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Un trou de 770 milliards de centimes dans la caisse principale d'El Kh
Les auditions se succèdent et des révélations au compte-goutte
Publié dans La Tribune le 13 - 05 - 2015

Une semaine après j'ai rejoint le Groupe Khalifa», a déclaré l'accusé. Le juge lui demande alors s'il connaissait auparavant le principal accusé. «Oui, je l'ai connu vers la fin des années 80 et j'avais gardé un bon contact avec Abdelmoumène Khalifa. C'était un garçon cultivé et intelligent qui aimait le pays. Il m'avait sollicité pour rejoindre le groupe, mais je poursuivais ma carrière militaire alors j'avais décliné son offre. Une fois retraité, je l'ai appelé. Il m'a fait savoir qu'il n'avait pas de poste pour moi pour le moment, mais que je pouvais le rejoindre en attendant d'en avoir un.» «Vous avez beaucoup voyagé avec lui à l'étranger ?», interroge le président, l'accusé se justifie : «C'est lui qui me demandait de l'accompagner.» «Où exactement ?», a encore demandé Antar Menouar. «En France, Allemagne, Belgique, Canada, Mali, Etats-Unis, Dubaï.» Le juge Menouar insiste pour connaître le poste qu'occupait l'accusé. Il lui demande en quelle qualité, il accompagnait l'ex-golden boy. Abdelwahab ne répond pas. Le juge insiste : «Vous avez participé aux rencontres qu'il tenait à l'étranger?». « Non, on attendait dans les hôtels.» L'accusé semble décider à ne pas préciser le poste qu'il occupait, alors le président Menouar demande à ce dernier d'expliquer sa présence aux côtés de l'ex- P-dg du Groupe El Khalifa : «Etiez-vous un garde de corps ? » «Il n'était pas en danger», lâche alors Abdelwahab. «Comment étiez-vous habillé durant les déplacements ? De quoi vous occupiez-vous durant ses réunions ?» L'ex-commandant de l'armée explique que les costumes qu'il mettait obligatoirement durant les voyages ne visaient qu'à représenter honorablement le pays, quant à son rôle il se limitait à préparer la chambre d'hôtel, les documents du P-dg... «On peut dire donc que vous étiez chargé du bien-être de Abdelmoumène Khalifa», lâche le président avant de demander à l'accusé de raconter un peu ses déplacements à l'étranger. Abdelwahab commence alors à dire qu'«au Texas, Abdelmoumène a acquis 3 hélicoptères. A Washington, il a eu une ou deux réunions ainsi qu'à New York. Le déplacement c'était pour ramener le premier Airbus 340, alors qu'en 2001, en Allemagne, le voyage visait à conclure un contrat avec Lufthansa». «Et en France ?», demande le juge. «Abdelmoumène Khalifa avait un bureau à Paris et y tenait beaucoup de réunions en plus du fait que sa famille se trouvait là bas.» Le président demande à l'accusé de parler de son travail en Algérie. L'ex-commandant explique qu'en Algérie son rôle se limitait à s'occuper de la demeure de Abdelmoumène Khalifa. Il était chargé de répondre aux besoins, d'assurer le suivi des travaux de maintenance et de superviser les employés. «Abdelmoumène ne vous a pas envoyé chercher de l'argent de la caisse principale ?», interroge le juge. «Non pas exactement», répond l'accusé. Le président sera alors obligé de lui rappeler ses dépositions et l'accusé s'explique : «J'ai rappelé une fois à Abdelmoumène que les employés n'avaient pas encore perçu leur salaire. Il m'a alors demandé de me présenter au niveau de la caisse principale de Chéraga et de chercher après le responsable de la caisse. Ce que j'ai fait. On m'a remis une enveloppe fermée contenant 200 000 DA. Un mois après, j'ai effectué le même déplacement pour récupérer la même somme. Il y a eu aussi une enveloppe de 500 000 DA. C'était à la veille de l'Aïd.» Le juge demande : «Sans remettre aucun papier ? Ni chèque ? Rien ?». «Oui monsieur le président». «Et après ?, c'était mensuel ?» «Oui monsieur et à l'approche de l'Aïd, c'était des sommes plus importantes parce qu'il faisait de l'aumône.» Le juge lit les PV, Abdelwahab confirme