L'audition des commissaires aux comptes a également dévoilé la passivité avec laquelle les comptes d'El Khalifa et de Khalifa Airways, à découvert, ont été validés. Amghar M'hand Arezki a été le premier à passer à la barre. Diplômé de l'Ecole supérieure de banques, Amghar Mohand Arezki a passé toute sa carrière professionnelle à la BNA. Sa retraite en poche, il rejoindra le Groupe Khalifa sur proposition de Kebbache Ghazi, l'oncle de l'ex-golden boy, qui était auparavant cadre à la Société des foires et expositions (Safex). C'est là que les deux hommes s'étaient rencontrés. Kebbache présente donc Amghar à Abdelmoumène Khalifa. Amghar précise également qu'il connaissait Ali Kaci, ex-cadre de la BNA et l'un des membres fondateurs de la banque El Khalifa. Il reviendra sur les différents postes qu'il a occupés en commençant par celui de directeur général d'administration à 100 000 DA. «J'ai installé les différents services de la banque. Il y a eu ensuite trois réorganisations au sein de la banque, j'ai occupé le poste de vice-président de l'administration avant d'être nommé conseiller chargé du développement et enfin gérant statutaire de KRC (Khalifa Rent Car)». Le juge Menouar précisera que les actions de la société de location de voitures étaient détenues à part égale par Khalifa Bank et l'Eurl Khalifa Airways. Il demandera ensuite à l'accusé si KRC avait une représentation à Paris où travaillait, entre autre, Chachoua Badredine. L'accusé nie formellement tout lien avec le bureau de Paris. Le juge revient alors sur les dépositions d'Amghar et lui demande : «Vous avez bien dit que c'est Chachoua Badreddine qui s'occupait de l'achat des véhicules pour la société Rent Car lors de l'instruction?» Amghar évoque des difficultés à se faire comprendre et à comprendre la langue arabe. Le juge Menouar demande alors à l'accusé d'expliquer l'activité de l'entreprise. L'ex-cadre de banque précise au tribunal que Rent Car loue des véhicules aux privés ou aux entreprises. Le magistrat gardera cette réponse pour bien plus tard et continue son interrogatoire «Avez-vous bénéficié d'un prêt ? Quelle procédure vous avez suivi ?» Amghar M'hand Arezki explique qu'il a demandé un prêt à Abdelmoumène Khalifa qui le lui a accordé, en lui précisant de ne pas dépassé la somme de 1,5 milliard de centimes. Il prétextera cette demande par son besoin d'acquérir un logement plus grand. Et pour bénéficier de ce prêt, Amghar a déclaré avoir demandé au comptable de Khalifa Rent Car de rédiger le chèque qu'il a lui-même signé pour bénéficier du prêt. Le juge demande alors à l'accusé : «Vous avez une grande expérience dans le domaine de la banque, aviez-vous le droit d'effectuer une telle opération ? ». «Oui, j'ai bénéficié d'un prêt dans l'entreprise où je travaille.» « Sans aucun dossier ? Ni garanties ou des échéances de remboursement ?», insiste le juge. «Il suffit d'une demande quand il s'agit d'un prêt et la garantie c'est le salaire. Quant à l'établissement d'un échéancier, je ne pouvais le faire pour moi-même», explique méthodiquement l'accusé. Le magistrat demande alors quand l'accusé a remboursé son prêt. Il avouera que cela n'a été effectué qu'après la convocation du juge d'instruction. Lors des questions-réponses du tribunal criminel, l'accusé fera savoir qu'il a bénéficié d'un crédit de 450 millions de centimes fin 1999, alors qu'il était employé au sein de la banque El Khalifa. Cet argent lui servira pour l'achat d'un appartement situé dans la Tour de l'Opgi de Bir Mourad Raïs. Amghar a obtenu le deuxième crédit de 1,5 milliard de centimes, accordé verbalement par Abdelmoumène Khalifa, et pour lequel il sera amené à signer un chèque en tant que gérant pour sa personne en tant que bénéficiaire. Ce crédit va servir pour l'achat d'un appartement de 6 pièces, d'une surface de 163 m2 à la rue Khalifa Boukhalfa, qui lui a coûté 900 millions de centimes. Il justifiera la légalité de son acte par le