Interrogé à ce sujet par Vincent Duluc dans l'Equipe, le Lyonnais a confirmé cette deadline tout en indiquant que s'il était appelé par Didier Deschamps, il lui serait difficile de dire non... Une manière sans le dire de faire directement un appel du pied au sélectionneur des Bleus. Ce dernier lui a répondu avec son habituel langue de bois en maniant le double sens chez nos confrères de RMC : «Si je prends Nabil Fekir, c'est que je suis convaincu de ses qualités. Je ne vais pas le sélectionner demain pour l'empêcher de jouer ailleurs. Si les deux nations l'appellent, il faudra qu'il choisisse. Il a liberté de le faire. Si je ne l'appelle pas, il ira ailleurs. Mais si je l'appelle, il pourra quand même aller ailleurs. Ce sera son choix.» Ce qui en somme signifie que s'il est sélectionné par la France, cela sera pour ses performances, et non pas pour le bloquer «psychologiquement» vis à vis de l'Algérie. Réponse en mars. Au Maghreb Football Club, comme Mohamed, son père, nous avons décidé de le motiver pour rejoindre El-Khedra, et nous avons trouvé cinq bonnes raisons (sans forcer). Mais dans tous les cas, la seule et unique motivation de choisir est celle du cœur, et nous laissons Nabil l'écouter, sans le juger. Ce n'est pas un camp contre un autre. C'est juste du football et une nationalité sportive. Beaucoup d'Algériens ont aimé Zinedine Zidane avec la France, d'autres et mêmes parmi les joueurs de la sélection algérienne actuelle ont supporté Karim Benzema au Brésil lors du dernier Mondial. Les «DZ» aimeront voir briller Nabil Fekir avec les Bleus. À 21 ans, c'est déjà un maximum de pression sur les épaules d'un joueur de Ligue 1 qui n'a qu'un an d'expérience au haut niveau, et dans un championnat classé 6e à l'indice européen. Le mot de la fin revient à Sofiane Feghouli qui en novembre dernier avait donné son avis sur FF.fr : «Si j'ai un conseil à lui donner, c'est de gagner sa place dans son club. Et s'il se sent Algérien de cœur, il sera le bienvenu parmi nous. Il sera alors accueilli comme nous l'avons tous été. Bougherra et d'autres anciens nous ont ouvert les portes. Si maintenant il ne se sent pas Algérien, on lui souhaitera le meilleur.» Sage parole. L'Algérie, une alternative plus que crédible À la différence des années 1990 et 2000, l'Algérie n'est plus un géant endormi. Sous l'impulsion du président Raouraoua, El-Khedra a pris une toute autre dimension. Elle est la première nation africaine au classement FIFA, huitième de finaliste du dernier Mondial, et s'est hissée en quart de finale de la dernière CAN, battue par la Côte d'Ivoire, future vainqueur. Pour rappel, elle a poussé dans ses derniers retranchements l'Allemagne au Mondial, et aurait pu rencontrer la France en quarts de finale. Entre les deux nations, l'écart n'est plus abyssal. Avantage aux Bleus, mais jouer pour les Fennecs c'est aussi être capable de tutoyer le très haut niveau. Crédible sur le terrain et également en dehors... Vous savez ces détails qui font la différence. Loin de certains clichés du football africain, aucun amateurisme n'est permis. Les Fennecs sont dotés d'un Centre d'entraînement au sud d'Alger qui n'a absolument rien à envier à Clairefontaine. C'est la sélection la plus professionnelle d'Afrique, et la plus riche. Les sponsors se battent pour associer leur nom à l'équipe nationale. Dans tous les domaines, l'Algérie c'est du haut niveau. Le syndrome Meriem Cet immense dilemme entre les deux pays a donné lieu à une maxime en Algérie : «Il vaut mieux devenir un Zidane par rapport à l'Algérie que de connaître le sort d'un Meriem avec les Bleus.» D'un côté, l'Algérie, une possible qualification au Mondial, une CAN tous les deux ans, un engouement exponentiel pour des joueurs professionnels adulés comme des pop stars... ou alors 3 sélections avec les Bleus, le tube d'un été flamboyant, et l'anonymat au bout. Ce que nous avait également expliqué en 2009, Nadir Belhadj : «J'ai fait très vite le choix de l'Algérie. Je n'avais pas envie de me retrouver comme certains qu'on appelle une fois ou deux et puis plus rien. Souvenez-vous de Bafé Gomis, c'était le tube de l'été il y a deux ans. Aujourd'hui, Domenech ne le convoque plus. Et demain, il est possible qu'il ne joue plus aucune compétition internationale. Parfois, tu as l'impression qu'on prend des mecs juste pour qu'ils ne puissent plus honorer la sélection d'origine.» Certes, ce risque existe aussi avec l'Algérie, mais il est beaucoup moins important. Très prometteur, Nabil Fekir vient d'éclore au haut niveau. Sous les feux des projecteurs, le Lyonnais n'a que six