également composée par Noureddine Saoudi, musicologue de formation, sont autant d'éléments scéniques qui ont donné un véritable cachet authentique à la pièce sayant à la pertinence du contexte historique, mais également au fait, à ce que le spectateur algérien puisse s'identifier à ce village andalous et aux personnages. L'autre défi que Ziani-Cherif Ayad a relevé avec brio est la direction d'acteurs et le fait d'avoir misé sur de jeunes comédiens qui ont su incarner avec passion et pertinence cette célèbre pièce de Garcia Lorca. Ainsi, c'est sur le thème populaire de l'amour impossible et de la passion dévastatrice, avec en arrière-plan le lourd conservatisme des sociétés patriarcales que Ziani-Cherif Ayad a offert aux amoureux du quatrième art de véritables moments de théâtre où tous les ingrédients scéniques et l'interprétation des comédiens étaient réunis pour la célébration des planches prédisant ainsi un véritable succès populaire. S. B.