fait qu'il soit gérant de la société et qu'il était comptable devant l'assemblée générale des actionnaires. Et à ce propos, le magistrat accroche l'accusé pour demander s'il avait besoin d'avoir deux logements. Amghar, l'ex-cadre de la BNA, responsable à El Khalifa Bank avant d'être le directeur gérant de Khalifa Rent Car, s'est accordé un prêt de 1,5 milliard de centimes en signant un chèque en tant qu'ordonnateur qu'il a encaissé en tant que bénéficiaire Amghar a, au début, réponse à tout, et soutient que le logement Opgi a tardé à être construit et il a dû recourir au prêt pour acheter le second appartement. «J'avais l'intention de vendre le logement de Bir Mourad Raïs pour rembourser le prêt de Rent Car.» Le juge Menouar ne manquera pas de souligner à l'accusé que le deuxième prêt allait lui permettre d'acquérir le second logement, mais aussi de rembourser son crédit et de questionner : «L'enquête a établi que l'accusé a retiré le prêt avant l'accord de l'AG du conseil d'administration devant laquelle vous avez déclaré être comptable. Aviez-vous la certitude d'avoir l'autorisation à l'avance ?». Amghar perd ses mots avant d'affirmer qu'après que le P-dg du groupe ait donné son accord, il était évident pour lui de retirer la somme. Le juge Menouar laissera cette question de côté et reviendra sur la période où Amghar a occupé des postes de responsabilités au sein de la banque. Il lui demandera, se basant sur les anciennes déclarations de l'accusé durant l'instruction, si Abdelmoumène Khalifa avait un bureau dans lequel il recevait énormément de personnalités. Amghar est décidé à ne pas dire un mot pouvant enfoncer son ex-patron. Il dira même que Abdelmoumène Khalifa n'avait pas de bureau et qu'il utilisait n'importe quel bureau lors de son passage. Très serein au début, le magistrat continue à poser des questions du genre «Où tenait-il ses réunions ? Où est-ce qu'il recevait les cadres de l'entreprise ?», afin que l'accusé cesse de nier l'évidence, mais ce dernier ne change pas ses déclarations et finit par énerver le président. «Vous avez peur que ce soit une question piège ? Vous avez peur que je vous demande de répondre sur vos propres déclarations où vous avez affirmé que Iouaz, la secrétaire personnelle de Abdelmoumène Khalifa, s'occupait d'organiser ses rendez-vous ?». Face à la colère du juge, Amghar fait semblant de n'avoir pas compris la question et que «le P-dg avait certes un bureau au niveau du siège du Groupe El Khalifa, mais pas au niveau du siège de la banque El Khalifa». Il niera cependant que Iouaz soit la secrétaire du P-dg en disant : «C'est moi qui ai recruté Iouaz et elle était la secrétaire de tous les hauts cadre de la banque, non pas particulièrement de Abdelmoumène.» Face à ses tergiversations, le juge Menouar décide de revenir aux actes commis par l'accusé durant sa gestion de la société Rent Car. Il lui demande alors comment, en sa qualité de gérant, il accordait des prêts aux employés ? Intestin [Des C5 réservées au VIP, 2 véhicules à la Confédération des finances, 10 autres pour la structure de l'année de l'Algérie en France. Une quarantaine de véhicules se sont vraisemblablement évaporés.] Amghar fait semblant de ne pas comprendre les questions. Le magistrat, à bout de nerfs, lâche : «Vous m'avez sérieusement fatigué.» Mais c'est loin d'être une raison pour dissuader le tribunal qui reposera la question autant de fois que c'est nécessaire jusqu'à ce que l'accusé réponde : «Vous parlez des prêts accordés au sein de mon entreprise. Eh je veux dire (...) ». Rires dans la salle après ce lapsus révélateur. L'accusé reconnaitra que pour l'obtention d'un prêt, il faut étudier la demande et établir un échéancier. C'est lors des de l'interrogatoire par la partie civile et le parquet que l'ex- cadre de la BNA perdra carrément pied. En demandant à Amghar comment un comptable a pu établir un chèque sans avoir une pièce comptable justifiant cette