mois de vie dans ce nouveau contexte. Cela reste fragile pour s'assurer une place au soleil, et pour s'inscrire dans la durée. Camel Meriem, Sabri Lamouchi ou Bafé Gomis, Aly Cissokho ou d'autres sont passés à côté de Coupes du Monde ou de CAN en raison de quelques sélections en EDF, et puis plus rien... Dans la carrière d'un joueur, les compétitions internationales ça compte. C'est même le sel qui fait toute la différence. C'est un élément qui doit être pris en considération. Une star en Algérie, un joueur parmi d'autres en France... Avec les Bleus, évidemment que l'argent est au rendez-vous, et qu'il est plus facile de trouver un club de niveau C1 en ayant revêtu le maillot de la France. Ce que nous avait bien expliqué l'attaquant Rafik Djebbour, il y a quelques années : «Les deux seuls Franco-algériens qui jouent en équipe de France, sont dans des grands clubs. Je ne suis pas sûr que si Benzema et Nasri étaient devenus internationaux algériens, ils seraient aujourd'hui dans les mêmes lieux». Arrivé à un certain niveau, ce n'est plus une affaire de cœur, mais davantage un choix professionnel avec des conséquences économiques sur une carrière. Jean Michel Aulas l'a bien compris, et il sait qu'il tient là, avec Lacazette sa deuxième pépite, sa deuxième poule aux d'œufs d'or. Avec les deux en Bleus, on pourrait multiplier par deux au moins la somme engrangée par l'OL. On comprend mieux sa récente déclaration : «Je sais que Didier Deschamps n'aime pas trop qu'on lui donne des consignes, mais si j'étais à sa place, je me rapprocherais de Fekir rapidement avant que quelqu'un d'origine bretonne (le sélectionneur de l'Algérie Christian Gourcuff) ne s'en charge». En terme de notoriété, à moins d'être Zidane ou Benzema, vous êtes noyés dans une forme de normalité. En Algérie, dès la première cape, la ferveur est juste incroyable, et une passion sans commune mesure. Aujourd'hui, des joueurs potentiellement sélectionnables par la France comme Yacine Brahimi, Sofiane Feghouli, Nabil Bentaleb ou Faouzi Ghoulam ne regrettent absolument pas leur choix. Sportivement mais aussi financièrement, les primes sont importantes, et les joueurs sont sollicités pour des campagnes de pub avec des grandes entreprises internationales. Autre élément, les Fennecs ont pris une dimension panarabe, et sont très appréciés dans les pays du Golfe. En fin de carrière, les portes s'ouvrent de plus en plus facilement pour un international algérien dans des clubs extrêmement lucratifs. En France, à la place de qui ? Choisir les Bleus, c'est aussi une concurrence plus intense, et il est difficile de pouvoir se projeter aussi tôt. Dans son secteur de jeu, la densité de joueur est importante, et même croissante. Il y a du monde sur la corde à linge : Benzema, Giroud, Valbuena, Griezmann, Rémy, Gignac, Payet, Lacazette. Et faut faire tourner dans le système de Deschamps ou d'autres talents comme Nabil pourraient aussi venir taper à la porte dans la perspective de l'Euro-2016 : Ntep, Beauvue, Thauvin ou Ben Yedder. Prolongé jusqu'à la prochaine Coupe du Monde, Didier Deschamps évolue en 4-3-3 avec une seule pointe en la personne de Benzema. Jusqu'à présent, Nabil Fekir s'est illustré plutôt en neuf demi voire en meneur de jeu derrière deux pointes. Tactiquement, il est donc difficile d'optimiser son potentiel. Et en cas de convocation, on l'imagine être utilisé sur le côté droit, là, où il pourrait y avoir de la place. À gauche, Griezmann est un choix fort de DD. En pointe, Karim Benzema, le meilleur à son poste, et attendu comme la principale arme offensif des Bleus ne s'accommode pas de l'idée de duo. Demandez à Olivier Giroud ! Le chaînon manquant pour Gourcuff Choisir l'Algérie, c'est aussi être dans un contexte concurrentiel. Les places valent de plus en plus cher. Et surtout dans le secteur offensif : Mais la chance de Nabil Fekir, c'est qu'il présente un profil un peu différent. Plus second attaquant que milieu offensif comme Feghouli, Brahimi, Mahrez ou Boudebouz. Le Breton ne s'est pas trompé. Dès le mois août, il a senti le potentiel du jeune lyonnais, et c'est une blessure à l'épaule qui avait empêché à ce moment là, Nabil de rejoindre l'Algérie. Dans son 4-4-2, Christian Gourcuff peut très bien mettre Fekir en concurrence avec Brahimi, ou décaler le joueur de Porto sur le côté gauche, là où il brille. En somme, il y a du monde, mais il a plus de chance de s'exprimer avec les Fennecs. En second attaquant, il pourrait jouer auprès d'Islam Slimani. Un attaquant altruiste avec sa sélection à la différence de Benzema. N. D. In France football