ses anciennes déclarations. «Et les sommes en devises ?» «Deux fois. Une fois un montant de 10 000 dollars pour payer les droits d'atterrissage au Mali et une deuxième fois 30 000 euros pour son déplacement aux Etats-Unis.» Le juge Menouar reprend l'interrogatoire et demande à Abdelwahab s'il ne s'est jamais posé de question sur la régularité des retraits qu'il effectuait pour son patron. L'accusé dit tout simplement que «pour moi, il n'y avait rien d'illégal. Il était P-dg de la banque. A l'époque, personnellement, je percevais un très bon salaire de 150 000 DA alors quand le P-dg, qui devait percevoir au moins 500 000 DA sinon 1 000 000 de dinars, demandait de récupérer la somme de 200 000 DA. Je considérais qu'il pouvait se le permettre». Le juge demande au garde du corps s'il était le seul à être envoyé pour cette mission. Ce dernier dira ne pas être au courant pour les autres. L'accusé confirmera ensuite au juge qu'il était resté à son poste dans le domicile de Khalifa Abdelmoumène alors que ce dernier avait pris la fuite en février 2003. «J'ai été contacté par l'administrateur qui m'a donné mon solde de tout compte et a mis fin à ma fonction.» Le juge demande alors à l'accusé, «donc, à vous entendre, votre rôle est secondaire. Qu'est-ce qui prouve que vous n'avez pas eu à vous servir personnellement ?» Pour Abdelwahab, cela ne pouvait pas se faire puisque son patron confirmait toujours son passage avant chaque récupération de sommes d'argent. Le juge ne semble pas convaincu et dit : «Et si Khalifa avait donné un ordre pour qu'à chaque fois que vous vous présentez, on exécute votre demande. Bon, parlez-nous des avantages dont vous avez bénéficiés avec le Groupe Khalifa ?» «Aucun, j'étais bien payé», lâche l'accusé offrant au juge l'occasion d'enchaîner : «Justement est-ce que vous considérez que votre travail justifiait votre salaire ?» «Oui. Je travaillais 7j/7j et je commençais très tôt le matin.» Le juge Antar ne pourra alors s'empêcher de lâcher : «En dehors des voyages effectués, qu'est ce que vous faisiez réellement ?»
Le juge revient à la charge et demande : «Avez-vous signé un contrat de travail ?» «J'avais tout en règle. Le contrat, l'assurance», répond l'accusé qui ne se rend pas compte du piège de la question. Le juge enchaîne : «Est-ce que dans le contrat de travail, la fonction a été précisée ? Il a été mentionné ‘‘ chargé de la sécurité personnelle''» «Oui, je le sais et Abdelmoumène avait dit que c'était momentanément, le temps d'avoir un autre poste.»
Le procureur général prend la parole. Il ne joue pas sur les mots et dit : «Vous êtes responsable de la garde rapprochée de Abdelmoumène Khalifa et vous conduisiez également sa voiture.» «Oui», répond l'accusé sans tergiverser. «Est-ce que vous avez effectué des retraits de l'agence d'El Harrach ?» «Non». «Certains ont pourtant affirmé dans ce dossier que vous vous êtes déplacés au niveau de cette agence», dit le procureur et l'accusé nie, «Non ce n'est pas vrai». Le représentant du ministère public n'insiste pas et poursuit son audition. «Vous avez bien récupéré 150 millions de centimes ?» «Oui la veille de l'Aïd». «Pour qui ?», «Abdelmoumène Khalifa». Le parquet demande alors si «c'était pour payer les employés ?». «La 1re fois que je me suis déplacé, c'était pour un problème de salaire que j'ai soulevé au P-dg. Mais après, je ne sais pas. Il m'envoyait et j'exécutais», précise à nouveau le garde de corps de l'ex-golden boy. Une série de questions va suivre : «Abdelmoumène Khalifa vous a envoyé pour récupérer 500 millions de dinars ? Quand ?». «En février 2003». «Après l'affaire de l'aéroport ?» «Je ne sais pas». «Vous aviez un revolver que Abdelmoumène vous avez remis ?» «Non». «Vous êtes proche de Khalifa donc vous aviez le double des clés de la villa et du coffre. Vous avez déclaré que quand le patron était absent, il vous demandait de déposer l'argent.» «Il ne