opération, Me Meziane, l'avocat d'El Khalifa Bank en liquidation, mettra mal à l'aise l'accusé. Ce dernier donnera alors une réponse assez compromettante : «Il va créer la pièce comptable». D'un air étonné, l'avocat poursuit : «Dans cette opération pouvez-vous être ordonnateur et bénéficiaire?» «Je suis gestionnaire et je fais fonctionner le compte», dit Amghar. Me Meziane piègera l'accusé en lui demandant : «Vous avez dit avoir donné un ordre verbal au comptable pour établir le chèque et de l'imputer sous le chapitre des prêts pour le personnel en attendant d'avoir l'autorisation accordée par le conseil d'administration. Est-ce que cela signifie que le personnel de Khalifa Rent Car exécutait les ordres verbaux ?» Amghar est très gêné et tergiverse en déclarant à nouveau que le comptable crée la pièce comptable et inscrit l'opération. Il ne saura également pas trouver de réponse au fait qu'il a retiré le montant de 1,5 milliard de centimes avant l'autorisation du conseil d'administration. Il dira que l'autorisation de Abdelmoumène Khalifa était suffisante. Le juge lui dit, avec un petit sourire loin d'être naïf. : «Vous me dites donc que l'accord verbal de Khalifa est suffisant, ce qui signifie que c'était une pratique courante de travail au sein du Groupe». Me Meziane conclura ses questions en soulignant que Rent Car est une entreprise déficitaire. Ce que l'accusé réfute. En prenant la parole, le procureur général commence par une question simple : «Quel poste occupiez-vous à la BNA ?» «J'étais responsable du contrôle des crédits». M. Zargaras demande alors : «Donc vous connaissez bien les procédures pour l'accord de crédit ou de prêt. Les procédures étaient les mêmes au niveau de la BNA ?». Le procureur soulignera après la confusion entretenue pour des visées de malversations en ce qui concerne les dénominations sociales des entreprises de Abdelmoumène Khalifa à l'exemple de Khalifa Rent Car (KRC) et Khalifa Rafik Cnstruction (KRC). Il demandera à l'accusé si la société de location de véhicules avait une filiale en France. L'accusé nie fortement, le procureur n'insiste pas, mais commence à donner certains faits qui mettront mal à l'aise l'accusé. Il sera ainsi appris que Amghar a revendu son logement sis à Khalifa Boukhalfa le jour même où le liquidateur a lancé la procédure pour confisquer ce bien. «Vous avez acheté après le logement de Sidi Yahia», dit le procureur, avant d'ajouter des faits établis, «vous aviez deux véhicules de service et vous avez refusé de rendre le second véhicule jusqu'en 2004.Vous aviez dans un courrier qui est dans le dossier, affirmé au liquidateur de KRC que les 1,5 milliard de centimes que vous avez eu ‘‘c'était une donation des fondateurs de la banque''. Donc tout ce que vous avez raconté depuis tout à l'heure, est faux». Amghar transpire et tente désespérément de se justifier : «Si c'était une donation, l'aurais-je enregistré comme prêt dans le bilan ?». Le parquet lui demande alors : «Pour quelle raison le liquidateur va inventer une correspondance ?» Amghar ne trouvera rien à dire. Il ne convaincra également pas en répétant qu'il «facturait toutes les voitures qui ont été données», alors que le représentant du ministère public poursuit : «Vous avez donné 10 véhicules dans le cadre de la tenue de l'année de l'Algérie en France alors que votre activité est la location et non pas la donation. Le jardinier de Abdelmoumène a également eu un véhicule auprès de votre entreprise ainsi que la Fédération des cadres des finances et une association sportive. En plus d'avoir donné des Citröen série 5 aux VIP». Et avant de conclure, le procureur Zargaras lâche : «Ce que je veux dire c'est que vous avez coulé cette entreprise et il y a 40 véhicules de luxe qui ont disparu et pour lesquels nous n'avons retrouvé aucune trace.» Le second à être appelé hier, c'était Dahmani, un ex-cadre d'Air Algérie qui a occupé durant vingt ans le poste de chef de