Le tribunal criminel près la cour d'Alger examine aujourd'hui l'affaire liée au scandale de l'autoroute Est-Ouest. Dans ce dossier qui a fait couler beaucoup d'encre, 16 personnes et 7 entreprises sont poursuivies pour plusieurs chefs d'accusation dont association de malfaiteurs, blanchiment d'argent, abus de pouvoir, corruption et dilapidation de l'argent public. Parmi les accusés, Chani Madjdoub, déjà impliqué dans l'affaire du Faki (Fonds algéro-koweitien) qui remonte à une dizaine d'années, le secrétaire général du ministère des Travaux publics, Bouchama Mohamed, le chef de cabinet, Belkacem Bouferrach, le directeur des nouveaux projets auprès de l'Agence nationale des autoroutes, Mohamed Khelladi, le colonel Khaled (Ouzane Mohamed de son véritable nom), ainsi que l'intermédiaire Addou Tadj et son neveu Sid Ahmed. Les trois filles Ghereib (filles de l'ancien ambassadeur, député FLN et membre de l'autorité de lutte contre la corruption) sont également accusées dans cette affaire. L'affaire qui remonte à 2007, a éclaté après les investigations menées par les éléments de la direction de renseignements et sécurité (DRS) dont Chani prétendait faire partie. L'enquête a permis de découvrir le pot au rose : d'importantes sommes d'argent ont été perçues par des responsables du ministère des Travaux publics à différents niveaux en contrepartie de «facilitations» ou «informations» offertes à des entreprises étrangères dans le projet de l'autoroute Est-Ouest. L'accusation a pu mettre en évidence les liens entre Chani Madjdoub, le principal accusé qui a joué le rôle d'intermédiaire entre les sociétés chinoise, Citic-Crcc, et japonaise, Coojal, et les autres mis en cause. Chani, accusé, entre autres, d'usurpation de fonction, de trafic d'influence, de corruption et de blanchiment d'argent, a réussi à communiquer l'ensemble des informations liées au projet de l'autoroute Est-Ouest pour l'entreprise chinoise ainsi qu'à lui permettre toutes les facilitations avec le ministère. Contre ses services, Chani Madjdoub devait percevoir un taux de 4% de la valeur globale du marché obtenu par Citic-Crcc. Il a réussi à obtenir 30 millions de dollars et 11 milliards de centimes auprès de l'entreprise chinoise. 15 millions de dollars ont été déposés dans une banque à Singapour et les 15 autres millions dans une autre banque en Autriche. Et afin d'obtenir la coopération des responsables du ministère des Travaux publics, Chani Madjdoub n'a pas hésité à offrir «des cadeaux» à ces derniers. Selon ses aveux, il a affirmé avoir remis «un cadeau», dès les premières rencontres, au SG du ministère. Il s'agit d'un sac contenant 10 millions de dinars (1 milliard de centimes). Pour le colonel Khaled, Chani Madjdoub a déclaré avoir remis plusieurs «cadeaux» : 50 millions, 2 000 millions, 800 millions de centimes, 120 millions, 140 millions, 1 700 millions (en centimes)... Dans ce dossier, le nom du ministre Amar Ghoul et du fils d'Aboudjerra Soltani ont été cités par Addou Sid Ahmed. Lors de son interrogatoire, ce dernier évoque le mystérieux Kouidri Tayeb, en fuite, qui aurait servi de prête-nom pour percevoir d'importantes commissions à la place du premier responsable du ministère des Travaux publics. Addou Sid Ahmed (neveu de Tadj) a également mis en cause Hamdane Salim Rachid, l'ancien directeur de la planification au sein du ministère des Transports. Ce dernier monnayait les informations sur des projets de marchés dans le secteur des transports avec Addou Sid Ahmed lequel les «revendait» à son tour aux sociétés étrangères intéressées, notamment l'espagnole Isolux-Corsan, spécialisée dans la réalisation des tramways, l'italienne Pizzarotti, qui a obtenu le marché de construction du tramway à Constantine, et la suisse Garaventa à laquelle les marchés de téléférique dans trois villes de l'Est ont été donnés, ainsi qu'Alstom qui a eu les marchés du métro et du tramway. En contrepartie, d'importantes commissions auraient été versées transitant par des comptes domiciliés en Espagne, Suisse, Italie et en France, appartenant à l'épouse de Hamdane, qui est l'une des filles Ghereib, mais également à ses deux sœurs. Les trois filles ont été de ce fait inculpées pour participation à un blanchiment d'argent et placées sous contrôle judiciaire. L'affaire de l'autoroute Est-Ouest semble très complexe et son instruction a, sans aucun doute, laissé de nombreuses zones d'ombre. D'ailleurs le procès s'ouvre aujourd'hui alors qu'aucune expertise pour évaluer les montants de la dilapidation des deniers publics n'a été ordonnée. Il faudra attendre les interrogatoires à la barre et les débats contradictoires pour lever encore un peu plus le voile sur ce nouveau scandale qui a ruiné l'économie nationale. H. Y.