s'agissait pas d'un coffre, juste un tiroir dans un meuble au salon». Abdelwahab Rédha sera acculé de questions et n'arrivera pas à suivre. Le procureur lui parlera de Raghed Chamaa, le franco-libanais qui occupait le poste de consultant en France de l'ex-Pdg d'El Khalifa Bank, selon l'accusé. Ce dernier précisera que Raghed Chamaa a été derrière l'idée de la télévision, des stations de dessalement ainsi que l'achat des avions. Le procureur ne finira pas son audition sans revenir sur la tentative de retrait de 500 millions de dinars en demandant : «Quand Abdelmoumène vous a appelé pour récupérer 500 millions et que Akli a refusé parce que l'affaire venait d'éclater, vous a-t-il dit à qui les remettre ? Sa femme ?» «Non, il ne m'a rien dit. J'ai compris qu'il les voulait en prévision de son retour», dit Abdelwahab Rédha. Ce dernier n'est pas au bout de ses peines puisqu'il devra répondre aux questions de la défense et c'est Me Lezzar, avocat de Abdelmoumène Khalifa, qui prendra la parole en premier pour demander à l'accusé comment il pouvait connaître le montant exacte des sommes remises par Akli Youcef à Abdelmoumène Khalifa. L'accusé précisera qu'il avait l'occasion d'entendre son patron préciser le montant au téléphone au responsable de la caisse principale. «Comment connaissait-il la destination de l'utilisation de ces sommes ?», enchaîne Me Lezzar. «La première fois, je savais pour le problème des salaires, mais pour le reste c'était pour des dépenses de la maison. Pour les 10 000 dollars, je l'ai accompagné en voiture pour effectuer le paiement des frais d'atterrissage. Généralement je retirais les sommes et cela coïncidait avec les dépenses.» L'avocat interrogera l'accusé sur sa certitude du poste occupé par le franco-libanais en laissant glisser que «l'accusé semble connaître beaucoup de choses et de détails». Abdelwahab Rédha expliquera qu'il a eu à discuter avec Chamaa. Le juge intervient alors pour demander : «Vous avez rencontré d'autres personnalités ?». «Oui comme Depardieu et d'autres célébrités étrangères». «Le but des voyages à l'étranger, était-ce pour une fuite des capitaux ou fructifier l'investissement?», demande encore le président et l'accusé soutient que «c'était pour donner la meilleure image du Groupe Khalifa et de l'Algérie à l'étranger». Le procureur demande à nouveau la parole pour une dernière question : «Vous avez déclaré lors des auditions que Abdelmoumène Khalifa vous avez insulté et traité de traitre lorsque vous lui avez annoncé le refus de Akli. Est-ce vrai ? Pour quelle raison vous a-t-il traité de traitre ?» L'accusé tergiversera sans répondre exactement à cette question.
Après une pause d'un quart d'heure, le tribunal reprend ses auditions avec l'ex-directeur adjoint de la comptabilité, Toudjane Mouloud. Ce dernier, est également poursuivi, entre autres, pour association de malfaiteurs, vol qualifié et abus de confiance. L'accusé qui a un DES de banque et qui a fait partie du personnel de la BNA pendant plus d'une vingtaine d'années, a quitté, à sa demande, son poste de comptable à la BNA dans l'espoir de connaître des avancées dans son parcours professionnel après avoir entendu parler de l'ouverture d'une banque privée. «J'ai décidé de prendre le risque parce que j'étais ambitieux», dira Toudjane Mouloud au juge Menouar, qui lui demandera de préciser les conditions de son recrutement. L'ex-directeur adjoint chargé de la comptabilité à Khalifa Bank, calmement raconte tout. «A l'époque, un collègue de la BNA qui avait rejoint avant moi Khalifa Bank m'a demandé de le rejoindre pour l'aider. Ce que j'ai fait et j'ai rejoint la direction de la comptabilité au niveau de la direction générale de Chéraga. J'ai été reçu par M. Amghar et j'ai déposé un dossier qui a été étudié le plus normalement du monde. J'ai eu le même poste qu'à la BNA et presque le même salaire que je n'avais d'ailleurs pas négocié.»