cabine. Dahmani poursuivi, entre autres, du crime de vol qualifié, devait expliquer les sommes dont il a bénéficié quand il était employé à Khalifa Airways. Il a commencé par raconter qu'il a démissionné d'Air Algérie et a rejoint Khalifa Airways en 1999, après avoir répondu à une annonce publicitaire. «J'ai signé mon contrat avec Khalifa Airways comme chef de cabine. Comme il fallait structurer la société au début et que j'étais le plus expérimenté, j'ai été désigné comme chef de département, ensuite directeur du personnel naviguant vers la fin 1999, jusqu'à la fermeture de la société», a précisé Dahmani. Le magistrat commence son interrogatoire en demandant à l'accusé de citer les noms de quelques cadres d'El Khalifa Bank qu'il a déclaré, lors de ses dépositions, avoir connus au cours de l'exercice de son travail. Dahmani cite «Amghar, Nanouche, Mir Sid Ahmed, Baïchi, Chikhaoui Riad». «Vous avez dit que la majorité des hauts cadres d'El Khalifa Bank ont fait des interventions pour le recrutement du personnel naviguant ? » «Durant les périodes de recrutement, c'est tout le monde qui intervenait, c'est humain et cela m'a valu beaucoup d'ennemis.» «Vous connaissez Aziz Djamel ? », demande le président du tribunal. «Je l'ai connu en lui remettant ma lettre de prêt ». «Racontez-nous ?» Dahmani précisera alors qu'au cours d'un vol commercial, il a rencontré le P-dg du Groupe Khalifa à qui il a demandé un prêt en raison de ses difficultés sociales. Abdelmoumène Khalifa a accordé le prêt en apposant sa signature sur la demande et en orientant l'accusé vers l'agence d'El Harrach, dont le directeur était Aziz Djamel. Ce dernier a demandé à Dahmani d'ouvrir un compte au niveau de l'agence et lui a versé le montant du prêt, 250 millions de centimes, tout en lui assurant que la procédure de remboursement sera vue avec l'administration de Khalifa Airways. Tout au long de l'audition à la barre, il a été précisé que l'accusé a utilisé son prêt de 250 millions de centimes pour rembourser un crédit de 1991 de la Cnep et que le reste lui a permis de terminer les travaux de la construction de la demeure familiale. L'accusé, qui sera acculé par les questions, soutiendra devant le juge Menouar : «J'avais des problèmes familiaux. Pendant 14 ans, j'ai vécu dans une seule pièce avec ma femme et mes enfants. J'ai fait un prêt au niveau de la Cnep de 130 millions en 1991 et j'ai commencé à construire. Mais je n'arrivais plus à rembourser en raison des taux d'intérêts énormes (un taux d'intérêt de 22% pour le prêt complémentaire). J'ai demandé alors à mon P-dg de m'aider. Je vous assure Monsieur le président que j'ai habité l'étage construit alors que les murs étaient en ciment et le sol sans carrelage.» Le juge fera alors remarquer à l'accusé qu'il n'avait rien remboursé jusqu'à ce qu'il soit convoqué devant le juge. Pour le procureur général, l'accusé Dahmani a reçu un don et non pas un prêt en contrepartie de sa participation dans la collecte des dépôts des entreprises dont les responsables ont obtenu le recrutement de leurs enfants et neveux. Les crédits de Khalifa Airways dépassaient les 300% du capital. Son découvert était de 900 millions de dinars Après une pause-déjeuner d'une heure, le juge commencera à appeler les inculpés pour délits. Les premiers à comparaitre à la barre ont été les deux commissaires aux comptes d'El Khalifa Bank, accusés de non dénonciation des infractions et transmission d'informations erronées. C'est Mimi qui se présentera le premier à la barre. Il expliquera au tribunal qu'il avait travaillé en qualité de commissaire aux comptes d'El Khalifa Bank pendant 3 ans, de 1998 à 2000. Ses honoraires étaient de 50 millions de centimes pour la première année et de 75 millions de centimes par an, les deux autres années. D'emblée, le président lui demande pourquoi le bilan de 1998 n'était pas arrêté. «Les analyses de compte n'étaient pas encore prêtes. Nous avons donc attendu