De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali La wilaya d'Oran, qui vient d'abriter la 151e réunion extraordinaire de l'OPEP, qui devra accueillir l'année prochaine des milliers de participants à la 16e Conférence mondiale du GNL, qui organise annuellement le Festival du cinéma arabe, Oran, enfin, dont on annonce qu'elle rejoindra prochainement le panthéon des cités méditerranéennes qui comptent, n'arrive toujours pas à trouver une solution radicale au problème de son réseau routier. Un réseau routier de 500 kilomètres dont on estime officiellement que les deux tiers se trouvent dans un état déplorable, alors que 200 autres kilomètres se trouvent dans un état appréciable ou moyennement entretenus. Malgré les incalculables opérations de réfection dont elles ont fait l'objet depuis de nombreuses années, les routes d'Oran demeurent dans un état pitoyable et nourrissent le courroux des automobilistes envers ces «autorités qui n'arrivent pas à réhabiliter le réseau routier malgré les milliards». En fait, une cinquantaine de milliards de centimes aurait déjà été consommée dans la réhabilitation du réseau routier sans que celui-ci ne change pratiquement d'aspect : crevasses, nids-de-poule et fissures mettent à mal autant la mécanique automobile que les nerfs des conducteurs : «On n'arrête pas les travaux… partout à Oran, c'est un chantier à ciel ouvert mais à peine une route est-elle terminée qu'elle reprend son aspect antérieur», s'indigne un chauffeur de taxi qui applaudit la décision de sa corporation de se mettre prochainement en grève, même si l'état de la voirie n'en est pas la raison principale : «Il faudra pousser les autorités à retaper correctement les routes pour que nous puissions travailler dans des conditions convenables. Nous payons assez de charges pour mériter des routes en si piteux état.» A cause des quantités importantes de pluie qui se sont abattues cette année sur la wilaya (ou grâce à elles, c'est selon), l'état des routes est apparu encore plus affligeant : nids-de-poule, infractuosités, crevasses, fissures, fêlures, fosses… : «On se croirait dans un douar et non plus dans une wilaya qu'on présente comme étant l'une des plus belles d'Algérie et de la Méditerranée !», déplore Saïd, commerçant : «Tout cela parce qu'on se soucie davantage de l'apparat et du prestige que de réfectionner sérieusement et efficacement les routes». Il est vrai qu'en matière d'apparat et d'éclat, Oran a su démontrer qu'elle n'avait de leçon à recevoir de personne, notamment en réussissant à camoufler la rare médiocrité de sa voirie et le fait qu'elle soit l'une des cités les plus sales d'Algérie. Il n'est qu'à se rappeler l'énergie débordante dont les pouvoirs publics ont fait preuve pour préparer les visites du président de la République ou la tenue de manifestations internationales : comme par magie, les fissures étaient momentanément colmatées (du moins, sur l'itinéraire présidentiel), plantes et fleurs apparaissaient, les avenues étaient embellies, les nouvelles cités d'habitation avaient leurs espaces verts, les façades des immeubles repeintes et la ville retrouvait une grâce certaine. A telle enseigne que les habitants en arrivaient à souhaiter que le chef de l'Etat «visite tous les jours» Oran. Malheureusement, une fois les lampions éteints et les délégations officielles reparties, la ville reprenait son apparence «normale» et les Oranais renouaient avec les soucis au quotidien. Poursuites judiciaires et nouvelle réhabilitation Cette année pourtant, les autorités locales jurent que les responsables du «gâchis» rendront des comptes : les entreprises publiques ou privées qui, après réalisation de leurs travaux, n'ont pas rendu la chaussée à son état initial seront passibles de poursuites judiciaires. C'est ainsi qu'après le recensement que les 12 secteurs urbains sont en train de réaliser pour désigner les défectuosités et identifier les entreprises qui en sont responsables, des mises en demeure seront adressées aux dites entreprises pour la remise en état des routes sous peine de poursuites devant les tribunaux. «Cette mesure est prise conformément aux conventions élaborées en 2004 et signées par les entreprises intervenant sur la chaussée, stipulant que les routes doivent être remises en état», explique-t-on du côté de l'APC d'Oran où l'on n'hésite plus à attribuer le très mauvais état des routes à des entrepreneurs peu scrupuleux qui ont triché sur la qualité du bitume et les produits entrant dans la composition des couches d'accrochage dont le principal avantage est d'améliorer la longévité d'une chaussée, en évitant les cisaillements entre les couches : «C'est une bonne idée de vouloir poursuivre ces tricheurs parce qu'ils sont sans doute aussi responsables d'un certain nombre d'accidents. Mais encore faut-il aller jusqu'au bout de la logique et ne pas s'arrêter à quelques lampistes.» Pour tout dire, il y a longtemps que les Oranais ont cessé de croire à ces mesures vengeresses, beaucoup plus destinées à calmer l'opinion publique qu'à sanctionner les véritables responsables, surtout à l'approche d'échéances électorales : «Le scandale des routes est très profond», indique un chauffeur de taxi à la retraite. «Des gens se sont enrichis en trichant sur les produits de réfection des routes, avec la complicité active ou passive des autorités locales. Même des officiels, quel que ce soit leur niveau de responsabilité, doivent rendre des comptes.» Autre mesure prise cette année, le lancement d'un programme de réhabilitation de la voirie, qui devrait concerner plusieurs communes de la wilaya, notamment Oran, Sénia, Bir El-Djir et Sidi Chahmi, dont le réseau routier est très vétuste. Doté d'un budget de 150 milliards de centimes, ce programme devrait concerner 200 kilomètres de voirie. Depuis de nombreuses années, des budgets colossaux (publics, est-il utile de le rappeler) ont été investis dans la réalisation et la réfection des routes oranaises sans que la grande majorité d'entre elles n'ait jamais donné satisfaction. Pourquoi et comment ? Le nouveau programme de réhabilitation connaîtra-t-il un sort différent ? Autant de questions que se posent les citoyens sans que quiconque n'apporte de réponse convaincante.