«De combien ?», demande le président «25 000 DA » lâche l'accusé. Ce dernier raconte que, jusqu'à 2000, il était seulement chargé de la comptabilité : «J'étais chef de département. Après, un nouvel organigramme a été décidé par Monsieur Khalifa et j'ai eu le poste de DGA de la comptabilité». «Le défunt Hammou Nekache a également été nommé DGA de la comptabilité. Pourquoi deux personnes pour le même poste ?», demande le juge. «Je suis d'accord avec vous monsieur le président, que ce n'était pas normal. Mais nous avons partagé le travail et nous occupions deux sièges différents», répondra-t-il. Le juge rappelle alors des faits à l'accusé : «Ce n'était pas la norme et l'organigramme n'était pas officiel. Raison pour laquelle vous avez fait un écrit et même déposé votre démission ?» Toudjane Mouloud confirme et déclare : «J'ai toujours travaillé dans la transparence. J'ai fait un écrit et j'ai remis ma démission, mais le nouveau directeur, Karim Ismaïl, m'a demandé de respecter le délai de préavis avant de quitter. Avant mon départ, M. Djellab est venu. J'ai eu à travailler avec lui ensuite j'ai travaillé avec la liquidation.» «Dites-nous, les responsables de la banque n'ont pas voulu prendre en charge les recommandations de la commission bancaire lors de ses multiples inspection ?» «Non justement», dit l'accusé. «Quelles sont vos prérogatives ?» «Je m'occupais de la comptabilité». Le juge Menouar demande à l'accusé s'il n'avait jamais eu vent des pratiques opérées dans la banque. Ce denier jure que non et déclare qu'il «n'arrive pas à admettre après 22 ans de pratique de banque et pas n'importe, la BNA est l'école des banques, qu'on puisse prendre des sommes d'argent dans des sacs !» Le président demande à nouveau : «Dites-moi si vous étiez à la place de Akli qu'auriez-vous fait ?» «J'aurai démissionné», lâche sans hésitation aucune l'accusé. Après une brève pause, le juge revient à la charge et demande à Toudjane de lui parler des 11 écritures entre sièges (EES) qui devaient être faites afin de dissimuler le trou financier de la caisse. Il lui demande le montant des EES. Toudjane répond qu'il est «de plus de 320 milliards de dinars». Le juge précisera, qu'après, la liquidation a confirmé que le trou était beaucoup plus important, «de l'ordre de 770 milliards de centimes». Le comptable, et sur la demande du juge, expliquera que le responsable de la comptabilité devait au bout de 48 heures rejeté les EES si aucun document justificatif n'était présenté. Le juge Menouar expliquera alors à Toudjane que sa présence en qualité d'accusé a été décidée sur la base de l'expertise faite par Me Foufa, et que ce dernier parle d'une responsabilité indirecte des deux comptables d'El khalifa Bank. L'accusé éclate et n'arrive pas à se retenir : «Je suis au courant. Il a déclaré que j'étais indirectement impliqué. Il devait au moins spécifié qu'il y avait deux directions distinctes. Depuis le début de cette affaire, j'ai toujours été entendu comme témoin et c'est après l'expertise que j'ai été inculpé. Je suis innocent et je n'ai rien à voir.» Le juge tente de le calmer en lui rappelant qu'un accusé est innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité. «Il y a une expression qui dit qu'une personne peut s'empêcher de commettre un crime, mais pas d'éviter d'être accusée», dit le juge avec un sourire et demande à nouveau à Toudjane : «Dans le dossier, il a été prouvé qu'une réunion urgente a été tenue afin de régulariser les 11 EES. Akli a préparé les 11 EES, signés par Chebli et remises à Hammou Nekache qui a refusé de les signer en raison de l'absence de documents justificatifs. Avez-vous entendu parler de cette réunion?» «Non, ce n'est qu'après que j'ai su.» «Vous avez vu les 11 EES ?» «Je les ai vues chez Hammou et je lui ai conseillé de ne pas signer et de les retourner.» «Quand ?» «Avec l'arrivée de l'administrateur Djellab.» Le juge insiste : «Est-ce que vous confirmez que Nekkache Hammou n'a pas signé ?» «Non, il était dans son siège. Mais je lui ai posé la question et il a dit qu'il n'a pas signé», dit l'ex-comptable. Le juge revient sur une question. Troublé, l'accusé s'emmêle dans ses réponses. «Quand avez-vous entendu des opérations frauduleuses?» «En 2007» lâche l'accusé. «Mais dans le PV, vous avez déclaré que c'était à l'arrivée de l'administrateur ?», interroge le juge. «C'est vrai j'ai oublié», dit Toudjane en baissant la tête. «Il ne faut pas oublier. Vous savez que ces EES n'ont toujours pas été débouclées jusqu'à aujourd'hui», dit le juge Menouar et l'accusé confirme : «Oui Monsieur le président je travaille toujours avec le liquidateur.» Le juge demande ensuite à l'accusé en sa qualité d'ancien de la BNA si on peut «faire des retraits sans chèques, sans comptes ?» «Non, c'est évident». «Même si c'est le P-dg ?» «C'est clair, c'est le règlement de la banque, il faut respecter la procédure légale. C'est l'argent des déposants». Le juge revient encore à la charge : «Est-il pensable que vous soyez un DGA de la comptabilité et que vous n'ayez jamais eu vent de ces pratiques ?». «Jamais monsieur le président. Je vous le jure. C'est des choses que je ne peux pas admettre. J'étais au niveau de la direction centrale et je me suffisais de faire mon travail.» «Et les directeurs d'agences ont-ils le droit de donner ces sommes que ce soit à Abdelmoumène Khalifa ou un autre ?», interroge le président. «Non, ils doivent envoyer l'argent à la Banque centrale et ne garder qu'une partie des liquidités pour leur activité quotidienne.» Le juge essayera enfin de démontrer que le choix de nommer de DGA de la comptabilité n'était pas fortuit. Il posera la question : «Pourquoi avoir choisi Nakkache Hammou pour la régularisation des 11 EES et pas vous ? » «Je ne sais pas. Moi, si on m'avait demandé, j'aurai refusé. J'ai toujours travaillé dans la conformité et la transparence.» Le juge finira son audition en disant à l'accusé : «Vous n'êtes pas régulier dans vos déclarations. Devant le juge d'instruction vous avez déclaré que vous étiez présents lorsque Akli a ramené les 11 EES. Aujourd'hui, vous dites que vous l'avez appris à l'arrivée de l'administrateur.» Toudjane Mouloud transpire et essaye d'expliquer : «Non je n'étais pas présent, mais Nekkache m'a appelé juste après pour m'informer et c'était avec l'arrivée de l'administrateur. Le défunt l'avait lui-même confirmé.» Le juge parlera des deux crédits accordés à l'accusé qu'il a remboursés dans leur intégralité. En prenant la parole, le procureur général ne tardera pas avec l'accusé. Il lui fera le reproche d'être resté malgré l'anarchie qui régnait et dont il avait lui-même fait part dans son rapport. Il tiendra à confirmer cependant auprès de l'accusé que le poste de directeur général adjoint chargé de la caisse n'existe nulle part ailleurs et que «c'est une première au niveau d'El khalifa Bank». Le procureur insistera sur le trou financier de 320 milliards établit selon les EES et la perte réelle de 770 milliards de centimes confirmée par la liquidation. Et à ce propos, il tiendra à faire savoir à l'accusé qu'il y avait donc une différence entre le solde comptable et le solde physique, ce qui signifie que les régularisations se faisaient bien avant la découverte des 11 EES. Il finira par lui demander comment un comptable n'a pas pu se rendre compte des malversations en constant que le compte d'ordre avait atteint 34% du bilan. «N'est ce pas une preuve de détournement ? Expliquez nous ?», demandera le parquet et l'accusé de répondre que «c'est des écritures qui doivent être affectées et c'est grave. Raison pour laquelle j'ai démissionné». Le procureur tiendra enfin à préciser qu'un document a été trouvé chez l'accusé Chachoua représentant un virement de 350 000 dollars pour Santa Monica afin de réaliser un film sur «l'empire Khalifa» et demande : «C'est à mettre dans quel compte ?» «Je ne sais pas, je viens d'en entendre parler», dit Toudjane en conclusion de son audition.
Dallal Abdelwahab sera ensuite appelé à la barre. Cet ex-enquêteur principal de police depuis 1986 et pendant 8 ans, a déclaré avoir quitté fin 1994 les rangs de la police pour des raisons personnelles. Après un séjour en France, il est revenu au pays et a commencé à chercher du travail. En février 2001, il s'est présenté à KGB Sécurité qui cherchait des anciens membres des services de sécurité et il a été retenu. «J'ai occupé le poste de chef de la sécurité», précise Dallal affirmant qu'il était chargé de trois missions : du groupe de sécurité pour le transport de fonds, de celui des délégations officielles et enfin des inspections des agents de sécurité sur le terrain au niveau d'Alger.