que le Conseil d'administration nous les transmette.» L'accusé indiquera que l'assemblée générale de 1998 ne s'est tenue qu'en décembre 1999. «J'ai informé les responsables de la banque qu'il leur fallait une prolongation du tribunal compétent, puisque l'assemblée générale ne s'était pas tenue le 30 juin. En ce qui nous concerne, on ne pouvait pas établir un rapport pour seulement 5 mois d'activité.» Cela étant, ajoute Mimi, «nous avons émis des réserves sur le bilan établi plus tard. Les états comportaient beaucoup de suspens. La régularisation a été faite par la suite». Questionné sur l'importance des comptes d'ordre, le commissaire aux comptes a déclaré que la banque a été incapable de les justifier. Il indiquera que toutes les anomalies ont été signalées. «Nous avons même transmis en 2000 un rapport à la Banque d'Algérie pour signaler les anomalies et le non respect des règles prudentielles.» Le juge l'interroge sur les raisons qui ont poussé les commissaires aux comptes à ne pas déposer plainte auprès du procureur de la République. «Nous avons estimé que tout ce qui était risques et non respect des règles prudentielles relevait de la Banque d'Algérie. Nous avons également saisi le P-dg, des inspections internes ont été menées mais sans que nos remarques ne soient prises en charge.» Le juge Menouar tiendra à rappeler à l'ex-commissaire aux comptes qu'il est tenu, comme le prévoit le Code du commerce, pour responsable devant l'assemblée générale pour certifier ou rejeter le bilan. Le tribunal lui fait remarquer les infractions qu'il a commises. «C'est la Banque d'Algérie qui a l'autorité requise pour prendre les mesures», se défendra l'accusé. Le commissaire aux comptes informera le tribunal que les crédits pris par Khalifa Airways dépassaient les 300% du capital. Ils étaient de 400 millions de dinars lors du premier contrôle avant qu'il ne soit certifié, que le découvert d'El Khalifa Bank était de 900 millions de dinars. Le même commissaire aux comptes finira par dire qu'il ne pouvait intervenir que sur les opérations arrêtées par la direction de la comptabilité. En plus clair, ce qui n'était pas reporté sur les documents de ladite direction ne pouvait pas apparaître. Il persistera en disant que sa mission était accomplie. Toutefois, le tribunal lui rappellera tous les articles du Code de commerce qu'il a enfreint en ne procédant pas aux contrôles requis, étant le premier gendarme de la banque. Le découvert de Khalifa Airways et Khalifa Rent Car s'élève à 113,7 milliards de centimes et les transferts dans le cadre du commerce extérieur sont de l'ordre de 153,3 milliards de centimes Sekhara Abdelhamid est le deuxième commissaire aux comptes qui a travaillé pour Khalifa Bank. Installé par le conseil d'administration, alors que c'est à l'assemblée générale des actionnaires de le faire, il indiquera comme son confrère qu'il a relevé les anomalies dans les comptes. «Nous travaillons sur la base de sondages et d'échantillons à partir des journées comptables que nous transmettait la direction de la comptabilité. Donc, on ne pouvait pas déceler toutes les anomalies. Pour celles que nous avons décelées, nous avons émis des réserves.» Et M. Sekhara d'ajouter : «La comptabilité est censée faire systématiquement le contrôle de l'ensemble des journées comptables. Nous étions rassurés.» Le tribunal lui fait remarquer qu'il se devait d'établir des rapports périodiques. «Nous ne pouvions pas le faire au début en raison du chevauchement des exercices. Mais nous en avons établi par la suite.» Le prévenu, qui comparaît pour les mêmes chefs d'inculpation que son confrère, dira ne pas avoir été au courant que des agences de Khalifa Bank avaient des activités de commerce extérieur sans agrément. «Par contre, nous avons remarqué que l'EURL Khalifa Airways était débitrice de 6,5 milliards de centimes. En poussant les recherches plus loin, nous avons découvert que certaines opérations