Le juge commence l'interrogatoire en demandant à l'accusé si Chachoua l'avait envoyé pour chercher de l'argent au niveau de la caisse principale. «Evidemment», dit Dallal qui n'a pas l'intention de revenir sur ses auditions même s'il ne dira pas autant de choses qu'en 2007. «J'ai été envoyé deux fois. Il m'a ordonné, la première fois, de me présenter à la caisse principale pour mission et de demander après Akli Youcef. Je l'ai contacté l'informant que Chachoua m'a envoyé. Akli a dit ‘‘oui je suis au courant''. Il m'a remis un sac scellé et une enveloppe qui contenait la clé. J'ai pris ce sac et l'enveloppe à la direction centrale et j'ai tout remis à Chachoua.» Le juge poursuit : «Vous ne vous êtes pas demandé si c'était régulier que de récupérer l'argent de cette façon ? C'était un gros sac ? Il contenait combien ?» «Le sac était scellé je ne sais pas si c'est des dinars ou des devises» dit l'ex- inspecteur de police, poursuivant : «La deuxième fois, c'était 20 jours ou un mois après. Même chose et même procédé.» Le juge Menouar rappelle alors à Dallal qu'il avait parlé de 5 ou 6 fois lors des auditions mais ce dernier nie : «Non je vous assure que c'était deux fois». «Vous étiez ancien enquêteur. Vous ne vous êtes pas demandé quelle relation pouvait avoir le DG de la sécurité avec l'argent de la banque ? » «C'est mon responsable. J'exécute les ordres». Une brève confrontation est faite avec Chachoua, qui confirme avoir donné cet ordre rappelant qu'il en avait fait part lors de son audition la veille. Le juge demande alors à Dallal quels avantages il a perçu durant son travail à Khalifa Bank. Ce dernier parle d'un crédit fin 2001 de 200 millions de centimes «que j'ai remboursé entièrement. Je remboursais à la source mensuellement et avec intérêt». En prenant la parole, le procureur de la République ne fera pas part de l'incident ayant poussé Dallal à être muté de son poste de l'aéroport mais laissera le doute. «Vous avez été inspecteur à l'aéroport ? Avez-vous été renvoyé ?». L'accusé affirme que non et le PG n'en dira pas plus. Il lui demandera par la suite comment il pouvait assurer la sécurité du transport de fonds sans avoir d'armes. Il ne manquera pas de lui dire qu'il était donc bien au courant que KRG sécurité exerçait dans l'illégalité. Il le coincera encore une fois en lui disant qu'il vient de déclarer à la barre avoir pris l'argent à son patron Chachoua au siège de la direction générale «et là bas, il n'y a aucune caisse». «Cela n'a pas éveillé vos suspensions ou est-ce que le salaire vous a poussé à fermer les yeux ?», demande le PG. L'accusé tente de se défendre : «J'ai commencé avec 15 000 DA et je n'ai jamais dépassé les 20 000 DA». Après la pause déjeuné, l'ex-stewart d'Air Algérie qui a rejoint Khalifa Airways, à savoir Larbi Salim a été entendu. Cet ex-chef de cabine promu instructeur avant de travailler dans le jet privé d'Abdelmoumène Khalifa, a affirmé que les prêts dont il a bénéficié lui ont été accordés normalement. «J'ai rencontré un jour le P-dg sur un vol régulier. J'ai saisi l'occasion pour lui demander un prêt. Il m'a dit de faire une demande, ce que j'ai fait sur le champ et Abdelmoumène Khalifa a mentionné sur ma demande ‘‘ bon pour accord'' et l'a signé. Il m'a demandé où se trouvait mon compte. J'ai répondu que c'était à l'agence d'El Harrach. Il m'a dit de me présenter au niveau du chef d'agence Aziz Djamel. Ce que j'ai fait. Aziz Djamel a appelé le P-dg pour confirmation. Il m'a demandé si je voulais un virement ou un chèque guichet. J'ai préféré un chèque guichet et cela a été fait.» Le juge demande «sans dossier de prêt ni rien ? ». «Non, le directeur d'agence a dit qu'on allait s'occuper du reste.» Le président insiste : «Vous n'avez pas trouvé que c'était bizarre. Ce n'est pas le café de Si moh où on se sert et on part.» « C'est le Président-directeur général de la banque». L'accusé dira qu'il a remboursé son crédit de 150 millions de centimes après avoir été convoqué par le juge d'instruction qui lui a demandé de se rapprocher de la liquidation. Le procureur lui demandera, pour sa part, s'il s'agissait du seul prêt. L'accusé parlera alors d'un premier prêt de 450 000 DA pour l'achat d'une voiture qu'il a également remboursé. Le parquet demandera alors pour quelle raison deux prêts pour quelqu'un qui est issu d'une famille aisée, «pour nous, c'est des dons d'Abdelmoumène». «Non ce n'est pas vrai», s'en défend Larbi Salim.
H. Y.


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