n'étaient pas portées. Car, en réalité, elle était débitrice de 90 milliards de centimes.» M. Sekhara expliquera que se basant sur la loi sur la Monnaie et le crédit, un rapport a été transmis à la Banque d'Algérie en 2000. «S'agissant de financement d'une entreprise, nous ne pensions pas que cela constituait un délit», indiquera encore le prévenu en justifiant le non recours au Code du commerce. «Quelques jours après, la Banque d'Algérie a dépêché une commission de contrôle qui a conclu non pas à un découvert de 40 milliards de centimes, mais de 6,5 milliards de centimes uniquement.» Le tribunal interroge alors l'accusé sur le financement accordé par Khalifa Bank à l'Eurl Khalifa Airways : «Cela nécessite-t-il une convention ?» «Oui», dit l'ex- commissaire aux comptes. Le juge Menouar l'interroge alors si le non respect du taux prudentiel qui ne doit pas dépasser les 20% des fonds propres de la banque, ne nécessitait pas une dénonciation auprès du procureur de la République. «Nous avons signalé à la Banque d'Algérie les anomalies et nous avons émis des réserves suspensives avec le risque de rejeter les comptes la prochaine fois.» Le juge ne semble pas convaincu et repose la question sur le retard des bilans financiers annuels. L'accusé explique que c'était à cause de la contrainte de la non disponibilité des informations. Le magistrat demande encore à l'accusé quelles infractions valent, selon lui, une dénonciation. «Pour dénoncer un délit, il y a une procédure d'alerte et des normes doivent exister, mais cela n'existent pas en Algérie», dit l'ex-commissaire aux comptes. «Et les prêts octroyés au personnel d'un montant de 34 millions de dinars ? N'était-ce pas suffisant pour éveiller les soupçons ?», demande le juge. Sur un autre point soulevé, le commissaire aux comptes a expliqué que le montant des écritures entre sièges non justifiées s'élevait à 300 milliards de centimes sur un total de 3 200 milliards de centimes. «Nous avons saisi le P-dg». «Sur quel base juridique ?», demande le tribunal. «Aucune, ce sont les usages», répond le prévenu qui poursuivra en disant que Abdelmoumène Khalifa a constitué une commission interne composée d'éléments chevronnés, dont M. Hammache, pour lever les réserves des commissaires aux comptes. En prenant la parole, la partie civile a insisté sur le montant élevé des crédits au personnel, demandant si cela ne justifiait pas d'exiger de voir les conventions. L'accusé a expliqué qu'il y avait 38 millions opérations bancaires dans les comptes El Khalifa et que pour les échantillons analysés, les conventions existaient. L'avocat de la partie civile demande alors si la convention avec Khalifa Airways existait. Gêné, l'accusé avouera n'avoir pas demandé ce document. Me Meziane tiendra alors à préciser que le découvert de Khalifa Airways et Khalifa Rent Car s'élève à 113,7 milliards de centimes et que les transferts dans le cadre du commerce extérieur sont de l'ordre de 153,3 milliards de centimes et de se demander si de pareils montants ne devaient pas pousser les commissaires aux comptes à réagir ! En prenant la parole, le procureur général dira aux commissaires aux comptes que «si vous aviez fait votre travail, on ne serait pas là aujourd'hui, il n'y aurait pas eu toutes ces pertes». Il révèlera que Mimi a été contacté par une cousine à lui qui travaillait dans la banque El Khalifa pour occuper le poste de commissaire aux comptes. Il demandera ensuite aux accusés pour quelle raison ils n'ont pas quitté dès la première année leur poste en constatant autant d'anomalies comme le fait de l'existence de deux directeurs de la comptabilité. «Le bilan de 2000 n'a été déposé qu'en 2002, un retard de 18 mois. Ce n'est pas normal. Il ne s'agit pas d'un seul exercice mais trois et vous aurez pu démissionner», a dit le procureur avant de conclure : «Vous avez validé un bilan avec des taux de risques prudentiels supérieurs au taux légal permis.» H. Y.